OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Et Warhol échangea la révolution contre 15 minutes de téléréalité http://owni.fr/2010/12/15/et-warhol-echangea-la-revolution-contre-15-minutes-de-telerealite/ http://owni.fr/2010/12/15/et-warhol-echangea-la-revolution-contre-15-minutes-de-telerealite/#comments Wed, 15 Dec 2010 14:44:46 +0000 Catnatt http://owni.fr/?p=37438 En 1968, au Moderna Museet de Stockholm, Andy Warhol écrivit dans un catalogue de l’exposition :

Dans le futur, chacun aura droit à 15 minutes de célébrité mondiale.

Warhol assassina sans le savoir toute possibilité de révolution dans le système occidental et capitaliste.

En lisant Tomates de Nathalie Quintane, je suis tombée sur un échange de lettres entre celle-ci et Jean-Paul Curnier (philosophe et écrivain français). Il dit en l’espèce : « je veux dire que l’individualisation, c’est-à-dire la façon pour les pouvoirs en place –de l’Etat aux entreprises jusqu’aux chefaillons les plus insignifiants– de s’adresser à la collectivité, repose sur l’adresse à l’individu. (…) Cette méthode marche assez bien (une méthode à l’ego, en quelque sorte) puisqu’elle « accorde » à chacun une reconnaissance de pacotille qui « le distingue » et semble hausser l’individu hors de l’anonymat de la masse. Si bien que ce qui vient directement à la conscience, c’est que l’ennemi principal, c’est l’anonymat des foules, et non la machinerie qui fait de lui un être sur mesure, formaté pour les besoins. »

Dompter les foules par la promesse d’un destin

Alors, évidemment, mon titre claque, mais il est faux [le titre original du billet était Warhol killed the revolution, NdCE]. Cependant, Warhol avait senti le vent tourner, le vent des temps qui changent. La méthode à l’ego, mais oui, bien sûr, la solution pour dompter la masse. Aucun pouvoir politique jusqu’à présent n’avait compris que le meilleur moyen pour anesthésier un peuple, c’est de lui faire croire à travers d’autres vecteurs que l’Etat, qu’il compte, du moins que chaque individu qui le compose est unique et aura droit à l’expression de sa singularité. Pendant un quart d’heure au moins. De nos jours, tout le monde espère en son for intérieur avoir son moment de célébrité, le jour de gloire est arrivé et c’est cette arrière-pensée qui nous muselle. Nous pensons tous avoir un destin, mieux, avoir droit à un destin, et nous ne voulons pas gâcher nos chances. Nous n’avons presque rien, une majorité d’entre nous est dans la merde, et pourtant nous ne sommes pas un peuple qui n’a plus rien à perdre : l’on nous fait croire que nous avons tout à gagner, nuance. Nos chances d’être reconnus ? Téléréalité, émissions, documentaires, reportages, Internet, sans aucun doute, Tournez Manège, vidéos Youtube, blogs, ridicules, héroïques, en colère, ou explosant de joie, le loto médiatique nous tend les bras : 100% des gagnants n’ont même pas tenté leur chance, ça leur tombe dessus.

Il n’y aura pas de révolution. Il n’y aura pas de révolte. On préfère de nos jours devenir célèbre plutôt qu’être libre, chaque époque a son mantra, autrefois, l’on disait « Liberté, Egalité, Fraternité », à présent l’on pense « Célébrité, Ego, Paillettes ». On ne cherche même pas à être riche, même si c’est important, non, non, ce que l’on veut, c’est compter, à n’importe quel prix, par n’importe quel moyen. Tenez, ce que je suis en train de faire, là, maintenant, finalement, n’ai-je pas en filigrane ce désir inconscient du quart d’heure, non pas américain, mon quart d’heure mondial, allez, soyons modestes, mon quart d’heure français ?

Ce quart d’heure, quinze minutes, rien -à peine une demie-seconde à l’échelle de l’histoire de l’humanité- tient lieu d’idéal à présent. Adieu les mythes, les dieux, la philosophie, les terres inconnues, la politique, le monde meilleur. Place à la décharge d’adrénaline, une reconnaissance factice, quelques minutes s’il-vous-plaît, le vertige, je suis unique. Certains pensent que le malentendu s’est installé au XIX siècle, cette période dépressive. Le romantisme français aurait généré une façon de mettre en scène sa vie autant que son art. (voir ici ) Je cite : « Parce que l’espace s’est divisé en deux mondes, la vraie vie banale et souvent inintéressante, et la vie devenue oeuvre d’art, qui a su prendre toute la décharge affective » (Demian West). Internet n’est-il pas devenu le terrain de prédilection de ce phénomène ?

