OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 MIDEM 2011 : Le paradoxe français ? http://owni.fr/2011/01/18/midem-2011-le-paradoxe-francais/ http://owni.fr/2011/01/18/midem-2011-le-paradoxe-francais/#comments Tue, 18 Jan 2011 09:38:53 +0000 unicum http://owni.fr/?p=29628 L’édition 2011 du plus grand salon professionnel de l’industrie musicale, le MIDEM, démarre dès ce week end à Cannes.

Emily d’Unicum Music nous livre son point de vue sur le décalage entre une politique économique française rétrograde dans son soutien à l’industrie, et l’accueille de cet évènement international phare.

A peu près au même moment l’année dernière où étaient réunies en France pour le sommet annuel du MIDEM tout ce que l’industrie musicale mondiale compte de personnes visionnaires et influentes, M. Zelnik remettait au Président de la République un rapport censé contenir toutes les mesures urgentes et nécessaires pour sauver notre industrie, toutes affaires cessantes.

L’idée n’est pas ici de disséquer ce rapport. C’est toujours facile de se prononcer un an après qu’il ait été publié alors que tout un chacun a pu constater l’échec ou la portée toute relative des diverses mesures préconisées et mises en place à ce jour. Non, le sujet n’est pas là. La vraie question pour moi est ailleurs.

Le disque, le disque, le disque !

Cet article est surtout né de la constatation d’un décalage paradoxal dans le même pays au même moment et sur le même sujet entre la timidité d’un rapport remis au chef de l’Etat et l’incroyable bouillonnement d’idées et la forte volonté d’innovation dans l’air au MIDEM.

Comment expliquer que nous hébergions LA conférence annuelle de référence pour toute l’industrie musicale à l’échelle mondiale mais que nous ne soyons pas capables d’y intéresser les acteurs au plus haut niveau de l’Etat?

Il aurait suffi de deux ou trois rapporteurs au MIDEM pour résumer et rendre compte de toutes ses incroyables conférences, de la diversité des facettes de l’industrie abordées, de l’audace et de l’ambition des pistes explorées pour « l’avenir de l’industrie musicale » pour permettre au Président de la République, si désireux de comprendre notre industrie et comment la faire avancer la tête haute, d’aborder la « crise » autrement que par le seul prisme du disque.

Car le rapport Zelnik a été conduit sous l’égide de quelqu’un qui vient du disque, conditionnant profondément la démarche qui ne visait plus qu’à sauver l’industrie du disque, consciemment ou non. Et encore : pas toutes ses composantes, au vu de tous les labels indépendants, les petites structures et artistes auto-produits etc.., qui sont les premiers touchés par cette crise et qui ne se reconnaissent pas dans ce rapport (comme en atteste le manifeste commun de la FEPPIA et CD1D “La Création Sacrifiée” à ce sujet).

L’industrie musicale ne se résume pas aux seuls labels et il y a d’autres acteurs essentiels à inviter à plancher sur l’avenir: les artistes, tout d’abord, à qui l’on ne donne tristement jamais voix au chapitre (et pas juste ceux qui vivent de leur musique parce qu’ils occupent le paysage depuis 10, 20 ou 30 ans), les tourneurs, les éditeurs, les managers, les marques, les médias et un panel de consommateurs de musique, citoyens dont les besoins de musique et usages de consommation évoluent au quotidien.

« Rien ne se perd, rien ne se créé, tout se transforme ». Lavoisier avait raison. C’est un peu la même chose pour la musique. La « consommation » de musique est en hausse constante depuis 2000 mais les ventes à l’unité s’effondrent. Les usages et les besoins se transforment. La valeur de la musique est à redéfinir. Le monde change, les acteurs aussi.

Beaucoup de personnes se sont contentées d’avoir un discours de justiciers en disant que les labels n’avaient que ce qu’ils méritaient parce qu’ils avaient fait leur beurre sur le dos des fans pendant des années avant. C’est un peu facile et ça ne répond pas vraiment à la question.

On peut déplorer au final l’occasion manquée d’une profonde introspection sur les véritables raisons de cet échec plutôt que de perdre plus de temps à identifier les coupables. Les acteurs centraux de l’industrie ces dernières décennies, dont l’arrogance et le déni de réalité les a amenés à renoncer à jouer un rôle central dans la façon de penser l’avenir, sont aujourd’hui presque plus à plaindre qu’autre chose.

L’exception culturelle ?

Mais au-delà même des nombreux arguments d’ordre juridiques, économiques, politiques etc…. le fond du « problème » tient peut-être aussi à quelque chose de spécifiquement français : la fondamentale ambivalence de notre rapport à l’Etat.

Quel que soit le gouvernement, nous sommes les premiers à défier l’Etat et son autorité, railler sa lenteur, son inefficacité, ses complications administratives et nous mobiliser pour préserver nos acquis. Mais lorsque nous nous retrouvons dans une impasse, une situation inconnue, notre premier réflexe est de nous (re)tourner vers l’Etat et le considérer comme le seul apte à nous sauver. Etrange paradoxe.

