OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Journaliste-entrepreneur et avocats, même concept: une firme? http://owni.fr/2010/08/11/journaliste-entrepreneur-et-avocats-meme-concept-une-firme/ http://owni.fr/2010/08/11/journaliste-entrepreneur-et-avocats-meme-concept-une-firme/#comments Wed, 11 Aug 2010 13:53:43 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=21750 Cet article est une traduction de la réaction de Michael Rosenblum sur le futur du journalisme entrepreneurial suivie des réactions de pigistes et de collectifs de pigistes français que nous avons recueillis.

Vous pouvez en obtenir un... si vous le voulez.

Hier nous avons répondu à Ken Kobre, qui demandait si, à l’avenir, un journaliste devrait être un entrepreneur. Ceci en réponse au nouveau livre d’Adam Westbrook. Ken, qui étant à San Francisco avec un décalage horaire de huit heures, nous a répondu qu’il était d’accord. Cependant :

Personnellement je ne pense pas que tout soit noir ou blanc. Il est vrai que l’image du journaliste le représentant comme un opprimé grisonnant a été idéalisée à l’extrême dans les livres et les films (cela va des Hommes du président, basé sur une histoire vraie (le Watergate, NDT) à Jeux de pouvoir, une fiction, cf image.) Mais la plupart des journalistes que nous connaissons ne cherchent pas délibérément la misère. Simplement, leur passion va au reportage et au storytelling – pas aux tableurs et aux projections. Peut-être que les diplômés des écoles de journalisme ne s’efforcent pas de gagner leur premier milliard avec autant de zèle que leur confrères de MBA, mais ils ne convoitent pas des jobs mal payés par amour du frisson bohémien qu’ils procurent.

Ken, qui enseigne à l’Université de San Francisco State, connait indubitablement ses élèves et ce qu’ils cherchent après, mais ce qu’il suggère pour réussir la synthèse du business et du journalisme est, selon moi, l’abnégation de notre prise de contrôle de notre destinée :

En fin de compte, je pense que la solution résidera dans la collaboration – la formation de partenariats et de collectifs constitués de professionnels dont les atouts individuels et les talents combinés et mis à profit dans l’intérêt du bien commun. Microcosmes de petites et modestes rédactions, sans le poids mort des couches de management intermédiaire… et des bureaux.

Je ne pense pas que le modèle ici soit celui des titulaires de MBA, qui, de ce que j’en sais, sont plus des techniciens à la recherche d’un travail. Le modèle plus proche et plus efficace serait celui des avocats.

Beaucoup de ceux qui ont atterri en école de journalisme auraient tout aussi bien pu étudier le droit. Beaucoup ont été écartelés entre les deux. Le droit a tendance à attirer le même type de personnalité, et dans un sens ce sont des métiers similaires : recherche, investigation, analyse et présentation.

Beaucoup de gens font du droit motivés par la même passion qui conduit au journalisme, le désir de faire le bien et de voir ce qui est juste s’accomplir.

Néanmoins, la différence entre les avocats et les journalistes, c’est la façon dont ils ont choisi d’organiser leur profession.

Les journalistes finissent par travailler comme salarié de quelqu’un d’autre, et sont donc toujours victimes des vicissitudes du marché et de l’évolution des technologies.

Les avocats (il est vrai aussi que certains deviennent salariés) ont tendance à monter entre eux des partenariats où ils rassemblent leurs compétences et leur business.

Une firme d’avocats loue ses talents à de nombreux clients. Une firme de journalistes (pour formuler une idée intéressante) ferait la même chose. Une association de journalistes nouerait de nombreux contrats avec divers magazines, journaux, stations de télévision et sites pour offrir du contenu, comme une firme d’avocat propose leur expertise . De cette façon, ils seraient préservés d’un désastre prévisible si un journal ou un magazine mettait la clé sous la porte.

Une firme de journalistes serait une association, et comme une bonne firme d’avocats combine les fusions-acquisitions qui rapportent avec le droit courant bon marché, une firme de journalistes combinerait le journalisme d’investigation qui ne paye pas bien avec les lucratives relations publiques. Ne sursautez pas. Beaucoup de nos diplômés font des relations publiques et peuvent faire fortune. Cela nécessite les mêmes compétences.

De même, la firme de journaliste devrait étendre son cercle d’activité et dominer le monde du management de l’information, ce qui est, après tout, ce que nous faisons vraiment.

Les meilleurs firmes de journalisme pourrait faire payer plein pot pour leurs efforts combinés (incluant des livres et les droits occasionnels sur des films).

