Hors il existe des spécialistes impartiaux du sujet, scientifiques de surcroît. Curieusement, seuls nous, blogueurs, parvenons à les identifier, comme en témoigne cette interview de Patrick Waelbroeck par Read/Write Web France. Ce dernier est professeur associé à Telecom Paris au département Economie et Science Sociale et fait partie des spécialistes mondiaux concernant l’économie des biens culturels.

Ces interviews ne sont pourtant pas vaines. Un membre de l’équipe rapprochée de Pierre Moscovici -député de la 4ème circonscription du Doubs-, a souhaité faire se rencontrer les deux hommes, ne serait-ce pour offrir à l’homme politique une vision neutre, étayée et moderne de cette épineuse question.

Certes, on pourrait revenir sur le nombre de présences de ce même député aux débats concernant Hadopi ou évoquer le caractère tardif de la prise d’intérêt du sujet par certains membres de l’opposition. La critique est plus difficile lorsque l’on compare cette initiative isolée à l’ignorance crasse des nouvelles technologies, de leurs usages et de leurs conséquence, dans laquelle se complaisent la majorité de nos représentants. Même si, bien entendu, cette démarche n’est sûrement pas la première, ni, je l’espère, la dernière.

Si seulement, de leur plein gré, que cela soit motivé par un intérêt électoraliste ou non – peu importe après tout -, lors d’Assises du Numérique par exemple, nos élus marquaient la même curiosité en demandant à un tel scientifique ou à un de ses confrères (allez, rêvons, Larry Lessig…) d’expliquer quelle est l’ère du savoir dans laquelle nous sommes entrés et quelles lois lui seraient adaptées, alors Owni n’aurait – fort heureusement – plus de raison d’ être !

Ici, l’interview de Patrick Waelbroeck par le membre de l’équipe de Pierre Moscovici, Cédric O, quelques jours après l’entrevue entre les deux hommes.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

L’idée est simple: déporter tous les procédés de stockage et de calcul de nos appareils informatiques vers des serveurs mutualisés, sans être clairement identifiés, d’où cette évocation vaporeuse de “nuages”.

De manière sous-jacente, nous imaginons, d’une part, la possibilité d’appareils de plus en plus petits et puissants, accessibles en mobilité, et de l’autre, des recherches scientifiques aboutissant plus tôt que prévu, dopées par ces centres de data crunching décentralisés.

Aujourd’hui, le Cloud Computing est souvent abordé sous les mêmes angles :

- sa genèse (en 2 mots : Bisciglia et Google101)
- les perspectives économiques qu’il offre (pour les fournisseurs de services, au premier rang desquels Amazon, comme pour les fabricants de hardware
- les craintes qu’il soulève, des plus rationnelles, aux plus cosmiques (Kevin Kelly et son “superorganisme” valent le détour – à réserver aux amateurs de science-fiction pessimistes -)

Qu’en est-il des conséquences de fond à prévoir sur nos usages ?

La plus essentielle concerne selon moi le rapport à la possession et à la propriété. Lorsque nous ne manipulerons que des objets digitalisés, stockés et activés à distance, dans ce magma qu’est le cloud, nous ne percevrons plus les biens culturels, alors immatériels, comme un objet de propriété. Le sens de chacun des objets constituera seul la valeur de l’objet, pas sa forme.

De là à penser que la propriété intellectuelle sera profondément chamboulée, il n’y a qu’un pas. Le cloud computing peut précipiter ce que Larry Lessig ou tous les anti-Albanel auront rêvé. Nos bibliothèques, sur le point de disparaître, vont céder le pas à leur alter ego numérique, accessible de tous nos appareils connectés, domestiques ou professionnels, plus ou moins mobiles. Le calcul et le stockage n’étant plus appelés à se réaliser sur les machines même, de nombreux appareils mobiles à très bas prix feront leur apparition, permettant d’innonder les pays en voie de développement d’outils révolutionnaires en termes d’accès aux connaissances.

Les données non sensibles seront rapidement attirées, par le biais du web sémantique, à tisser des connexions entre elles, pour ne finalement former qu’une seule grande base de connaissance du savoir humain, dans laquelle chaque fragment de donnée est un noeud du vaste maillage. Le droit d’auteur, tel qu’il est pensé aujourd’hui, est un obstace sur le chemin de cette toile du savoir. Une fois de plus, licences Creative Commons et licence globale apparaissent comme des outils efficaces pour passer outre cette entrave.

Alors, il sera possible de parler de société numérique (par opposition à la fracture), d’accès équitable à la connaissance pour tous et enfin, de méritocratie !

Credits : Geek & Poke (CC)

Lors des débats à l’Assemblée Nationale concernant la loi Hadopi (V1), beaucoup d’internautes, stupéfaits de ce projet de loi liberticide et rétrograde, ont eu l’impression de crier dans le désert.

Le nombre de posts, de tweets et de vidéos semblait dérisoire au regard de médias traditionnels condescendants et terrifiés qui étouffaient ce raz-de-marée, lorsqu’ils n’y allaient pas de leurs reportages univoques sur les dangers d’internet.

A tous ceux qui se sont exprimés contre ce projet de loi, une fois ou cent fois, par n’importe quel biais, nous dédions ce message, ici in extenso, que le député Jean-Pierre Brard, a.k.a. le Colonel Moutarde dans les milieux autorisés, a adressé aux internautes l’ayant contacté par mail:

Cher(e) ami(e),

Au cours des débats qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale, depuis le mois de mars, sur le projet de loi sur la création et la diffusion sur internet, la surdité et l’obstination absurde de la ministre et du gouvernement n’ont eu d’égal que la mobilisation continue des internautes-citoyens. Vous avez apporté une contribution essentielle tant en terme d’arguments solides que de comparaisons pertinentes, d’éléments techniques ou de prises de positions politiques pour contrer ce projet de loi liberticide, inadapté au fonctionnement d’internet et qui n’apporte aucune solution aux problèmes de la rémunération de la création.

Le nombre de mails qui nous est parvenu était si important qu’il était impossible de répondre individuellement et immédiatement à toutes celles et tout ceux et qui ont voulu faire entendre leur voix dans ce débat. C’est pour cela que je vous adresse, aujourd’hui, ce mail.

Je tenais à remercier tous ceux qui, par leur soutien ou les arguments qu’ils ont apportés, ont fait de l’examen de ce projet de loi un formidable exemple de démocratie participative. Cette communication constante et continue a été une source inestimable d’informations. Cela a également permis de prouver au gouvernement, et à tout ceux qui veulent contrôler internet pour des profits privés, que le réseau internet est un espace de liberté, un espace dynamique, citoyen et qui porte en lui des possibilités immenses en termes de création et d’innovation.

La discussion sur le texte, malgré le rejet par l’Assemblé, le 9 avril dernier, devrait reprendre prochainement. Ce sera l’occasion pour nous d’aborder la question de la rémunération de la création et de sa diffusion sur internet. Cette question fondamentale doit prendre toute sa place dans le débat. C’est aux citoyens et aux artistes de s’en saisir et de faire des propositions dans ce sens. Alors, continuez de nous écrire et de faire entendre votre voix, que nous relaierons, autant que possible, au sein de l’hémicycle et dans les médias.

Cordialement,

Jean-Pierre Brard

Député de la Seine-Saint-Denis