Et c’est bien parce qu’on en crève un peu plus chaque jour, nos vies banales à en mourir, que les sphères du pouvoir, sans même probablement s’en apercevoir au départ, s’engouffrèrent dans cette autoroute d’abrutissement généralisé : pour toi Public, tiens bon, tu vas passer à la télé, tu auras ton quart d’heure de gloire.

Le RSA complice de l’individualisme à outrance

Alors, on me dira, chère Catnatt, tu fais partie des bobos, tu ne sais pas ce que ressent la France d’en bas, celle qui est capable de se réveiller et de tonner un jour. Oui, c’est vrai mais je réponds aussi que ce cri dont tout le monde nous parle, ce cri auquel moi aussi je croyais, c’est un fantasme. Car le second assassin -car il y en a un, se nomme : les Assedic-RSA. Oui, ce formidable système d’entraide (système auquel je suis très attachée paradoxalement) a eu des effets pervers. D’un côté, le quart d’heure tient lieu d’idéal, de l’autre les Assedic maintiennent sous perfusion.

Là où ça devient particulièrement pervers, c’est au niveau de la personnalisation. La méthode à l’ego s’est appliquée à ce dispositif solidaire, la personnalisation à outrance induit une non-révolte au bout du compte : contact mensuel, coup de téléphone, rendez-vous, compte-rendu, l’institution maintient le chômeur sous pression en permanence, ce qui n’était pas le cas il y a quelques années. Tu bouges du cadre, tu sors.  On te fait croire qu’on tient compte de toi, mais c’est juste une façon de t’expliquer que l’Etat n’oublie pas l’argent qu’il te vire chaque mois alors que tu ne produis rien. Les Assedics sont évidemment une belle idée.

Sauf qu’actuellement au lieu de dire : « tu as cotisé, tu as droit à ce système pendant un certain temps », on sous-entend en permanence « j’espère que tu culpabilises de coûter autant d’argent à la société, sois reconnaissant».

Ce ne sont pas seulement les pouvoirs publics, ce sont nos congénères aussi. Un discours rampant. On rêvait de fraternité, on se retrouve avec un  système biaisé. L’Etat fait l’aumône, c’est ainsi, en filigrane que le discours est orienté. On agite le spectre en permanence d’un arrêt de la solidarité. Donc on tremble sur nos bases. L’Etat grignote. On le constate, mais on ne se révolte pas de peur qu’il supprime tout. Donc on laisse faire.

Jean-Paul Curnier dit :

Je veux dire que le peuple n’est pas « une réalité dormante » qui se réveille à chaque grand rendez-vous de l’Histoire (…) mais quelque chose qui dépasse tout un chacun, qui est ingouvernable, en tant que tel et sur quoi nul n’a de prise (…) quelque chose qui répond à la solitude devant le pouvoir. (…) Le centre d’intêret d’une domination parfaite, c’est de prévenir tout recours au peuple quand ça va mal. La mise en place des assedics est selon moi un des instruments les plus efficaces de destruction de toute possibilité d’un peuple comme recours, dans cette solitude de condition il y est substitué la « puissance publique ».

Autrement dit, il n’y a plus besoin du peuple, de sentir la solidarité des siens, l’Etat y pourvoit juste le minimum pour nous maintenir la tête hors de l’eau. Le capitalisme est tellement vissé dans nos crânes, parce que sacralisé par les médias quoi qu’on en dise, les mêmes qui nous vendent du rêve, que même si nous envisageons sereinement de ne pas réussir par le biais du travail –on espère juste ne pas se faire virer, nous avons toujours nos deux soupapes : j’aurai de quoi survivre, j’ai de quoi m’évader, je ne vais pas tuer le système qui me permet ça. Donc, je me tais. Je serre les fesses et je ferme ma gueule. Du moins, je ne l’ouvre pas trop parce que si c’est de trop, mes congénères m’expliqueront que je ne suis pas réaliste. Tout en jouant frénétiquement au loto. L’Etat n’a plus à réprimer. Il a juste à nous abrutir. Il nous fait croire que notre liberté nous est acquise, sauf qu’il a trouvé le meilleur flic du monde : nous-mêmes. La méthode à l’ego a généré deux phénomènes : perte du sens du groupe, en tant que support solidaire, au profit d’un « nous » potentiel ennemi du « je »; obsession du « je » devenu sens de l’existence avec un sacre médiatique éventuel.

