OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Facebook : dire “pouce” face au “like” http://owni.fr/2010/12/16/facebook-dire-pouce-face-au-like/ http://owni.fr/2010/12/16/facebook-dire-pouce-face-au-like/#comments Thu, 16 Dec 2010 13:44:32 +0000 Erwan François http://owni.fr/?p=39371 Je m’étonne un peu du succès durable du « like » sur Facebook car à mon sens, cette fonction qui induit souvent un abonnement peut mener rapidement à l’infobésité. D’autant que Facebook n’est que très modérément taillé pour nous permettre de gérer convenablement nos « likes ».

Sur la page d'accueil d'un blog, Facebook est proposé en premier pour le suivi des publications.

Envisageons la question de la façon suivante : il est fréquent que l’internaute se voit aujourd’hui proposer plusieurs solutions pour « garder le contact » avec telle ou telle source (site ou blog hors de Facebook, « ami » ou « fan page » sur Facebook…) et suivre ses publications ou, plus largement, celles de son (ses) auteur(s). Parmi les options disponibles hors de Facebook, parallèlement à la récupération de flux de syndication web (RSS/Atom) ou encore au suivi des publications d’un compte Twitter, et j’en passe, il y a… Facebook. Il arrive même que le lien via Facebook soit la première option proposée et soit davantage proposée que le reste. Cette offre peut prendre la forme d’un bouton bleu porteur du logo de Facebook, ou d’un bouton porteur d’une icône représentant un pouce et de la mention « J’aime », sur lequel il suffit de cliquer. C’est le « like », qu’on trouve dans et hors de Facebook.

Sur Facebook, une "fan page" proposant le bouton "Like" ("J'aime").

Qu’il soit proposé d’emblée ou par le biais d’une « fan page », on constate que le bouton « like » tend parfois à se substituer à l’abonnement via un flux de syndication web tel qu’il existe depuis de nombreuses années, non sans poser quelques problèmes d’adoption. Toutefois, si Facebook peut représenter une solution simple et familière pour de nombreux internautes, elle n’est pas nécessairement la plus pratique au bout du compte. Si l’on n’espère rien de très positif de l’Open Graph, il peut être intéressant de mieux cerner quelques caractéristiques et limites de Facebook en tant qu’agrégateur, et d’en tenir compte dans l’utilisation du « like » vis-à-vis de tout ce qui est sur Internet et disponible hors de Facebook. Ceci peut en outre conduire l’internaute à adopter un ou plusieurs outils complémentaires, notamment un portail personnel.

Du « like » à l’infobésité

Dans son fonctionnement, Facebook a plusieurs points communs avec un portail web personnel tel que Netvibes , et plus encore avec cet autre réseau social dédié au microblogging qu’est Twitter : l’une des actions fondamentales avec ces outils est, avant l’échange, l’abonnement, qu’il soit unidirectionnel ou réciproque.

Mais commençons à préciser les choses. Une première caractéristique de Facebook est que les abonnements ne se présentent pas comme tels ; ils prennent souvent la forme d’expressions relevant du champ lexical de l’affectif : « ami » (« friend ») ou « J’aime » (« Like »). Notons par ailleurs que tous les « likes » ne donnent pas lieu à un abonnement, que ce soit par Facebook ou encore par courriel. Il n’est donc pas toujours aisé de savoir quelles seront les conséquences informatiques d’un « like », surtout en période de découverte de Facebook.

Sur Facebook, l'icone bleue et verte incitant à ajouter un nouvel ami.

