OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Les Anonymous dévoilent Ennahdha http://owni.fr/2012/04/17/les-anonymous-devoilent-ennahda/ http://owni.fr/2012/04/17/les-anonymous-devoilent-ennahda/#comments Tue, 17 Apr 2012 10:53:05 +0000 Rodolphe Baron http://owni.fr/?p=106286 OWNI s'est entretenu, ont installé sur des serveurs plus de 3 000 mails de dirigeants du parti islamiste tunisien Ennahda, actuellement au pouvoir. Dont certains se révèlent embarrassants pour le gouvernement. Un email dévoilé hier envisageait des manoeuvres en vue d'intégrer la charia au droit tunisien, en dépit des déclarations officielles. D'autres évoquent des opérations financières douteuses.]]>

Depuis le début du mois d’avril, des milliers d’emails de dirigeants du parti Ennahdha, au pouvoir en Tunisie, sont piratés et diffusés par les Anonymous. Hier, une nouvelle vague de fuites contenait des documents potentiellement embarrassants pour les dirigeants d’Ennahdha. Ces courriels proviennent du ministre de la l’Agriculture, Mohamed ben Salem.

On peut y lire en particulier un procès-verbal du bureau exécutif d’Ennahdha daté du 19 mars dernier (en arabe). Le document indique que les membres du bureau ont évoqué l’idée d’une opération de déstabilisation contre les institutions internationales qui participent au soutien financier de la Tunisie – soit le FMI, l’Union européenne et la BCE – avant de se rétracter.

Lors de cette même réunion, il a également été question de trouver des solutions pour intégrer des éléments de charia dans le droit tunisien. Même si publiquement le parti Ennahdha revendique la culture musulmane mais se défend de vouloir faire appliquer la charia.

Cette découverte en accompagne des dizaines d’autres. Jusqu’ici, 3 500 documents appartenant notamment au Premier ministre Hamadi Jebali ont été mis en ligne sur des serveurs des Anonymous. Dans ces listes de courriels, il est aussi question de fraudes électorales, de censure ou d’opérations financières.

Ennahdha, majoritaire à l’assemblée constituante, et le gouvernement démentent mordicus la véracité d’une partie des documents. De son coté Anonymous, assure de leur authenticité et promet de nouvelles révélations sur les coulisses du pouvoir de ces deux dernières années.

En octobre 2011, neuf mois après le départ de Ben Ali, qui profite désormais de sa retraite de dictateur dans une salle de sport en Arabie Saoudite, les premières élections libres ont eu lieu en Tunisie. Celles-ci ont pour but la création d’une Assemblée constituante qui devra rédiger la prochaine loi fondamentale du pays. Après décompte, les membres du parti islamiste Ennahdha  sortent très largement vainqueurs du scrutin et raflent 89 sièges sur les 217 que compte la nouvelle Assemblée.

Cependant, un courriel provenant de la boîte mail du Premier ministre, Hamadi Jebali, évoque l’existence de possibles fraudes électorales. Selon le document, les Tunisiens de l’étranger auraient pu voter deux fois. Une première fois dans leur pays de résidence et une seconde fois en Tunisie.

Un rapport de l’organisme supervisant l’élection aurait même été déposé pour annuler les votes du bureau de Bruxelles Nord pour cause d’irrégularités.

Un second document interpelle également sur les règles du scrutin. Selon ce tableau statistique, le nombre de sièges attribués par région ne serait pas conditionné au nombre d’habitants y résidant mais à sa superficie totale.

La légitimité de la première force politique du pays est, potentiellement, sujette à caution si les documents s’avéraient authentiques. D’autant que le nouveau gouvernement ne semble pas avoir souhaité partager le pouvoir. C’est tout du moins ce qu’explique un des membres d’Anonymous Tunisia avec lequel OWNI s’est entretenu :

Nous avons attaqué Hamadi Jebali parce qu’il est le symbole d’un gouvernement qui fait marche arrière sur les libertés, pas parce qu’il fait parti d’Ennahdha. Le gouvernement est responsable d’actes d’agressions commis contre des manifestants chômeurs et du lancement d’une cellule de sécurité pour censurer et contrôler Internet. Le fait d’être élu par le peuple n’est pas une raison pour s’en prendre à nos libertés.

