OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Ce bug qui exclut les étudiants étrangers du post-bac http://owni.fr/2011/02/03/ce-bug-qui-exclut-les-etudiants-etrangers-du-post-bac/ http://owni.fr/2011/02/03/ce-bug-qui-exclut-les-etudiants-etrangers-du-post-bac/#comments Thu, 03 Feb 2011 17:16:21 +0000 Olivier Ertzscheid http://owni.fr/?p=37914 Je suis universitaire, maître de conférences, et j’enseigne notamment en IUT, c’est à dire dans une formation Bac +2 qui accueille chaque année de jeunes (ou moins jeunes) bacheliers. Et une fois de plus, j’ai honte. Le ministère a mis place et généralisé depuis l’année dernière (ou il y a 2 ans, je ne sais plus) une procédure informatique appelée « admission post-bac » qui centralise toutes les demandes d’inscription (les « voeux ») dans toutes les filières universitaires (université, BTS, DUT, etc.)

Dans un état laïc et républicain, l’accès aux études est normalement garanti y compris aux jeunes de nationalité étrangère. C’est même inscrit dans un document aussi obscur que confidentiel que l’on appelle la « Constitution ». Oui mais voilà, sur « Admission Post-Bac », cette année, si l’on n’est pas de nationalité française, on n’a plus le droit de suivre des études supérieures de s’inscrire à une formation en apprentissage. C’est peu dire le niveau qu’atteint aujourd’hui mon écœurement.

Identité, éducation et exclusion nationale

Alors bien sûr, et heureusement, le lièvre a été levé par quelques vigilantes associations et syndicats, alertés par des lycéens, des parents de lycéens et quelques trop rares fonctionnaires moins soucieux de leur devoir de réserve que de leurs responsabilités citoyennes. Ils menacent de saisir la Halde (Haute autorité contre les discriminations) si rien n’est fait d’ici 8 jours (NdE : ce billet a été publié le 1er février 2011).

Le ministère de l’exclusion nationale (à moins qu’il ne s’agisse de celui de l’identité nationale, ou de l’éducation nationale, l’un des hauts-faits du sarkozysme est d’avoir vidé de leur sens l’ensemble de ces syntagmes), le ministère de l’exclusion nationale donc, a une nouvelle fois bafouillé son socle républicain, il a une énième fois cafouillé dans l’échelle de ses valeurs, après avoir :

Dans un premier temps,(…) indiqué que ces élèves ne pouvaient pas s’inscrire faute d’avoir un contrat de travail. Lundi soir, le ton était moins catégorique. La ministre de l’Enseignement supérieur a demandé au directeur général de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle de passer au crible toutes les procédures d’admission pour y traquer la moindre discrimination. (source)

Demain peut-être on nous expliquera qu’il s’agit-là d’une anomalie résultant de l’erreur humaine d’un programmeur, erreur immédiatement rectifiée dès son signalement. Je prends les paris. Navrante, consternante, aberrante, écœurante réaction qui dit tout le déni constitutionnel assumé par ceux censés en garantir les principes. Pourtant, sur Admission Post-Bac, à la rubrique « le guide du candidat », on a même droit à un document spécial pour les « candidats étrangers ».

Une procédure reconnue comme « vérolée » depuis un an…

Je veux croire que cette honte sera temporairement effacée. Et pourtant.

Pourtant l’année dernière déjà, sans que les journaux s’en fassent l’écho, quelques directeurs d’IUT et quelques chefs de département indiquaient, en « off », que la procédure « admission post-bac » pour les candidats étrangers était passablement « vérolée », « plus compliquée ou plus buggée », les mêmes préférant finalement souvent refuser en bloc le traitement des dossiers desdits candidats étrangers, en prétextant une réception hors-délai ou un élément manquant dans le dossier.

Pourtant sous couvert de simplification des procédures, de décentralisation, d’informatisation ce système autorise toutes les dérives. Il n’offre absolument AUCUNE garantie du respect des droits de chacun, sauf à présenter, comme c’est cette année le cas, un dysfonctionnement tellement patent que nul ne saurait longtemps en garantir la discrétion ou la confidentialité.

Pourtant ces dispositifs de flicage se multiplient, de la maternelle (le fameux débat « base élève ») à l’entrée à l’université et bien au-delà.

Pourtant il n’existe aujourd’hui aucun moyen qui, en connaissant la dangerosité et les risques de tels systèmes, permette de s’en affranchir.

Mais il est vrai que depuis déjà quelques années, nos différents ministres de l’éducation nationale ou de l’enseignement supérieur et de la recherche n’ont jamais permis à leurs propres enfants de fréquenter les bancs de l’école républicaine, leur préférant l’enseignement privé catholique ou les services d’un précepteur. Toute honte bue. Qu’ils s’en aillent tous.

Billet publié initialement sur Affordance sous le titre Admission post-bac: ministère de l’exclusion nationale

Illustration CC Flickr Régis Matthey.