L’objectif de ce travestissement est probablement d’inciter l’utilisateur à multiplier certaines actions, qui constituent des témoignages d’intérêt voire d’affection (soit un bénéfice complémentaire à l’abonnement proprement dit pour les utilisateurs ; c’est une façon de s’exprimer exigeant un effort minimum), mais aussi autant de traces de ses relations, de ce qu’il apprécie, bref autant de symptômes révélateurs d’un certain profil (soit un bénéfice pour Facebook et ses annonceurs). Le « like » est aussi, évidemment, un outil de fidélisation précieux pour de nombreux éditeurs, or on est plus enclin à indiquer qu’on aime (ce qui ne coûte ni n’engage à rien, en principe) qu’à s’abonner. Au-delà des mots, les icones qui leur sont associées (le pouce pour le « like » et le « +1 » pour le nouvel « ami ») montrent combien elles sont considérées comme positives et souhaitables par le système et ses auteurs. Il y a enfin le fait que ces actions soient visibles — et donc prescrites par les utilisateurs –, ce qui n’est pas le cas de leur action contraire. Bref, ces propositions sont des incitations, et l’ensemble est tout sauf neutre vis-à-vis de l’utilisateur.

Malheureusement, céder à de telles incitations peut vite avoir d’assez pénibles conséquences pour l’utilisateur (indépendamment de la question de la publication d’informations personnelles). Qu’il se montre un peu trop « aimant » sur Facebook et son flux deviendra assez rapidement difficile à gérer, voire ingérable. Tout utilisateur peut constater que multiplier les « likes » et autres demandes à devenir l’« ami » de tel ou tel autre utilisateur actif est vite récompensé, si j’ose dire, par une exposition à cette véritable plaie moderne qu’est l’infobésité. Le « newsfeed », le fil d’information de la page d’accueil personnelle de l’utilisateur, se retrouve sous peu inondé de messages ou de traces d’activités des uns et des autres.

Il ne reste plus alors à l’utilisateur qu’à subir cette marée informationnelle (rechercher plus longuement ce qui est intéressant ; se rendre plus souvent sur Facebook ou accepter de voir plus rapidement disparaître, avant toute lecture, des items qui auraient pourtant pu l’intéresser…) ou à se résoudre à entrer dans une logique de filtrage-dosage, de masquage voire de désabonnement qu’il n’est pas toujours aisé d’assumer. En d’autres termes, Facebook ne facilite pas une bonne gestion de l’information ; il inciterait plutôt à un cumul perpétuel, géré d’une façon qui peut desservir l’utilisateur .

Un newsfeed chaotique

À la rigueur, nous pourrions davantage céder au chant des « likes » s’ils ne nous conduisaient inévitablement à éprouver l’une des limites de Facebook aujourd’hui, comparativement à des outils tels que Netvibes ou Twitter : le newsfeed est un fil unique. Les informations qui proviennent de mes  chères sources se retrouvent pêle-mêle dans un seul et même flux.

Il faudrait bien sûr nuancer et parler, entre autres, du « mur » et de certaines applications dont les contenus peuvent être affichés ça et là, hors du newsfeed. Mais rien de comparable avec la souplesse d’un portail tel que Netvibes, sur lequel l’utilisateur dispose de bien plus de latitude pour organiser ses sources en différents widgets, répartis sur différentes colonnes et différentes pages. L’utilisateur peut également adapter la forme des widgets à la nature des contenus (plutôt iconiques ou plutôt textuels, par exemple) ; adapter leurs dimensions à leur importance à ses yeux ou au rythme de publication de la source. Twitter, de son côté, offre la possibilité de créer d’autres fils de sources (selon telle ou telle thème par exemple). Une fonction précieuse ; personnellement, sur Twitter, je me reporte souvent à mes fils thématiques (bien qu’ils soient perfectibles), délaissant le fil principal dont le contenu, du fait que je m’intéresse à divers sujets, passe sans cesse du coq à l’âne… comme sur Facebook.

Les ambiguïtés du « like » et le côté rudimentaire de Facebook en tant qu’outil d’abonnement auraient donc de quoi amener l’utilisateur à changer ses pratiques : à faire le grand ménage dans ses « intérêts » et à éviter, parmi les nouveaux « likes », ceux qui sont susceptibles de se convertir en autant d’« intérêts » , là où une alternative existe. Facebook me semble surtout à utiliser pour les échanges avec les relations amicales et la famille, car c’est là et pas ailleurs que je peux retrouver la plupart d’entre eux, où qu’ils se trouvent. Les limites de cette plateforme m’apparaissent à peu près adaptées à un tel usage, pas beaucoup plus. À choisir entre un nouvel « ami » et un nouveau « like » dans Facebook , je sacrifie le dernier sans hésiter.