Nous allons tout droit dans la société décrite par Damasio dans La Zone du Dehors.Il nous manque juste quelques degrés de confort. Ce livre de science-fiction, lu cet été, m’a certes énormément marquée, mais il faut bien avouer qu’il y avait quelque chose de glaçant, parce que parfaitement envisageable. La méthode à l’ego, la meilleure répression du monde, la meilleure ivresse du monde, la plus belle arnaque, moi, moi, moi, et je tire tout seul comme un grand sur le « nous ».

Warhol pensait probablement annoncer une bonne nouvelle, ce jour de 1968. C’était en fait une oraison funèbre.

Celle de la révolution.

Billet initialement publié sur le site Izine sous le titre Warhol killed the revolution.

Photo FlickR CC : Matt Ortega ; David Spigolon ; Bruno Boutot.

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Mieux que Copé: exigeons des examens d’entrée en maternelle pour lutter contre l’échec scolaire http://owni.fr/2010/11/01/mieux-que-cope-exigeons-des-examens-dentree-en-maternelle-pour-lutter-contre-lechec-scolaire-ecole-enfants-education-nationale/ http://owni.fr/2010/11/01/mieux-que-cope-exigeons-des-examens-dentree-en-maternelle-pour-lutter-contre-lechec-scolaire-ecole-enfants-education-nationale/#comments Mon, 01 Nov 2010 15:14:13 +0000 Catnatt http://owni.fr/?p=37057 Jean-François Copé vient d’avoir LA bonne idée en matière d’éducation. Établir un examen de passage, un genre de baccalauréat pour les CM2. Je vois que certains esprits chagrins s’en offusquent. Ces bien-pensants irresponsables feraient mieux de s’abstenir.

Comment ne pas constater objectivement les bienfaits d’une telle idée ? L’on sait que la délinquance commence très jeune ; Dès deux ans et demi, une racaille se repère, les gens de bon sens l’ont remarqué. Cet examen vers l’âge de dix ans serait un pas salutaire vers, ce que j’espère à terme pour mon bon pays, une série de diplômes démarrant au moins dès l’apprentissage de la propreté. Après tout, force est de constater qu’il y a quelques branleurs qui traînent pour devenir propres et je vais vous dire Mme Chabot, branleur aujourd’hui, délinquant demain.

Ce n'est pas avec des gamins qui rampent que nous allons redresser la France !

C’est comme apprendre à marcher, certains crapahutent encore à quatre pattes à l’âge de 18 mois. Une récente étude nord-coréenne a établi de manière formelle le rapport entre un retard pour apprendre à marcher et l’aptitude aux activités anarchistes. Arrêtons de balayer les miettes sous le tapis comme dit notre cher Président, Nicolas Sarkozy. Pour parler simple, car c’est parler juste, les retardataires de la marche ralentissent notre pays, c’est irresponsable de laisser cette hérésie perdurer et je somme d’ailleurs les socialistes de cesser d’être irresponsables et de jouer avec l’avenir  irresponsable de la France. Car chacun sait que dans le discours irresponsable de l’opposition irresponsable, il y a bel et bien une incitation  irresponsable à rester en couche-culotte irresponsable et à quatre pattes. Et pourtant, il faut réformer, il serait irresponsable de laisser en l’état.

Par ailleurs, un enfant de trois ans qui pique un jouet à un autre, il faut être lucide, c’est de la graine de voyou. Donc, à terme, un examen d’entrée à l’école maternelle permettrait de garantir la sécurité de nos concitoyens, de faire de la prévention, cette idée si chère aux trotskystes enragés qui s’opposent à toute réforme. D’ailleurs, pour parler simple, car c’est parler juste, un examen en fin de maternelle serait aussi une excellente idée. Ceux qui sont déjà en situation d’échec scolaire redoubleront. Il serait criminel de les laisser passer en CEP. Voire irresponsable.

A une année près, les comportements délinquants sont déjà installés chez les enfants du plus jeune âge. Ne rien faire serait irresponsable !

Mais revenons à la brillante idée de Jean-François Copé. Cette baccalauréette (C’est seyant comme nom, non ?) permettrait de faire le tri entre ceux qui savent et ceux qui entravent que dalle. On ferait redoubler ceux qui ont échoué. L’année suivante, ils se représenteraient. Évidemment, vous allez me dire, si déjà en CM2, ils rament, il y a peut-être des problèmes socio-économiques. Z’ont qu’à se démerder. S’ils ratent encore, ils triplent. Évidemment, vous allez me dire que le risque est grand d’avoir des élèves de 14 ans en CM2…

C’est pas faux.