D’ailleurs, dans les mails publiés, un document atteste de l’exclusivité du pouvoir voulue par des responsables du parti islamiste. Celui-ci évoquait la possible suppression par la télévision nationale du terme “transitoire” pour qualifier le gouvernement en place.

Majoritaire à l’Assemblée constituante, Ennahdha a officiellement envisagé jusqu’à la fin mars, d’intégrer la loi islamique dans la nouvelle constitution du pays.  Ennahdha, encore, discutait en interne de la nécessité de garantir la non-indépendance de la Banque centrale tunisienne et déplorait dans un autre documentla pression européenne et française pour accélérer le processus démocratique”.

Mais la ligne politique adoptée par le gouvernement transitoire n’est pas l’unique élément abordé dans ces courriels. Des affaires financières, plus troubles, semblent y apparaître. Comme ce courrier envoyé sur la boîte mail du parti Ennahdha et contenant les coordonnées bancaires de Kamal Ben Amara, un élu Ennahdha à l’Assemblée constituante, titulaire d’un compte à la Qatar international islamic bank. Avant de s’engager en politique il aurait travaillé chez Qatar Petroleum, la compagnie pétrolières nationale du riche État du Qatar, comme le montre un ancien répertoire du groupe. Et dans l’actuel gouvernement ben Amara a été nommé vice-président à la Commission de l’énergie.

À ce titre, il fait partie des membres du gouvernement habilités à négocier, entre autres, les investissements dans la raffinerie de Skhira, la plus grande de Tunisie, avec une production estimée à 120 000 barils par jour.  Coût de construction : 1,4 milliard d’euros. Un appel d’offres remporté par Qatar Petroleum qui pourra l’exploiter en partie pour les deux décennies à venir.

En outre, dans les coordonnées bancaires envoyées par mail à Ennahdha, figure un “Swift Code” utilisé pour les virements internationaux. Le problème étant de savoir dans quel sens les virements bancaires ont été effectués. De Kamal Ben Amara vers Ennahda ou du parti vers Ben Amara, pour les besoins de sa campagne électorale par exemple.

Devant les nombreuses interrogations que posent ces documents, aussi bien dans leurs contenus que sur leur authenticité, Anonymous invite les internautes qui le peuvent à vérifier sans tarder:

Les emails comme les SMS et les moyens de communication électroniques sont devenus des pièces justificatives devant les tribunaux. Les en-têtes des emails confirment les sources et les trajets des courriels via leur identifiant unique. S’ils étaient falsifiés, tout le monde le remarquerait et surtout les spécialistes en informatique. J’invite tous ceux qui doutent à vérifier.

Début avril, le gouvernement tunisien a annoncé qu’il maintenait en activité l’Agence tunisienne d’Internet pour lutter contre la cybercriminalité. Sous la dictature, l’agence gérait la censure sur Internet pour le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), l’ancien parti de Ben Ali. Dans le principe de “sécurisation du web”, Anonymous voit un retour masqué de la censure. Incompatible, selon le collectif, avec la garantie des libertés individuelles :

Ceux qui gèrent le pays sont ceux qui doivent assumer. Mais si le Gouvernement change de ligne de conduite, surtout concernant la censure du net, Anonymous fera un pas en arrière.
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#6 – Mon métier? Traquer les escrocs http://owni.fr/2011/04/21/mon-metier-traquer-les-escrocs/ http://owni.fr/2011/04/21/mon-metier-traquer-les-escrocs/#comments Thu, 21 Apr 2011 08:00:30 +0000 Loic H. Rechi http://owni.fr/?p=58154 Dans un sondage réalisé en 2007 par l’Association Française des Sociétés Financières, 61% des sondés déclaraient avoir déjà eu un crédit à la consommation. Parmi cette proportion, un certain nombre d’entre eux prend chaque année le parti d’adresser un doigt bien senti à leur organisme de crédit ou à leur banque, refusant de les rembourser. Dès lors, il s’agit pour ces rebelles du crédit à la consommation de la jouer fine, avec un unique objectif, éviter coûte que coûte de raquer. Mais dans un système financier aussi crasseux, une telle démarche ne reste évidemment pas sans réponse. Dès cet instant, il y a fort à parier que ces réfractaires aient maille à partir avec les “enquêteurs”, de drôles de gonzes qui n’ont qu’un truc en tête, glaner les informations qui permettront de foutre la main sur les mauvais payeurs.