La veille informationnelle proprement dite, elle, serait plutôt à mettre en place sur un portail personnel (Netvibes ou un équivalent), qui peut comporter un widget Facebook parmi bien d’autres choses. Ceci me semblerait contribuer à remettre Facebook à sa vraie place, compte tenu des caractéristiques et limites identifiées ci-dessus — ainsi que des doutes dont il fait notoirement l’objet en matière d’utilisation des données personnelles. L’adoption d’un portail personnel permet de faire de Facebook seulement un flux parmi d’autres, plus qu’un flux qui recevrait tous les autres flux, ce qu’il cherche à devenir mais sans que les utilisateurs y aient forcément intérêt. Ce dernier scénario ne me semble envisageable avec Facebook que dans le cas où les flux ajoutés dans Facebook sont peu nombreux et/ou peu abondants.

Billet initialement publié sur Iconique, un blog de Culture visuelle

>> Illustration CC Loguy pour OWNI

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Les éclats des écrans Numériflash http://owni.fr/2010/10/21/les-eclats-des-ecrans-numeriflash/ http://owni.fr/2010/10/21/les-eclats-des-ecrans-numeriflash/#comments Thu, 21 Oct 2010 06:30:03 +0000 Erwan François http://owni.fr/?p=32661 Il a été beaucoup question des panneaux Numériflash, dont le déploiement a repris et s’intensifie actuellement à Paris, à cause de leurs caméras espionnes et de leur utilisation des ondes Bluetooth. Mais leur prégnance dans les couloirs du métro et du RER, liée à leur taille, à leur grande luminosité et aux animations affichées, a été un peu vite oubliée. Pourtant, elle peut se montrer fort gênante, elle aussi.

Sur son “dernier blog”, Jean-Noël Lafargue a déjà évoqué à plusieurs reprises cette année les dispositifs publicitaires “Numériflash”, ces écrans de 90 × 160 cm posés à la verticale, comarqués Samsung et Metrobus, et capables de diffuser des publicités animées (lire ses billets ici, , et ). J’aborde ce sujet à mon tour au moment où le déploiement de ces écrans, qui a repris en avril dans les couloirs du métro et du RER à Paris, semble passer à la vitesse supérieure. C’est pour moi l’occasion de prendre mieux conscience de leur nuisance.

L’accélération était flagrante cette semaine à République, une grande station parisienne que je fréquente une à deux fois par jour en semaine. Ce weekend, en repassant par cette même station, j’ai compté pas moins de six écrans Numériflash sur mon trajet. Si République a fait l’objet d’un équipement particulièrement rapide et abondant, sans doute est-ce parce que ces écrans sont ainsi présentés aux annonceurs:

Communiquez sur le 1er réseau numérique en France. Une présence sur un écran LCD full HD 70’’ dans des stations à fort trafic. Des emplacements ultra qualitatifs 100 % isolés pour une meilleure visibilité de votre campagne.

La fiche produit (PDF) d’où je tire ce passage indique aussi qu’entre septembre 2010 et janvier 2011, le nombre de “faces” Numériflash doit passer de 295 à 350. Début juin, il n’y en avait encore que 140 en place. Le nombre total annoncé d’écrans Numériflash appelés à composer le “Réseau Nouvelles Technologies” de Metrobus, l’actuelle régie publicitaire de la RATP (filiale de Publicis et JC Decaux), est de 400 dans 90 stations de métro et de RER, principalement à l’intérieur de Paris. Selon certaines sources, ce chiffre de 400 écrans en place serait à atteindre dès la fin de l’année, moment d’une possible passation du rôle de régie [1]. Par ailleurs, il est question d’en installer 800 de mieux dans les gares SNCF.