C’est un sujet délicat et il convient de l’aborder avec franchise. Je vais vous dire, Mme Chabot, le mieux à mon sens, c’est de faire comme en Chine. Il y a un système d’alternance dès l’âge de 10 ans. « Les élèves vont travailler deux semaines par semestre, principalement dans des usines et des fermes, afin de se familiariser avec le monde du travail. » (Source wikipédia). Comme je les trouve un peu laxistes là-bas voire irresponsables, je propose, une semaine en alternance dès le second échec à l’examen de 6e. Et ce pour le bien de l’enfant. Certains sont manuels, ya qu’à voir leur aptitude à rouler des joints ou à braquer des iPhones, ce serait criminel de laisser un tel potentiel inexploité. Voire irresponsable.

Alors vous me direz, c’est rétablir le travail des enfants.

C’est pas faux.

Mais il faut savoir ce que l’on veut. Et puis, finalement, peut-être que ces jeunes s’épanouiraient beaucoup plus dans une usine, une mine dans le nord ou un chantier sur l’aire d’autoroute Sainte-Marie-de-Cuines. Ils rapporteraient un salaire. Enfin… un tiers d’un salaire de contrat en alternance, c’est pas très vaillant à cet âge-là.. Mais ils gagneraient en pouvoir d’achat, que dis-je la famille entière travaillerait plus pour gagner plus. Imaginez une fratrie entière, ça peut rapporter dans les 1000 euros par mois, c’est pas rien !  Et la France gagnerait en compétitivité. Et l’on pulvériserait les chinois, et ce serait génial. Et l’on n’aurait plus de criminalité. Et l’on régnerait dans le monde. Et l’on pourrait chanter « imagine » tous en chœur. Et… Et…

Et vous me direz qu’il est probable que l’ONU nous condamne pour violation des droits de l’enfant.

C’est pas faux.

Mais comme dit si justement Jean-François Copé dans le Parisien « Il y a en France une sorte de rituel d’un autre siècle. Il faudra bien un jour que cela cesse, sans compter l’image désastreuse donnée à l’étranger. C’est l’essentiel du pays qui est paralysé par l’action d’une poignée d’extrémistes. Or, chacun doit bien comprendre que nous n’avons aucun autre choix. » (voir ici)

Parfois… Je me dis vivement 2017 que Jean-François Copé soit Président de la République. Parce qu’à côté, je me demande si Sarkozy à côté, c’est pas un hippie… Voire un irresponsable…

(Note : évidemment, les propos de Jean-François Copé cités à la fin sont sortis de leur contexte. :p)

Photo FlickR CC araswamiMike Baird ;Lady Dragon Fly.


Ce billet a été publié originellement sur le site Megaconnard sous le titre La baccalauréette. Catnatt est auteur du blog Heaven can wait.

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Punk me I’m (not) famous! http://owni.fr/2010/10/19/punk-me-im-not-famous/ http://owni.fr/2010/10/19/punk-me-im-not-famous/#comments Tue, 19 Oct 2010 15:07:09 +0000 Catnatt http://owni.fr/?p=27151 Après avoir prêté sa plume à plusieurs publications en ligne, Catnatt a récemment ouvert son blog, Heaven can wait. Pour cette fine connaisseuse de la chose musicale, il était tout logique de se pencher sur un phénomène qui tient tout autant de la sociologie. Pourquoi donc certains ressentent-ils le besoin de s’approprier l’esprit punk alors qu’il savent à peine orthographier le mot ?

Je n’ai jamais été punk, je ne le suis toujours pas et je ne le serai jamais. On m’a surnommée « Fonzie » pendant des années, c’est dire (enfin.. pour être honnête, c’était surtout pour se foutre de ma gueule vu que j’avais un côté pas cool du tout). Je suis une petite bourgeoise de province, gauchiste de cœur, probablement par contradiction vis-à-vis de mon cher papa, je suis une bobo, coincée entre mon petit confort et de grands idéaux. De fait le punk est extrêmement loin de moi, tant de tempérament que de culture.

Pour autant, il y a une tendance qui m’agace prodigieusement depuis quelques temps, une mode qui consiste à se réclamer du punk sans vraiment réfléchir. Par contre, si l’on prend le temps d’observer qui ose prétendre à voix haute une hérésie pareille, bingo, c’est un bobo !

Je lis de-ci, de-là, « punk spirit » « punk inside » « punk machin » « punk truc ». J’ai envie de leur dire à ces gens-là…

« Faut vous dire, Monsieur que chez ces gens-là. On n’vit pas, Monsieur…On n’vit pas, on triche »… (Jacques Brel)

Oui j’ai envie de leur dire « leaaaaave the punk alone » (le summum étant atteint avec Lady Gaga « Je suis une punk classe », on croit rêver tant elle est impeccablement intégrée au système, celle-là.)