Aussi étonnant que cela puisse paraitre, banques, cabinets de recouvrement, d’huissiers, ou encore sociétés de crédit ne disposent pas de services spécialisés dans la traque des resquilleurs. La sale besogne est donc déléguée à des cabinets d’enquêtes, un domaine d’activité qui brille par sa discrétion. Les enquêtes individuelles menées par ces structures d’un genre particulier reposent toujours sur la recherche des mêmes informations : état-civil, adresse, téléphone, employeur, compte bancaire et patrimoine immobilier. Selon les cas, le client demandera simplement l’un ou l’autre des éléments à son cabinet d’enquête. Et quand il veut la totale, pas de problème, on lui fait alors “une solvabilité complète” selon le jargon consacré. Le couscous royal de la profession, en gros.

Légalement, les cabinets d’enquêtes disposent d’assez peu de moyens pour mener leurs investigations à bien. Pour ce qui est de l’état-civil, pas de problème, rien ne leur interdit de demander un acte de naissance dans n’importe quelle mairie de France. Pour le reste par contre, c’est clairement la guerre. Seuls les contacts avec la famille et les amis de la bête traquée sont autorisés pour gratter les informations. Autant dire qu’imaginer récupérer les informations bancaires ou la valeur du patrimoine d’un mec à moitié en fuite en appelant sa femme ou ses potes relève du fantasme. Par conséquent, les enquêteurs doivent ruser. Et franchir la ligne de la légalité. Pour ne pas dire la piétiner allègrement.

Vladimir, enquêteur

Vladimir, la trentaine, est justement enquêteur. Jeune homme aux propos d’une limpidité impeccable est le parfait client pour un journaleux. Il y a environ cinq ans, alors qu’il ne dispose d’aucun diplôme particulier, il répond à une annonce assez anodine.

Je cherchais du boulot et je suis tombé sur une annonce ANPE classique. La société machin recrute des enquêteurs-rédacteurs dans le cadre de ses travaux de recherche de débiteur. J’ai postulé et après un entretien sommaire, j’ai été embauché.

Vladimir est alors formé aux techniques d’investigation et se lance dans une activité où on lui demande de passer entre trente-cinq et quarante heures par semaine à traquer les réfractaires du crédit. Depuis cinq ans, l’essentiel de son boulot repose sur deux outils hors du commun, le téléphone et l’ordinateur. Lancé dans le bain, on lui explique rapidement que pour mener ses missions à bien, se contenter de rester dans les pointillés ne suffira pas. Comme les collègues, il se met alors à se faire passer pour les débiteurs recherchés et appelle des antennes administratives susceptibles de lui refourguer de la bonne came, comme le Pôle Emploi ou la Caisse d’Allocations Familiales. Un moyen rapide et efficace de savoir si la personne pistée y est inscrite justement.

Le recours à cette méthode éprouvée – elle est la base de la profession – les bons enquêteurs se distinguent alors par leur ingéniosité. Là où certains stalkent pour le plaisir, par jalousie voire par maladie, Vladimir gagne son pognon tous les mois en traquant ses proies sur Facebook ou Copains d’Avant, ne rechignant pas à l’occasion à utiliser quelques faux profils. Le reste est une véritable symphonie à la partition merveilleusement jouée. Coups de fil aux familles sous de faux prétextes, usurpations d’identité et faux rappels administratifs, aucune note n’est de trop pour que tout soit exécuté sans accroche.

Dans le métier des enquêteurs, chaque information, chaque détail a son prix. Cinquante euros pour une adresse, cent euros pour un compte bancaire, cent soixante-dix euros pour un trio adresse + téléphone + employeur, tout, absolument tout, est monnayable. Au revenu fixe qui tourne autour de 1.500 euros, Vladimir et ses collègues enquêteurs peuvent ajouter des primes qui peuvent passablement gonfler le salaire.