Alors que le monde des médias se fractionne et que les journaux, les magazines et les réseaux de télévisions commencent à disparaître, les journalistes vont devoir se réorganiser s’ils veulent survivre.

Ils pourraient faire pire qu’imiter leurs amis qui étudient le droit.

Et s’ils le font bien, ils devraient être capable de se payer sans difficultés le beau bateau Hinckley ci-dessus. Peut-être que dans le futur, les journalistes dans les films porteront des costumes Prada, conduiront des Porsche et piloteront leur propre yacht. Il y a pire.

Un modèle  transposable en France ?

Les conseils de Michael Rosenblum trouvent-t-ils un écho en France ? Les pigistes et collectifs de pigistes interrogés se montrent plutôt circonspects.

Freelance, Sylvain Lapoix note déjà que “redistribuer les bénéfices afin de souder une coopération ne nécessite pas de se monter en cabinet : les coopératives ou certaines formes d’économie sociale et solidaire font ça très bien, comme les scops, en injectant une dose de démocratie interne au passage.” Se regrouper donc oui, mais pour exercer quelle activité ?

Le costume de travail du journaliste travaillant dans une firme ? Pas gagné...

Le jeune collectif Youpress, est une association loi 1901 regroupant huit freelances. La répartition des salaires est égale sur les projets communs. Sur l’avantage de se regrouper, ils sont d’accord : “Nous misons sur une marque pour vendre nos piges, nous nous positionnons sur un marché de l’information. Nous sommes une équipe rédactionnelle, ce qui favorise la relation avec nos clients. Comme nous sommes plusieurs, cela les rassure, la continuité est assurée. Le collectif facilite aussi l’organisation logistique.” Il déplore aussi le manque de culture entrepreneurial en France : “C’est une réalité de fait, or en école de journalisme, on n’a pas conscience de cet aspect.” Il note aussi la difficulté de travailler ensemble, la réputation d”individualiste” des journalistes n’est pas galvaudé à les en croire : “C’est un apprentissage au quotidien, ce n’est pas simple tous les jours.”

Le collectif breton Objectif Plume fonctionne un peu différemment de ses confrères puisqu’au départ, les pigistes travaillaient chacun de leur côté. Il leur arrive maintenant de collaborer sur des projets. Sur le principe du regroupement, Carole André approuve : “Une agence, oui, je voulais d’ailleurs faire ça au départ, une agence de presse avec des journalistes spécialisés dans des domaines, capables de répondre à toutes les demandes.” Et l’image du journaliste crève-la-faim ne fait pas non plus partie de son panthéon : “La galère n’est pas nécessaire pour être un bon journaliste. Mais il y a un juste milieu, on ne fait pas ce métier pour rouler en Porsche.”

Là où les personnes interrogées divergent franchement d’avec Michael Rosemblum. D’abord pour des raisons pragmatiques : en France pour garder sa carte de presse, il faut que 50% des revenus soient tirés de l’activité journalistique. Le mélange des genres a ses limites. Ou alors il faut des profils dédiés “comm” et “journalisme”. Et encore, ce ne serait pas une solution forcément optimale : “Il faut choisir son camp car cela peut s’avérer dangereux de mélanger les genres : on peut croiser des gens dans un autre contexte” note Youpress. “Pour finir les fins de mois, pourquoi pas…” indique Carole.

De même, Sylvain Lapoix n’est pas contre la diversification mais en restant dans le champ du journalisme : “Quitte à se diversifier, autant réaliser des conférences, des formations, des livres… et profiter des économies d’échelle plutôt que de tout foutre en l’air en cédant au premier cabinet de marketing venu !” Ce qui le gêne plus, c’est le “dévoiement” d’une telle solution : “Si on fait de la synergie, c’est pour optimiser la qualité générale de l’info, pas pour se brader collectivement pour faire de la comm’. L’avantage d’un groupe de journaliste qui se fabrique une marque collective, c’est justement de pouvoir revendiquer une certaine indépendance et s’assurer une sécurité financière et légale.”

Image par Elliot Lepers

Outre le ton “très donneur de leçon”, Tatiana Kalouguine, pigiste, membre du collectif « Les Incorrigibles » ne croit pas qu’il faille « faire la synthèse du business et du journalisme ». Elle juge que la proposition de Michael Rosenblum n’est pas très crédible dans le contexte actuel : “Comment être pris au sérieux en racontant à des journalistes en voie de paupérisation qu’il existe un moyen pour eux de devenir riche au point de s’acheter un yacht, de rouler en Porsche et de s’habiller en Prada comme les plus grands avocats d’affaires ?” C’est “très macho”, note au passage Carole.