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Valeurs républicaines: petit inventaire avant liquidation http://owni.fr/2011/01/28/valeurs_republicaine_services_publics_liquidatio/ http://owni.fr/2011/01/28/valeurs_republicaine_services_publics_liquidatio/#comments Fri, 28 Jan 2011 08:46:34 +0000 Olivier Ertzscheid http://owni.fr/?p=37820 15 mars 1944. Une bande de punk-à-chiens anarcho-autonomes, élevés dans l’abondance et n’ayant jamais connu de privations réclame et instaure :

La possibilité effective pour tous les enfants français de bénéficier de l’instruction et d’accéder à la culture la plus développée, quelle que soit la situation de fortune de leurs parents, afin que les fonctions les plus hautes soient réellement accessibles à tous ceux qui auront les capacités requises pour les exercer et que soit ainsi promue une élite véritable, non de naissance mais de mérite, et constamment renouvelée par les apports populaires.

13 Janvier 2011. Jean-François Mancel, député UMP qui fut aussi administrateur civil de la fonction publique au ministère de l’Équipement, soumet à l’assemblée nationale une proposition de loi « visant à réserver le statut de la fonction publique aux agents exerçant une fonction régalienne ». On peut y lire ceci :

Tout d’abord, cela contribuerait à dynamiser les domaines non régaliens actuellement englobés dans la fonction publique. En effet, la généralisation du contrat de travail de droit commun permettrait une meilleure prise en compte du mérite ainsi qu’une meilleure gestion des ressources humaines (…). Cette nouvelle flexibilité nourrirait une dynamique d’enrichissement réciproque des deux secteurs. (…) À l’heure où le Gouvernement a décidé de ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, une telle mesure viendrait renforcer la volonté de rationalisation des dépenses de l’État.

Le 7 Janvier 2011, Christian Jacob, Ministre de la Fonction publique du gouvernement Dominique de Villepin (du 2 juin 2005 au 15 mai 2007), avait déjà réclamé « la fin de l’emploi à vie des fonctionnaires ».

Une fonction publique essentielle mais pas régalienne

Les trois fonctions publiques (d’état, territoriale et hospitalière) ont joué un rôle déterminant dans l’accomplissement du programme du conseil national de la résistance.

Comme universitaire, comme chercheur et comme enseignant, j’appartiens à la fonction publique d’état. L’école, l’enseignement, l’apprentissage, la formation ne font clairement pas partie des missions que l’on qualifie habituellement de régaliennes.

Ainsi donc tout comme les médecins, les infirmières et tant d’autres, les universitaires, les chercheurs, les enseignants, de la maternelle à l’université pourraient donc, demain, ne plus faire partie de la fonction publique.

Pourtant le rôle qu’ils jouent dans « la possibilité effective pour tous les enfants français de bénéficier de l’instruction et d’accéder à la culture la plus développée, quelle que soit la situation de fortune de leurs parents » me semble incontestable tout en restant notablement perfectible.

Le 7 décembre 2007, pour la première fois dans l’histoire de la république, son plus haut représentant indique que :

Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur, même s’il est important qu’il s’en approche, parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance.

Troquer les valeurs de la Résistance contre celle de la Rentabilité

9 Brumaire 1794. Le 9 brumaire an III, la Convention décréta

qu’il serait établi à Paris une École normale, où seraient appelés, de toutes les parties de la République, des citoyens déjà instruits dans les sciences utiles, pour apprendre, sous les professeurs les plus habiles dans tous les genres, l’art d’enseigner.

Ainsi fut créée l’Ecole Normale Supérieure.

18 Janvier 2011. Stephane Hessel, membre de la sus-mentionnée bande de punk-à-chiens anarcho-autonome ne pourra pas s’exprimer à l’école normale supérieure. La ministre de l’enseignement supérieur est personnellement intervenue pour l’en empêcher.

Jamais. Jamais gouvernement n’aura mené aussi loin la destruction minitieuse, méticuleuse, idéologique, affairiste du socle républicain. L’ensemble des services de la fonction publique (école, hôpitaux, accès aux soins, etc.) sont depuis déjà bien des années laminés au nom de principes d’économie, d’efficience, de rentabilité dont chacun observera aisément qu’ils n’ont réglé aucun des problèmes auxquels ils étaient supposé répondre. Peut-être serait-il temps d’en tirer toutes les conclusions.

Echos. Deux écoles. Deux logiques. Deux ambitions. Mais depuis plus de 50 ans, les mêmes « banques », « compagnies d’assurance », « crise(s) financière(s) ».

1. « le retour à la nation des grands moyens de production monopolisée, fruits du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assurances et des grandes banques » ; (programme du CNR, 15 Mars 1944)

2. « cette proposition de loi s’inscrit dans une logique d’égalité et de réconciliation au sein de la société française à l’heure où les différences entre le secteur public et le secteur privé apparaissent plus que jamais injustes aux yeux de nombre de nos concitoyens, particulièrement suite à la grave crise financière que nous venons de traverser. » Proposition de loi de J.-F. Mancel, 13 Janvier 2011.

Les lignes de fracture n’ont jamais été aussi nettes.

2012. J’ignore combien s’en indigneront. La république comme bien commun. La fonction publique comme une assurance, une garantie collective. Comme un lien. J’espère que beaucoup s’en souviendront.

Illustration CC Flickr Alexandre Moreau et Cmoiln
Billet publié initialement sur Affordance sous le titre S’indigner peut-être. Se souvenir, sûrement

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