J’ai demandé à quatre personnes de me définir le mouvement punk. Ulrich de Shot by both sides m’a répondu ceci :

«Le punk ? Qu’est-ce que c’est ? Déjà soyons clairs, parlons-nous du mouvement punk ou du punk-rock ?

Nous avons tendance aujourd’hui à mélanger les deux et à ne mettre qu’en avant son pendant musical alors que le punk-rock n’est qu’une des nombreuses facettes artistiques du mouvement. Se revendiquer du mouvement punk, c’est tout d’abord être contre le système et l’ordre établi, réellement et profondément. C’est un mouvement contestataire qui répond par la violence à une violence sociale, économique et liberticide. Il faut savoir que le punk est la confluence de plusieurs courants politiques, philosophiques, littéraires et artistiques : l’anarchisme en premier lieu, le marxisme et le nihilisme dans un second temps. De même, on pourrait dire que les dadaïstes furent les premiers véritables punks ainsi que leurs héritiers : les surréalistes, les lettristes, les situationnistes et dans une moindre mesure les membres de la Beat Generation, Burroughs en tête..

Et si l’Angleterre a été le creuset du mouvement, il ne faut pas sous-estimer ce qui s’est passé au même moment, voire un peu avant, aux États-Unis et en Australie. Le mouvement punk est donc avant tout anglo-saxon et européen, ensuite. Le punk exprime visuellement et intentionnellement son rejet de la société dans laquelle il vit. Il se met en marge volontairement et n’hésite pas une seule seconde à manifester son dégoût, en provoquant sciemment l’ordre établi.

Au-delà d’un état d’esprit, être punk, ça se vit au quotidien. Un punk ne s’affiche pas, il fait et généralement, ça se sait. Qui aujourd’hui peut se revendiquer punk ? Personne. Dans une société comme la nôtre où la compromission est de mise à chaque seconde, se revendiquer punk est une imposture. Qui était hier punk ? Guy Debord, oui. Arthur Rimbaud, aussi. Netchaïev, certainement. Et en musique ? Les Sex Pistols, définitivement. Les autres se sont accommodés du système et sont responsables de sa récupération.»

De fait, j’ai envie de dire qu’un punk en général ne braille pas sur Twitter ou sur iChat ou sur Facebook qu’il l’est punk hein…

Benjamin de Playlist Society, lui a plutôt analysé le phénomène actuel :

« Qui : des enfants devenus adultes pour qui le mot punk n’est pas une culture mais une brique parmi tant d’autres de ce dans quoi l’être humain a le droit de piocher pour composer sa personnalité.

Quoi : un mode de vie qui est devenu une culture. Or toute culture s’accompagne d’attributs et de codes visuels. Aujourd’hui, la culture a disparu, il ne reste que des attributs et des codes. Se réclamer de la punk-attitude, c’est une méconnaissance du sujet et non un engagement social.

Comment : par les simples mécanismes de la société et par la récupération dorénavant systématique des contre-cultures.

Où : partout où les gens ont besoin de se positionner par rapport aux autres.


Pourquoi : parce que c’est dans la nature humaine de se revendiquer de quelque chose. D’autant plus quand ce quelque chose est lié à des notions qui flattent l’égo comme l’indépendance, la rébellion et l’anarchie.»

C’est pas une belle aberration, ça, de se flatter l’égo avec un mouvement qui tendait vers tout sauf l’égotrip, la flatterie, et la flagornerie ? On atteint des sommets dans le personal branding, tout est bon pour sur-exister, se démarquer des autres en étant conformiste à en pleurer. Je ne peux pas être d’accord, je trouve honteux de laisser récupérer ce mouvement par des bobos en mal d’identité. Tout a été recyclé, usé, dénaturé, je sais, je sais, mais de par sa violence de contestation, le punk devrait être respecté et laissé là où il est, mort et enterré. Il ne peut renaître de ses cendres en l’état, car il a été intégré par tous ou quasi depuis que le capitalisme est incontournable. Certains veulent réformer, adapter ce système mais le détruire, non. Il peut exister un mouvement social, musical, culturel de contestation, mais ayons la décence de ne pas se réclamer d’une lame de fond aussi importante qu’éphémère. Le grunge par exemple, à mes yeux, n’était que du punk délavé, passé à la machine, beaucoup moins radical, déjà fané, terni, fatigué.