En gros, on nous demande de traiter un maximum de dossiers dans le mois. Chaque dossier traité – selon le nombre d’informations qu’il demande à gratter – représente un total de points. A la fin du mois, on totalise tous tes points et t’as une prime y correspondant. Moi je me fais 3.000 euros en moyenne, mais il y a des mecs qui palpent jusqu’à 4.500 ou 5.000 euros. Eux, ils ne font que des gros dossiers, des “solvas” complètes. Quand tu sais qu’une solvabilité complète est facturée 300 ou 400 euros hors-taxe aux clients et qu’ils en font plusieurs par jour… Bref, les meilleurs font des chiffres d’affaire de plus de mille euros chaque jour.

Étonnamment, on trouve même des avocats parmi les clients de ces cabinets d’enquêtes. Dans l’impossibilité de mettre la main sur des témoins importants, certains finissent par se résoudre à céder aux sirènes de ces détectives d’un genre particulier, avec les entorses légales que cela suppose. Le droit a parfois des raisons que la raison ignore.

“Les gros débiteurs ont l’habitude de notre boulot”

Quand on demande à Vladimir s’il ne ressent pas une gêne à l’idée de livrer en pâture des individus qui ont pris le parti de fuir des créanciers, le discours est réfléchi, toujours emprunt de la même fluidité.

Je ne cautionne pas forcément ce que le boulot m’impose, mais je me dis aussi que si je ne prends pas cet argent, un autre le fera. Et puis, on parle quand même de débiteurs qui ont signé un contrat. Il est normal qu’ils l’honorent. Si personne ne respectait ses engagements, ce serait l’effondrement du système bancaire. Ce qui me fait dire en fin de compte que dans ce métier, tu fais la pute, mais qu’il est tout de même important de recouvrir les sommes dues, pour l’économie du pays.

Comme dans tout conte moral, les enquêteurs n’ont d’ailleurs pas toujours le dernier mot. Si dans la plus grande majorité des cas, retrouver l’information requise par le client s’avère relativement aisée en bout de compte, il arrive que la proie fasse un sacré pied de nez à son chasseur. À partir du moment où le débiteur a contracté un crédit en recourant à un faux état-civil, l’investigation demeure quasiment impossible. Dans cette chaine alimentaire de l’information monnayée, il y a aussi le gros gibier, les mecs habitués à entuber le système. Eux ont souvent tout compris et connaissent l’existence des enquêteurs, à la différence de la grande majorité de leurs pairs chouraveurs.

Les gros débiteurs ont l’habitude de notre boulot. Quand tu les appelles en te faisant passer pour une administration ou un mec, ils te grillent direct et t’envoient chier. Et là, ça devient difficile pour nous. Mais malgré tout, ceux-là sont souvent inscrits au Pôle Emploi ou à la CAF. Avec un peu de patience, on finit parfois par les coincer.

Au delà de tout jugement de valeur – après tout y a t-il de mauvais moyens de gagner sa vie dans une société gangrénée par le fric ? – Vladimir a de quoi trouver quelques satisfactions dans son quotidien, son pécule mensuel mis à part. A la différence de nombre d’employés rongés par ce mal indicible qui mine nombre d’entreprises de service, ce garçon à l’oeil vif et au sourire digne se félicite d’exercer un métier “excitant“, chaque investigation, aussi courte soit-elle, n’étant jamais la même. Traquer les mauvais payeurs et les escrocs du système bancaire requiert une dose d’intuition chaque fois renouvelée et procure l’adrénaline propre à n’importe quel jeu basé sur le schéma du chat et de la souris. Il n’y assurément pas de mauvais métier.

Et pour un type de mon espèce qui se nourrit des coins mal rognés de notre société, ces basses oeuvres au profit des entreprises les plus méprisables de notre système constituent autant de sujets délectables. J’imagine que pour le lecteur aussi.


Crédits Photo FlickR CC : adamsmithjr / -Cirius-

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