Sur le fonctionnement même du cabinet, elle doute de son efficacité : “Des journalistes associés placeraient un capital dans l’affaire et se répartiraient ensuite le bénéfice de leur business en fonction de leur apport initial. Mais alors, celui qui a misé le plus devra-t-il aussi plus travailler, puisqu’il gagnera plus que les autres ? Et si, dans cette association, certains font de l’investigation et d’autres des RP, cela voudra dire que les premiers dépenseront le pognon que les seconds auront gagné. Pas sûr que ce soit terrible pour l’ambiance de travail. Certes, un tel système a le mérite de pousser tout le monde à carburer à fond pour faire rentrer des sous. Mais comment engranger quand la pige plafonne entre 60 et 120 euros le feuillet ? Qu’une enquête peut mettre des semaines, voire des mois, à être réalisée et donc payée? Un avocat est payé au temps passé, un journaliste au travail effectué. Difficile synthèse.” Quant au choix du mixage des activités, “si l’objectif principal des associés journaleux est le lucre, leur choix sera vite fait.
Si la solution pour sauver le journalisme est de nous faire créer des boîte de RP avec l’enseigne « firme journalistique », il faudrait juste lui dire d’être plus clair, et d’appeler un chat un chat.

Avec des discours comme ‘Il faut trouver un moyen pour gagner du pognon avec la presse’, on en arrive vite à : ‘L’info ne paie pas, donc quel intérêt d’en faire ?’”

Carole André insiste aussi sur la nécessité de ne pas se brader, sinon, c’est “accepter que son travail ne vaut rien.” Un écueil auquel les journalistes américains échapperaient selon elle : “Cela ne leur viendrait pas à l’idée de travailler gratuitement.”Et les jeunes forçats français ne seraient pas au courant ?…

Billet initialement publié sur le blog de RosemblumTV

Image CC Flickr Vaguely Artistic

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Japon: casser le monopole de l’information http://owni.fr/2010/07/08/japon-casser-le-monopole-de-linformation/ http://owni.fr/2010/07/08/japon-casser-le-monopole-de-linformation/#comments Thu, 08 Jul 2010 11:41:07 +0000 Scilla Alecci, trad. Fabienne Der Hagopian http://owni.fr/?p=21351

[Liens en anglais sauf mention contraire] Pendant que les citoyens de nombreux pays découvrent comment se servir des nouvelles technologies pour se faire entendre, au Japon, ce sont les journalistes freelance qui défient les médias de l’establishment, dont ils entendent bien se démarquer.

Il faut savoir qu’au Japon le flux de l’information était jusqu’à présent contrôlé par un système appelé le “kisha club”.

La traduction littérale de kisha club est “club des journalistes” ou “club de la presse” et  décrit les “cellules d’information” qui sont présentes dans quasiment toutes les institutions publiques telles que les ministères, la police, les administrations d’entreprises, etc.,  et dont l’une des fonctions est de gérer les conférences de presse des institutions qu’ils couvrent.

Comme le détaille leur charte :
“À une époque où des informations fiables réunies selon des méthodes sérieuses et basées sur le code de l’éthique des médias sont de plus en plus recherchées, les kisha clubs ont la responsabilité sociale de contrôler l’exercice du pouvoir public par les officiels et de rechercher la transparence de l’information provenant des institutions publiques.  C’est la responsabilité des membres du kisha club et des participants à leurs conférences de remplir ce rôle important.”

Seuls les journalistes travaillant pour quelques médias traditionnels sont autorisés à être membres et, par conséquent, à assister aux conférences organisées par les kisha clubs.
Les journalistes freelance – et souvent les média étrangers – en sont exclus.  S’ils sont autorisés à assister à ces conférences, ils ne peuvent pas poser de questions.

Twitter et Ustream

Le 13 février Takashi Uesugi [en japonais], l’un des journalistes indépendants les plus populaires au Japon, qui demande l’ abolition du système du kisha club, tweetait [en japonais] :

Twitter et Ustream ont contourné les clubs de la presse qui jusqu’à présent monopolisaient la dissémination de l’information. Les modalités du fonctionnement du système du kisha club ne sont même pas connus au Japon. Refuser l’anonymat du pouvoir public est une règle évidente du journalisme.

Signe d’un changement de cap, des représentants du gouvernement élu l’année dernière ont décidé d’ouvrir leurs conférences de presse à tous les journalistes professionnels.  Ceux des médias en ligne ont saisi l’opportunité et commencé immédiatement à couvrir les conférences de presse avec l’équipement leur permettant de diffuser en direct.