Quand je vois un bobo afficher « punk », nous sommes automatiquement face à une escroquerie, car comme le dit Isabelle Chelley de Rock and Folk, qui m’a gentiment répondu :

« Pour moi, le punk c’est comme le cool, on ne le dit pas, on n’y joue pas, on ne le fait pas, on l’est… »

Qu’est-ce que ça ajoute en terme de valeur ajoutée, une jolie petite mention quasi légale « je suis punk » ? C’est glamour, c’est sexy, ça suppose qu’on est révolutionnaire ? C’est classe, c’est rock’n roll, ça suppose qu’on est un opposant planqué derrière son Mac, cheveux crados, mais fringues « The Kooples » ? C’est underground, follement hype, ça suppose qu’on manifeste depuis son loft à Montreuil ?

Mr Olivier va plus loin :

« Punk ou pas, mais le punk est un superbe exemple, les révoltes ont une furieuse tendance à s’avérer solubles dans les institutions. Mettez un révolté sous les projecteurs, offrez lui de la visibilité, puis observez : oh ce révolté a engendré tout plein de moins révoltés (mais plus exposés car trend setters). Et paf, ah y est : des badges à la con, des posters trop vindicatifs pour les murs des grandes chambres auxquels ils sont punaisés, des attitudes qui ne sont que postures, du… « total look , (exemple le fameux « no future » déformé puisqu’à l’origine c’était « no future for you » adressé à la reine d’Angleterre»). Il est déjà trop tard : la révolte est devenue lifestyle. Entendons « calibrée » « prémâchée » « markettée » et digne désormais de figurer en bonne place dans les pages Tendance/société, ou pire « look de la rentrée » (oui, je sais mais c’est vrai). Et si le punk est mort, il faudrait rappeler à tous ceux qui voudraient se servir que le cadavre est piégé. »

Si on les laisse faire, il y aura bientôt une série « Punk men », « Punk’s anatomy », déjà que pour les fringues, ça devient limite, et si une Lady Gaga prétend être punk, au niveau musical, du moins nous serons peinards. Mais le mouvement punk est politique. Profondément politique.Vous ne pouvez pas prétendre être punk et voter pour Ségolène Royal ou Bayrou, il y a des limites au foutage de gueule.

Ce qui me choque le plus dans cette tendance, c’est que ce sont des gens, pour la plupart cultivés et intelligents qui se réclament du punk. Je pourrais pardonner s’il s’agissait d’ignares, ou de djeunes en mal d’identité. Mais là, on est face à des trentenaires d’un certain niveau culturel et social, plus bourgeois que bohème, c’est navrant, relativement pathétique et impardonnable.

Pourquoi je tiens tant que ça à préserver le punk d’une quelconque récupération alors que je ne l’ai jamais été ? Parce qu’il y avait un aspect indéniablement pur malgré la crasse, la violence et les errances. Parce que c’était la première fois qu’une partie de la jeunesse explosait les codes à ce point-là. Parce qu’il était tant dans la destruction qu’il était voué à se détruire de lui-même logiquement.

Punk is dead. Laissons-le reposer dans sa tombe, en paix… Ou toujours en rage, oui, en rage, bouillonnant ; il renaîtra alors peut-être de ses cendres, violemment, toujours explosif, excessif et brutal pour hurler l’injustice du monde, faire table rase du passé et créer un monde, un champs de ruines où tout sera à construire. Et à cet instant mémorable, j’arriverai à entendre cette clameur, j’arriverai à la lire cette clameur surgie du néant et du fond des tripes, cette clameur qui dirait :

« Nous sommes des punks »

Je remercie Ulrich, Isabelle et Benjamin, qui ont largement contribué à ce texte ainsi que Mr Olivier pour son commentaire inséré dans le texte dans sa version finale. Ulrich vous a même concocté une bibliographie  et et je vous suggère de jeter un coup d’œil à cette vidéo  si vous voulez vraiment comprendre le mouvement punk.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Bibliographie :

Lipstick traces de Greil Marcus
Please kill me, the uncensured oral history of punk de Legs McNeil et Gillian McCain
England’s dreaming de Jon Savage

Article initialement publié sur Heavencanwait.fr

À lire aussi chez OWNI Néo-hippies & cyberpunks

Crédits photos : FlickR CC wind.com.my ; milesgehm ; LordKhan

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Du statut Facebook au statut de chômeur http://owni.fr/2010/06/18/du-statut-facebook-au-statut-de-chomeur/ http://owni.fr/2010/06/18/du-statut-facebook-au-statut-de-chomeur/#comments Fri, 18 Jun 2010 16:44:16 +0000 Catnatt http://owni.fr/?p=19324 En mai 2010, comparaissaient la direction d’Alten et deux ex-employés devant les Prud’hommes. Motif ? Ces deux derniers avaient critiqué l’entreprise sur leur page Facebook personnelle et un « ami » (c’est là que le choix de ce mot sur Facebook prend tout son sens, n’est-ce pas ?) les avait dénoncés, non que dis-je, avait répété leurs propos…