Minority Report

Il faut se mettre un instant à la place de Metrobus (et du GIE dont elle est membre, Media Transports): grâce à Numériflash, on peut se passer de tout colleur d’affiches, en faisant malgré tout preuve de bien plus de souplesse et d’efficacité dans le ciblage. Avec l’informatisation, l’alternance des publicités au fil de la journée devient d’une simplicité déconcertante. Il devient envisageable d’”accompagner” les cibles dans leurs déplacements (voir les tranches-horaire “Business”, “Conso” ou “Loisirs” proposées par l’exploitant sur la fiche mentionnée plus haut) dont on sait aujourd’hui qu’ils sont fort prévisibles. En outre, j’imagine sans peine qu’on peu retoucher une affiche, je veux dire une animation qui n’aurait pas suffisamment d’impact et la rediffuser immédiatement, à grande échelle [2].

Avec des possibilités déjà si prometteuses, le dispositif Numériflash complet, incluant avec chaque écran deux caméras traquant le comportement des passants et le recours aux ondes Bluetooth, pour leur glisser quelques offres promotionnelles directement dans le terminal, prend tout son sens. Après l’avis défavorable aux associations rendu par la Cnil, le dispositif sera mis en place dans son intégralité. Il avait simplement été « décidé de ne pas intégrer tout de suite dans les écrans les capteurs, ni le module permettant d’envoyer des messages, “pour calmer les esprits”, selon Norbert Maire, directeur de l’innovation de Métrobus » (Leparisien.fr). Ainsi, tandis que sur nos ordinateurs portables, nos tablettes et autres smartphones, nous « multitouchons » les images à l’envi, à l’instar de John Anderton (Tom Cruise) qui tripotait du bout des doigts les sinistres visions d’un trio de precogs, les afficheurs se « Minority Reportent », eux aussi. C’est à croire que des precogs étaient déjà présents lors du brainstorming de Santa Monica, organisé par Steven Spielberg en 1999 dans le cadre de la préparation de son film… [3].

Extrêmement sollicitants

L’un des autres “avantages” de ces écrans Numériflash, grands, lumineux et animés, est de tirer leur épingle du jeu dans des zones mal éclairées (quantitativement et/ou qualitativement) ou dans des lieux d’intense passage. C’est sur cette prégnance, un thème un peu délaissé me semble-t-il, que j’aimerais insister.

Telle que rapportée par de nombreux articles de presse, l’opposition à ces écrans aurait pour motifs centraux voire exclusifs des points qui, je l’ai dit, ont été temporairement retirés du dispositif. Sans doute car ce sont sur ces thèmes que les associations avaient assigné la RATP et Metrobus en justice. Cependant, je découvre qu’il y a d’autres objets de critique, dont précisément cette forte prégnance dans les sous-sols. Sur le site de l’association Résistance à l’agression publicitaire (RAP), l’un des reproches formulés est que « Les nouveaux écrans publicitaires des couloirs des métros et RER sont très agressifs (images animées, rythme relevé, forte luminosité…) ».

Il m’était difficile de prendre pleinement conscience de ce problème auparavant. Mais effectivement, même dépourvus d’yeux épieurs et de “dent bleue”, je trouve ces écrans Numériflash extrêmement sollicitants. À force de les croiser, un vif sentiment d’agression s’est emparé de moi. Je me souviens entre autres d’une publicité pour RTL, à la dominante écarlate, dont l’animation consistait en une série de rotations latérales, passant d’un visuel à un autre à un rythme soutenu. Il m’était à peu près aussi difficile que pénible d’emprunter les couloirs du métro en ignorant ces publicités. Je suis bien d’accord avec RAP lorsqu’elle estime que les écrans Numériflash semblent en partie conçus “pour mieux nous empêcher de laisser vagabonder notre esprit” (PDF). Objectif atteint?