En septembre dernier, Tetsuo Jimbo, un vidéo-journaliste vétéran, éditeur et PDG de videonews.com rapportait cette nouveauté : une conférence de presse ministérielle ouverte à tous les journalistes professionnels. “Annonçant le principe de base de cette nouvelle politique, M. Okada, ministre des Affaires Étrangères, déclarait : ‘En principe, j’ouvrirai (les conférences de presse) à tous les médias, y compris ceux qui ne font pas partie du kisha club [de ce ministère].’
[…] Jusqu’à aujourd’hui, les journalistes d’un groupe qui avait un kisha club devaient déjà réussir à y être admis et en raison des politiques internes de chaque compagnie, ne pouvaient pas assister à tous les événements de leur choix.

Maintenant, et selon la nouvelle politique, [à part les journalistes indépendants, les journalistes de magazines et des médias en ligne] tous les journalistes qui travaillent pour une organisation membre peuvent assister à n’importe quelle conférence.  Cela veut dire que, par exemple, un journaliste de Asahi qui fait partie d’un certain club n’aura pas à avoir de regrets s’il souhaite assister à une conférence d’un autre club que celui auquel il est assigné. Ou un directeur de la chaine NHK qui travaille pour des shows comme Close Up Gendai ou NHK Special ne sera pas gêné pour filmer ou assister à une conférence d’un autre ministère par un collègue journaliste NHK qui couvre habituellement ce ministère. Et ces incidents ridicules (parce qu’il y en a eu) ne se produiront plus.”

Conférence de presse en direct

L’outil en ligne de retransmission vidéo Ustream, en particulier, a servi de source alternative pour contourner le filtrage du flux d’informations par les média traditionnels.

Un autre cas bien connu est celui du populaire site de partage de vidéos Nico Nico Douga qui jusqu’à l’année dernière offrait une retransmission en direct à ses utilisateurs [en japonais]. Le staff assiste maintenant régulièrement à la conférence de presse hebdomadaire du ministère des Affaires étrangères et offre l’opportunité aux utilisateurs de communiquer avec le présentateur. Non seulement ils peuvent assister à l’évènement en direct, mais ils peuvent aussi poser des questions sur une page web. Les questions sont reprises par le staff de Nico Nico Douga et posées au ministre. D’après le site de Nico Nico Douga [en japonais], leurs utilisateurs ont ainsi pu poser des questions sur les bases militaires américaines, les activistes de l’ONG Sea Shepherd, le soutien de l’Afghanistan par le Japon etc.

[Retransmission en direct de la conférence du ministre des Affaires étrangères Okada sur Ustream par Yasumi Iwakami le 29 juin] (en japonais)

Le blogueur nob1975 commente l’opportunité que les citoyens et les internautes japonais ont maintenant de voir les conférences de presse avant que la télévision et la presse ne les traitent et ne les filtrent :
“Maintenant, les citoyens ont une chance d’accéder à  la source de l’information.  Je me demande s’il y a jamais eu une telle opportunité par le passé ?  Nous vivons une époque où les politiciens peuvent parler directement aux citoyens sans passer par les kisha clubs ou participer à des “programmes d’information” qui font partie des programmes de divertissement, à des spectacles de variété qui traitent les sujets politiques comme un sujet de divertissement ou à des “talk shows” où le présentateur mène la conversation.
Je pense que c’est merveilleux.
[…]
J’ai l’impression d’avoir vécu un des ces moments fondateurs d’une nouvelle époque.”

Des journalistes indépendants comme Takashi Uesugi, cité précédemment, ou le journaliste très admiré Yasumi Iwakami [en japonais] se sont aussi servis de Ustream pour créer des débats ouverts spécifiquement sur le “système des kisha clubs”, pour attirer l’attention des japonais sur la nature souvent biaisée et limitée des informations qu’ils reçoivent.  Un exemple est le débat entre Uesugi et l’économiste Nobuo Ikeda [en japonais] sur “les fuites organisées par la police dans les média”.

Voici ce que l’on peut lire sur le profil de Iwakami sur Ustream :

“Le journaliste libre Yasumi Iwakami, va partout, interviewe tout le monde et, quand c’est possible, transmet l’information directement : interviews, débats, conférences de presse, etc.”

Enfin, Hiroshi Hirano, éditeur du magazine quotidien par email Electronic Journal, qui critique le monopole de l’information comme contraire aux principes de la démocratie, met en garde contre les dangers créés par le pouvoir des médias :

“Si une source a le monopole de l’information, elle devient une forme de pouvoir et peut facilement être manipulée par les politiciens ou les bureaucrates dans leur propre intérêt.”