Je conviens que c’était assez idiot de leur part. Leur spontanéité les a perdus et ils se sont fait avoir, comme à peu près tout le monde, à savoir mélanger allègrement les vrais amis, les collègues de travail, les potes de maternelle, maman, l’amicale des joggeurs, et j’en passe.

Il faudrait inventer un terme intermédiaire entre sphère privée et sphère publique.

Car un profil Facebook est pile-poil entre les deux. En effet, cet échange privé sur une plateforme publique est exactement la même chose qu’une conversation lors d’un dîner -sauf que c’est de l’écrit et que cela s’imprime sur Internet. Notons qu’un profil Facebook étant en général un peu privatisé, cela peut rarement se fondre dans le référencement d’une boîte. Alors quoi ? Privé ? Public ? En regardant la liste des synonymes de ces deux mots, je retiens d’une part ‘personnel’, et de  l’autre ‘communautaire’. Antinomique, n’est-ce pas ?

Finalement ce ne sera aucun des deux.

Lacan et l’extimité

Lacan, 1969 : l’extimité, notion qui a été ressortie du placard pour analyser la téléréalité, mais qui s’applique impeccablement au réseau social.

Explication : l’extimité, c’est une zone, aux frontières floues entre la vie privée et la vie publique. Serge Tisseron, dans son bouquin « L’intimité Sur-exposée’ l’explique très bien : 

Je propose d’appeler « extimité » le mouvement qui pousse chacun à mettre en avant une partie de sa vie intime, autant physique que psychique.
Ce mouvement est longtemps passé inaperçu bien qu’il soit essentiel à l’être humain. Il consiste dans le désir de communiquer sur son monde intérieur. Mais ce mouvement serait incompréhensible s’il ne s’agissait que « d’exprimer ». Si les gens veulent extérioriser certains éléments de leur vie, c’est pour mieux se les approprier en les intériorisant sur un autre mode grâce aux échanges qu’ils suscitent avec leurs proches.»

L’extimité est en plein essor, les réseaux sociaux en sont la preuve et il va falloir faire avec. Il va falloir inventer. Le monde change, ce n’est pas sale… Dirigeants et employés vont devoir négocier. Je comprends la réaction spontanée de l’entreprise. La mécanique irrespect-sanction a la dent dure. Mais je crains que ça ne soit une erreur à long terme. Et de toute manière, très concrètement, le conseil des Prud’hommes n’a pas su, à ce jour, trancher. Pourquoi ? Précisément à cause de cet entre-deux, ce gouffre à extimité qui s’est créé avec le web. Cela suppose une certaine retenue de la part de l’employé. Et une certaine gestion de ressources humaines de la part de l’entreprise.

Quand j’ai jeté un coup d’œil au référencement d’Alten en pleine tempête, tout était trusté par les actualités. Exemples :  Licenciés pour avoir critiqué leur direction sur Facebook ! , ou Facebook. Licenciés pour avoir critiqué leurs chefs.

Regardons le référencement actuel d’Alten sur Google. Je remarque qu’ils ont bien travaillé et que pas mal de choses ont disparu au profit d’informations générales sur l’entreprise elle-même. De bonne guerre. Mais quid des salariés ?

Une condamnation injuste…

De mon point de vue, je ne vois pas pourquoi les employés seraient condamnés. Finalement, ils n’ont fait qu’assumer leurs propos au lieu de les laisser anonymement. A mon sens, que la justice ait ouvert une brèche est inquiétant. Elle aurait du débouter purement et simplement Alten de sa requête qui est, par définition et à mon sens, irrecevable. Il n’y a pas diffamation. Il y a constat, ou du moins des impressions personnelles, d’une part. D’autre part, l’adresse e-mail paramétrée pour les comptes Facebook incriminés sont des adresses mails personnelles. Ca s’arrête là.

De plus, Alten devrait considérer les choses autrement. Les entreprises aussi.

Au lieu de considérer les espaces communautaires comme un ennemi dangereux face au travail du service communication, pourquoi ne pas s’en servir ? Oui… je sais… Du long terme, pas de l’impact immédiat. D’un, contrecarrer n’est pas compliqué. De deux, cela permet une vision objective du bien le plus précieux (Et oui…) d’une boîte : les humains. (Ne riez pas, au fond, les adeptes du dégraissage, je vous vois).