Avec la mise en place de ces écrans, un sérieux coup de barre pro-marketing et à l’encontre de l’usager me semble avoir été réalisé. Ce dernier s’acquitte pourtant de son titre de transport et doit déjà supporter quelques 80 000 faces publicitaires dans les couloirs, sur les quais et dans les rames, qui rapportent moins de 2 % des recettes de la RATP. Parallèlement, le coût des titres de transport n’est pas à la baisse, bien au contraire, et la vétusté des transports en commun tarde à se résorber. Certes, des écrans interactifs comparables à ceux du réseau Numériflash sont déjà exploités à l’étranger depuis longtemps. Pour ma part, ces écrans sont la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Qu’en sera-t-il lorsque l’heure des publicités en 3D via écran Numériflash, évoquée dès 2008, aura sonné?

Vandalisme

Cette année, les usagers ont pu croiser à plusieurs reprises des écrans Numériflash dont la vitre de protection avait été brisée. Ces vitres font parfois l’objet de tags (“Aliénation”, “Stop pub”, “No pub”…). Selon Metrobus, de telles dégradations « ne viennent pas des banlieues puisqu’il n’y a pas de fautes d’orthographe » (!). Elles seraient le fait d’“activistes anti-pub” (pour les tags), sans être nécessairement celui d’associations telles que RAP, qui déclare préférer les voies de la négociation et de la légalité.

Sans aucunement cautionner les actes de vandalisme dont font l’objet ces écrans, quels qu’en soient les auteurs, je peux parfaitement comprendre qu’ils aient été commis. J’aimerais croire que “C’en est désormais fini d’une certaine impunité en matière d’agression publicitaire” et que “Ceux qui sont, à l’origine, simplement censés assurer nos déplacements quotidiens, vont devoir rendre des comptes sur leur politique de harcèlement publicitaire, menée à l’encontre des citoyens” (Challenges.fr). Mais j’en doute, ne serait-ce que parce que cette question de la prégnance publicitaire n’est pas suffisamment encadrée aujourd’hui.

Notes

  1. Lien ajouté le 11 octobre, merci à Didier. []
  2. Sur les raisons de la volontaire sous-utilisation des possibilités de ces écrans en termes de diffusion d’animation, lire cet article de 01net.com []
  3. Ça ne s’invente pas : la startup à l’origine du concept Numériflash a pour nom Majority Report (ajout du 11 octobre). []

Billet originellement publié sur Iconique, un blog de Culture Visuelle.

Crédits Photo CC Flickr: dan taylor

Culture visuelle est un site développé par 22mars, société éditrice d’OWNI.

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Le nettoyeur du net et le PageRank malin http://owni.fr/2010/06/25/le-nettoyeur-du-net-et-le-pagerank-malin/ http://owni.fr/2010/06/25/le-nettoyeur-du-net-et-le-pagerank-malin/#comments Fri, 25 Jun 2010 13:30:27 +0000 Erwan François http://owni.fr/?p=20216 Dans un article de Slate du 18 juin dernier, le journaliste Vincent Glad évoque le métier de « nettoyeur du net » en tant que service aux particuliers. L’entretien de l’un d’entre eux est l’occasion de découvrir sa technique favorite et de profiter un peu de son savoir sur le fonctionnement de Google.

Faire appel à un professionnel du nettoyage sur internet, c’est en quelque sorte tenter de faire appliquer avant la lettre un droit à l’oubli numérique, plébiscité dans le cadre de la récente consultation publique initiée le gouvernement sur ce sujet. Le journaliste nous révèle que la technique privilégiée par ces nettoyeurs consiste à créer des contenus récents et « propres », dont ils surveillent le bon référencement par Google, faute de pouvoir (faire) supprimer les contenus nuisibles à la réputation du client ; c’est le « noyage ».