Face à l’inconnu, le réflexe systématique consiste à taxer les centres de profit et redistribuer la récolte sous forme de subventions. Et qu’ont été deux des mesures phares du rapport Zelnik ? Une taxe sur la publicité en ligne (centre de profits…) et la Carte Musique Jeunes (subvention à l’achat…).

Pourquoi toujours attendre de l’Etat qu’il légifère, qu’il régule, qu’il nous trouve la solution ? N’avons-nous pas confiance en notre capacité à nous débrouiller tous seuls ? A chercher et puiser en nous les solutions à nos problématiques ?

Peut-être qu’un jour il nous faudra nous voir et nous accepter tels que nous sommes : nous avons peur du changement, nous nous méfions de l’innovation et nous considérons suspecte tout avancée en dehors du cadre de l’Etat. Providentiel, forcément. Nous sommes encore terriblement scolaires. Nous en sommes encore à nous plaindre dès qu’un obstacle surgit parce que nous n’avons pas assez confiance en notre capacité à aller de l’avant et que nous ne sommes pas encore assurés d’avoir la meilleur place à la table du futur.

Mais pourquoi ce manque de confiance ? Pourquoi toujours glorifier les autres parce qu’ils ont fait ce que nous n’osons pas faire nous-mêmes ? Nous avons toutes les cartes en main pour avancer, se faire une place, frayer notre propre chemin mais la confiance en notre capacité à le faire nous fait défaut.

Et si la crise de l’industrie était en fait une crise d’adolescence ? Transitoire, nécessaire, une mue inévitable.

D’un côté, l’Etat, un parent désemparé et en décalage avec la nouvelle génération parce qu’il prend encore sa jeunesse pour repère. De l’autre, de jeunes adultes encore en devenir, désireux d’imposer leur marque et galvanisés par la découverte récente de leur propres aspirations, mais frustrés de ne pas savoir encore exactement comment les formuler ni les réaliser. Mais avec un regard vers l’enfance providence qui avait du bon… L’Etat serait comme un parent qu’on ne choisit pas, dont on a un peu honte à l’adolescence mais en creux duquel on se construit et sans lequel nous sommes perdus.

Le MIDEM est dans une semaine. La France est à l’honneur cette année. Les huit artistes présentés sont de qualité mais tous chantent en anglais. Pendant ce temps là, l’Etat, l’industrie musicale et les fans de musique se regardent encore en chiens de faïence. J’espère seulement que nous dépasserons cela un jour. Bientôt.

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UNICUM est une société de management d’artistes, d’éditions musicales et de conseil marketing et stratégique.

Cet article a été initialement publié sous le titre de Idioties #3 ou Le paradoxe français

Crédits photo CC Flickr : H e l l m a n, DavidDMuir, Mike Rohde

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Etude d’un fail http://owni.fr/2010/12/28/etude-dun-fail/ http://owni.fr/2010/12/28/etude-dun-fail/#comments Tue, 28 Dec 2010 12:20:07 +0000 unicum http://owni.fr/?p=29142 Depuis le début de cette “crise”, les majors peinent à s’adapter, c’est un fait. Alors, on leur donne souvent l’excuse de l’envergure. Des “machines” lourdes, “ça viendra, il faut leur laisser un peu de temps”. Mais voilà, 10 ans après le début du naufrage, les majors oublient encore parfois qu’internet est mondial.

Il est 00h35 et j’ai sûrement mieux à faire que venir poser cette question mais vraiment, ça me taraude trop.

Pourquoi et même comment est-ce qu’une major peut encore faire ça en 2010?

Ca m’exaspère.

Le cas qui me fait réagir est “typiquement prodigieux” (expression savoureuse que j’emprunte humblement à un délicieux restaurant à Essaouira au Maroc qui se définissait tel quel).

- Une major a l’un des 15 artistes qui pèsent le plus dans le monde en ce moment.
- Elle a la chance qu’il sorte un énorme tube qui parle de Noël juste avant Noël.
- Et que les gens ne veulent qu’une chose : l’écouter, encore et encore. La chanter sous leur douche le matin et l’entendre à la radio le soir. La partager avec leurs amis parce qu’elle représente quelque chose d’important pour eux.

Mieux :
- Dès la 1ère diffusion, tout le monde s’est rué sur la toile pour l’avoir.
- Des dizaines, centaines (plus?) de personnes l’ont tellement aimée qu’ils l’ont spontanément synchronisée sur une photo de l’artiste trouvée je ne sais où et postée sur leur compte Youtube.

Quel est le problème me demandez-vous?

Sur quel média allait essentiellement se faire ce partage d’un titre lancé il y a moins de 24h? Sur le net, forcément.