Pourquoi ? Parce qu’une entreprise sclérosée par une gestion humaine catastrophique, ça nous donne France Telecom. C’est pas la boîte-à-coucou, c’est la boîte à suicides. Et FT va traîner ça longtemps. C’est devenu une blague. Un running gag. Il y aura d’autres dérapages entre employés et entreprises. Ce n’est que le début. D’autres cas vont arriver parce qu’il est impossible de faire sans l’espace communautaire aujourd’hui. Condamner les ex salariés d’Alten revient à tenter de combattre le piratage avec Hadopi. Un sparadrap sur  une plaie béante. Une espèce de trip moyen-âgeux seigneur/serfs. Une illusion.

…et contre-productive

Il ne sert à rien de se battre contre ça, il faut juste regarder les choses autrement. Qu’est-ce qui aurait été malin dans le cas d’Alten ? Convoquer évidemment ces salariés. Les écouter. Ou faire semblant. Deux, trois phrases bien tournées. Il est évident que ça aurait probablement fait le tour de la boîte et dissuadé les prochains de balancer des propos sur leur Facebook. Alten y aurait gagné en image. Pas de sanction. De l’empathie. Eventuellement, se débarrasser en douceur dans l’année des trois lascars. Ou mieux, l’employé culpabilisé devant tant de compréhension, aurait probablement été extrêmement rentable pendant un certain temps.

Au lieu de ça ? Des journaux, des articles sur Internet, Alten devient le symbole de l’entreprise violente, celle à abattre, celle dans laquelle on n’a aucune envie d’aller travailler. Brillant calcul. Tous les postulants regardent aujourd’hui le référencement des entreprises sur Internet. Bravo ! Alten s’est senti menacé dans son pouvoir et a préféré poser une bombe. Une future jurisprudence à son nom éventuellement.

Vers de nouveaux droits ?

Au droit de grève s’ajoute celui de s’exprimer dans un espace dont, si on connaît le début, on ne connaît pas la fin. Comme un chewing-gum collé à ses baskets.  Désagréable, n’est-ce pas ?

Le capitalisme est devenu une forme de terrorisme. A force, pendant des années, de disséquer le comportement humain, il a affuté ses armes, il est devenu redoutablement efficace, il nous fait croire que de la merde, c’est de l’or. Il se roule dans sa toute-puissance, il n’y a que lui comme solution, il est devenu Dieu. Alten a viré ses employés parce qu’elle se tape complètement de l’impact. Parce qu’avec son turn-over, ses arnaques (selon les propos tenus par les employés sur « note ton entreprise »), son management, elle s’est crue la plus forte. Pas tout à fait au-delà de la loi. Juste à côté. Capitaliste jusqu’au bout des ongles. Mais fait comme ces champions de l’offre et de la demande, du libre-échange. Elle court appeler Papa à l’aide quand ça ne va pas. L’Etat.

Elle appelle à l’aide parce que toute cette force d’inertie qu’elle avait su générer chez ses consommateurs, employés, nous les humains, a trouvé un espace de grogne. Un espace d’expression. Où tout va très vite. Elle ne respecte pas ses propres règles, ses dix commandements, ses tables de la loi, le saint principe : la liberté. Elle ne supporte pas une certaine forme de concurrence, finalement. Celle concernant la communication. Un lieu où l’extimité s’épanouit. Comme un défouloir, face aux méthodes de management, pondues par des crétins sur-diplômés au nom de la sacro sainte rentabilité immédiate.

Condamner les ex-employés, donner raison à Alten, c’est implicitement claquer une porte de sortie, fermer une soupape aux nez des gens. Dans une société hyper lissée, où tout le monde essaye de contrôler tout le monde et surtout soi, l’extimité, c’est devenu comme un moyen de respirer à nouveau. Presque une survie. Ce ne serait que justice face à des entreprises, ces championnes de la communication faux-cul, aux services de gestion de ressources bovines (on va pas se leurrer), qui osent nous sortir à présent que la crise est une bonne chose. Ils nous matraquent à longueur de journée. Qu’ils subissent un autre genre de matracage. La parole spontanée diffusée comme une traînée de poudre dans un lieu incontrôlable. Nous serons quittes.

Remerciements à Ulrich Stakov et Mr Olivier Ravard…

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Billet originellement publié sur iZine.

Crédits Photo CC Flickr : Bitzcelt, Bright, Pshab.

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