Ainsi le cas de cette femme, dont les photos et vidéos SM ont été dérobées puis mises en ligne contre son gré, qui se voit dotée par l’entreprise à laquelle elle a fait appel de « deux blogs à son nom ainsi qu’un compte Linked In, Viadeo, Friendfeed, MySpace » [1]. Autre exemple, une ex call-girl : puisqu’il semble bien difficile d’obtenir son anonymisation sur tous les articles faisant allusion à ses précédentes activités professionnelles, « il faudra aussi sans doute passer par du “noyage” en créant une présence en ligne propre avec blogs, Flickr…etc. ». Dernier exemple cité dans l’article, ce monsieur dont la réputation a, à tort, été salie par la presse locale : le retrait d’internet de l’article a pu être obtenu, mais son contenu ayant été repris et dupliqué ailleurs, le « noyage » s’impose une fois encore, à savoir la création de « plusieurs blogs et même un Twitter ». Cette technique me donne à penser qu’avec mes deux blogs et mes divers comptes « web 2.0 », les pratiques de ces nettoyeurs du net vont finir par me faire passer pour un dictateur en retraite qui cherche à se fabriquer son petit maquis numérique…

En somme, pour espérer dissimiler un peu, il faudrait surtout donner beaucoup à voir. Et dans tous les cas de figure, c’est la corvée de blogsourcing assurée pour le particulier ou pour l’entreprise qu’il a sollicitée… En fin d’article, on peut lire que « Face à Google l’autiste, qui refuse de déréférencer un contenu ou de valoriser un droit de réponse, il faut se débrouiller à mains nues. [...] les entreprises d’e-réputation ont l’avantage de maîtriser les techniques de référencement qui font remonter artificiellement un contenu en se calquant sur les préférences de l’algorithme. ».

L’un des apports des nettoyeurs envers leur clientèle reposerait donc en partie sur leur connaissance du fonctionnement de l’algorithme de ce moteur de recherche, particulièrement utilisé en France. Quelle peut être, justement, la perception de l’expert interrogé des « préférences de l’algorithme » ? En début d’article, le nettoyeur indique qu’à force « de traiter des cas de diffamation, d’insultes et de divulgation de photos intimes, il a acquis une certitude : Google fait la part belle aux contenus négatifs sur la première page de réponse d’un individu. “On peut l’expliquer de deux manières: soit le moteur de recherche récompense dans son algorithme les contenus négatifs en les faisant remonter, soit il cherche à panacher la première page de requête, allant chercher des contenus au champ sémantique différents, ce qui est souvent le cas des contenus gênants” ».

Curieuse vision du fonctionnement de Google que voilà. J’aurais plutôt tendance à penser que ces contenus négatifs sont bien placés dans les résultats parce que des liens ont été faits vers eux plus que sur d’autres ; telle est la loi bien connue du Page Rank. Je tombe de ma chaise en lisant les propos de ce professionnel du positionnement, qui envisage sérieusement semble-t-il l’hypothèse que l’algorithme de Google « récompense » des contenus négatifs. Espère-t-il ainsi rendre sa profession un peu plus nécessaire ?

Une idée clé qui me semble manquer, si je m’appuie sur ce que je sais du fonctionnement de Google, est que les contenus produits devraient être de nature à susciter la création spontanée de nouveaux liens vers eux par des tiers. À défaut d’une telle idée, les nettoyeurs pourraient à peu près autant être considérés comme des pollueurs que comme des nettoyeurs ; tous ces contenus créés n’apportent rien de plus à la communauté que du bruit . Et s’ils rendent néanmoins service à leurs clients — ce qui est le but recherché — on peut imaginer que ce service est bien moins performant qu’il pourrait l’être.

Mais qui sait, peut-être ce billet un peu critique envers ce nettoyeur me permettra-il de doper significativement le positionnement de ce blog dans Google ?

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[1] : On notera au passage que sur internet, les images peuvent avoir un rôle redoutable de confirmation de l’identité d’une personne : sur Google, « ça peut être une homonyme après tout » ; mais sur Google Images, certaines images compromettantes intégrant le nom de cette personne dans le nom du document, « là, plus de doute ».

Billet originellement publié sur Iconique, un blog de Culture Visuelle.

Crédits Photo CC Flickr : Infrogmation & Canonsnapper .

Culture visuelle est un site développé par 22mars, société éditrice d’OWNI.

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