Vous vous dites que le titre d’un artiste majeur et ce, d’autant plus s’il est saisonnier (Noël), étant passé à la radio, il serait disponible à l’achat ou en pré-achat sur les sites de téléchargement légal. Référencé sur les sites de streaming. Que nenni. Même pas posté par la maison de disque sur le compte Youtube de l’artiste – ou mieux en home page de son site ? Non plus. Il n’y est question que de l’album officiel sur lequel ce titre n’est pas, donc il n’apparaît pas.

Ah.

Mais les fans ne veulent pas attendre.

Le partage est social et spontané, impulsif même.

Les réseaux sociaux comme Twitter et Facebook sont les meilleurs exemples de cela. Et le meilleur moyen de partager une oeuvre de manière impulsive et immédiate en 2010 est un lien. Streaming plus que de téléchargement. C’est plus rapide. C’est accessible partout, même via son mobile maintenant. Et c’est légal 99% du temps.

Il y a sûrement des tas de sites spécialisés. Mais le commun des mortels veut juste un site qui permette l’accès et le partage d’une chanson qu’ils aiment. Et le site le plus accessible pour streamer de la musique audio pour des artistes très connus est paradoxalement Youtube. Ce n’est pas Myspace qui est surtout plébiscité par les artistes en développement.

C’est pour ça que je ne comprends vraiment pas comment ce genre de situation peut encore exister à quelques jours de 2011.

L’accès à l’oeuvre par son public est contrarié.

Non pas parce que la chanson n’est pas réussie et qu’elle n’a pas suscité une frénésie immédiate, que l’artiste n’est pas identifié. Mais parce que la maison de disques de l’artiste reconnu et identifié à une échelle mondiale a peur du public qu’elle a dépensé tant d’argent à rassembler. Peur de ne pas / plus avoir le contrôle. Peur de ne pas rentrer dans ses frais tout de suite, de ne pas transformer leur investissement en vente / revenus sur le disque.

Vous ne rêvez pas:

les seuls liens disponibles étaient créés par les fans et …la major les a fait supprimer en 24h.

Si j’étais aux USA, j’aurais pu aller voir si le titre était disponible sur la page Vevo de l’artiste, mais comme Vevo (version Youtube officielle créée pour et en accord avec les maisons de disques qui permet de générer des droits d’auteur pour la maison de disque et l’artiste) n’est accessible que là-bas, la maison de disque n’a de toutes façons pas pensé à tous les fans de l’artiste vivant de l’autre côté de la frontière.
Peut-être même qu’elle a pensé que les non-Américains n’entendraient jamais la chanson, parce que culturellement, c’est différent. Je ne sais pas. Ca me paraît aberrant rien que de l’envisager.

Et tout ça pour quoi?

Par manque de préparation de la part de la maison de disque. Par manque de compréhension de comment fonctionnent les fans de l’artiste, à savoir que leur premier réflexe serait d’aller sur internet pour chercher la chanson. Par manque d’anticipation ou de lucidité sur la réalité d’aujourd’hui : les fans doivent pouvoir écouter et acheter le titre le moment où il est diffusé pour la première fois, surtout si c’est à une échelle nationale voire internationale.

Je ne sais pas ce qui m’effare le plus. Si c’est le fait que la major raisonne encore par pays avec des frontières ou qu’elle n’ait pas anticipé le succès de son artiste en ne créant pas, à défaut de clip disponible, un montage vidéo officiel avec une photo ou un visuel un peu chiadé de l’artiste avec les infos essentielles (date de sortie + lien d’achat ou pré-achat).

Rien que de faire ça, ils auraient :
- canalisé le flux de fans
- optimisé les ventes
- généré des revenus de droits d’auteur pour l’artiste et eux-mêmes
- pu profiter de l’occasion pour se donner le beau rôle au lieu de rester dans un registre répressif
- évité qu’une personne aimant la chanson ne se sente pas à la fois frustrée de ne pas y avoir accès et défiée par la propre maison de disque de son artiste préféré
- évité qu’un fan désireux d’acheter/écouter/promouvoir l’oeuvre ne se retrouve à errer sur le net comme une âme en peine pour ne trouver son bonheur que sur des sites de téléchargement illégal
Ce n’est pas mon genre de tirer sur une ambulance ou de tenir un discours anti-major. J’y ai travaillé par le passé et ça été une expérience essentielle, incontournable pour moi. J’y ai beaucoup appris et rencontré des gens formidables, intelligents, passionnés. Lucides sur l’état du marché, aussi. Faut pas croire.

Mais je suis aussi bien placée pour savoir que plus grosse est la machine, plus elle s’est centralisée dans l’espoir de simplifier ses procédures pour mieux gérer sa transformation à grande échelle… plus elle met de temps à s’adapter, parce que cela implique de changer des processus internes qui ont eux-même mis du temps à être en place.

Malheureusement, cela ne change pas ma question : combien de temps encore avant qu’elles n’en tirent les leçons? Combien de temps.

Article initialement publié sur: unicum-music

Crédits photos CC flickr: Kmeron’s; hans gerwitz

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