Billet initialement publié sur Global voices sous le titre “Japon : les journalistes freelance utilisent les NTIC pour contourner le monopole de l’information”

Image CC Flickr purplemattfish

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Un journaliste payé par ses lecteurs ? http://owni.fr/2010/02/15/un-journaliste-paye-par-ses-lecteurs/ http://owni.fr/2010/02/15/un-journaliste-paye-par-ses-lecteurs/#comments Mon, 15 Feb 2010 08:59:08 +0000 Jean Abbiateci http://owni.fr/?p=8184

L’hebdomadaire culturel Télérama vient de publier mercredi un assez bon article intitulé Journaliste à louer. Le papier pose notamment cette question : un lecteur peut-il directement financer le travail d’un journaliste ?

Certes, l’idée du « crowdsfunding » (« financement par la foule ») n’est pas nouvelle ; elle est aujourd’hui très tendance et parfois un peu « tarte à la crème » (le financement d’une partie du travail journalistique par les lecteurs, c’est quand même l’un des piliers de l’économie de la presse écrite).

Mais cette idée d’instaurer une relation directe entre un journaliste et une communauté d’internaute-financeurs, n’en constitue pas moins une piste intéressante pour l’avenir de notre métier. Elle a le mérite de redonner de la valeur au travail de qualité.

Et à ce petit jeu là, il me semble que les journalistes et photojournalistes indépendants, plus réactifs, plus conscients de leur « valeur » et de leur « marque », habitués à jongler avec les financements multiples, sont les mieux a même de tirer leur épingle du jeu.

En tout, cela donne envie d’être testé grandeur nature :) !

Voici donc quelques liens pour aller plus loin + quelques réflexions personnelles. Cette sélection et ses idées sont bien évidemment ouvertes aux suggestions et ajouts.

1. Le principe du « crowdfunding »

Journaliste à louer

Le papier original de Télérama signé Emmanuelle Anizon

Le crowdfounding et ses limites

Une analyste intéressante par un jeune journaliste, Florent Chevallier.

Lessons in crowdfunding (en anglais)

Retour d’expérience passionnant par David Cohn, fondateur de Spot.us (dont on peut retrouver l’interview sur Espritblog ici).

2. Les expériences menées

Le photojournaliste Zoriah

(et tout récemment Frédéric Sautereau, de l’Oeil Public)

La journaliste américaine Paige Williams

Cette journaliste freelance américain a  lancé un appel au don pour un projet de reportage estimé à 2000 dollars.

- Le projet Spot.us

Pour ceux qui ne connaissent pas, ce projet américain permet aux internautes intéressés par une problématique locale de financer le travail d’investigation d’un journaliste freelance.

Spot.Us – for reporters

A titre personnel, voici simplement quelques réflexions en vrac (et à enrichir).

- La communauté d’internautes-lecteurs ne pourra jamais être l’unique source de financement d’un reportage ou d’une enquête (voir le panorama des pistes possibles sur ce très bon post de blog de Pierre Morel).

- Le processus ne peut être qu’artisanal et direct, établissant une relation de confiance entre le journaliste et ses contributeurs. Pas d’intermédiaire.

- Il faut évidemment avoir su tisser une communauté autour de son travail. La communauté est différente d’un réseau : ce n’est pas à qui aura le plus d’amis sur Twitter ou Facebook, mais à qui aura su fédérer des fidèles sur un travail journalistique donné (comme peuvent le faire certains blogueurs-journalistes).

- le contributeur paiera pour un projet à valeur ajoutée (reportage, investigation), pas pour des tweets, de l’analyse, de la veille ou des papiers « bas de gamme ». Le contributeur paiera donc pour de l’information « rare » et pour des sujets « magazine » (donc moins périssable), pas pour du news.

- le contributeur ne s’engagera pas financièrement sur un « projet » ou un « synopsis ». Il faut déjà que le journaliste soit déjà  engagé dans la démarche, qu’il ait fait ses preuves, qu’il ait de la matière à montrer pour attirer le chaland !

- le journaliste doit donner de sa personne. L’argument de dire « donnez-moi, parce que mon travail est important » ne suffit pas ; il faut susciter le désir de donner, convaincre, partager, donner un peu de « chair » à ses motivations. Bloguer est surement le moyen le plus simple de le faire.

- Le contributeur ne paiera jamais pour « rien ». Il faut une « compensation », une « exclusivité » : un livre à la clé, l’accès à un contenu exclusif, une rencontre avec le journaliste…

- la transparence (relative, il ne s’agit pas de justifier chaque ticket de métro dépensé !) sur l’utilisation de l’argent est une nécessité.

» Billet initialement publié sur Espritblog

» Photo d’illustration alancleaver_2000 sur Flickr

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