OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Do you speak rock français ? http://owni.fr/2010/09/14/do-you-speak-rock-francais/ http://owni.fr/2010/09/14/do-you-speak-rock-francais/#comments Tue, 14 Sep 2010 08:21:23 +0000 Thomas Grange http://owni.fr/?p=28054 Retrouvez cet article et bien d’autres sur OWNImusic, que nous lançons avec joie ces jours-ci !

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Cocoon, Hey Hey My My, Gush, Puggy, Lilly Wood & The Prick, Izia, Puggy, Jamaica, Pony Pony Run Run… La langue de Shakespeare a-t-elle un peu trop contaminé la scène francophone ? Beaucoup vous diront que c’est la langue la plus naturelle pour faire du folk ou du rock. Mettons, mais les raisons sont sans doute autant économiques que culturelles…

Chanter en anglais : c’est cul-tu-rel ! Ou pas.

Il fut un temps où les décisions du CSA avaient un réel impact sur l’industrie musicale : en télé où M6 avait des obligations de diffusion de plages musicales sur des horaires de grande écoute, mais surtout en radio notamment avec ce fameux quota de 40% de chanson française (dont 20% de nouvelles productions), mis en place en août 2000.

Les maisons de disques avaient alors tendance à privilégier la signature de groupes chantant en français, radios et TV privilégiant dans les 60% restants les incoutournables mondiaux (on se souvient même du combat de fun radio face au CSA pour comptabiliser Guetta, Sinclar et Solveig dans le quota français, malgré des lyrics anglais, peine perdue).

Le mot d’ordre était alors clair : une démo en anglais, c’est poubelle direct !

Bonjour Mickey 3D, Sinsemilia, Java, Tryo, Eiffel, Matmatah, Kyo, -M- et consorts, ne prenons pas le risque de signer du yaourt anglais, qui nous priverait de diffusion radio. Inutile de penser international, un plan market piloté de la France n’est pas vraiment imaginable.

Lily Wood And The Prick

2003 – 2006 : la crise, sans réelle alternative

C’est dès 2003 que le marché du disque commence à réellement s’effondrer. Il y eut avant ça les copies de CD et Napster, où les statistiques eurent du mal à réellement montrer leur effet nocif. Mais la croissance du net à cette période et l’arrivée de l’iPod ont eu raison de l’inquiétude des maisons de disques (qui n’ont certes pas pris les bonnes initiatives vis à vis de leurs “consommateurs”, mais nous n’allons pas revenir là-dessus).

Seulement que faire pendant ce temps ? Les débits étaient encore trop lents pour la plupart des internautes, écouter de la musique ou même de la vidéo en streaming était quasi impossible, et les outils pas toujours opérationnels (flash ne lisait pas encore la vidéo, casse-tête entre windows media et real media, difficilement embedables dans de l’html…) : c’est finalement peut-être ça aussi qui a fait que les majors ont pris le mauvais chemin : le net ne leur proposait pas encore les outils adéquats.

2006 et après : l’avènement Youtube, Myspace et Facebook

Voici les outils dont je parle : simple d’utilisation et viraux, le contexte change alors totalement. Qu’il soit technologie ou.. géographique !

Le groupe français n’est plus, il n’est plus confronté à une concurrence locale, ni soumis à un quota. Le net a remontré que le paysage musical français était beaucoup plus vaste et hétérogène que ce que M6 et NRJ laissaient paraître.

Dans un premier temps, ce sont surtout les indés qui ont le plus parié sur le web : Sober & Gentle a parié sur Cocoon il y a 2 ans. Because a signé Justice, Soko et (re)lancé les Plasticines virées de EMI. Cinq7/Wagram a plutôt bien tiré son épingle du jeu ces derniers mois avec Pony Pony Run Run, Gush et Lilly Wood & The Prick.

Cocoon

Une stratégie réellement internationale ?

A court terme, je n’en suis pas certain. C’est surtout la popularité des groupes sur le web qui a atténué l’argument psychologique des 40% : c’est désormais le web qui amorce la popularité d’un artiste, et non plus le média radio ou télé. Chiffres à l’appui, la maison de disques a alors beaucoup moins de mal à convaincre la presse ou la radio.

Et à voir la tracklist de Virgin Radio ou du Mouv, cela se confirme : Soma et Pony Pony Run Run font partis des 5 titres les plus diffusés de la fin aôut, avec minimum 1 rotation par heure et demie…

A moyen terme, là où lancer un artiste à l’international était une stratégie très complexe à mettre en oeuvre, le web permet de pointer les régions où le potentiel est le plus fort, stratégie appliquée pour Cocoon où le disque est sorti au Japon, aux USA et en Australie. Au pire, on applique une simple stratégie de long-tail où l’album est disponible dans les catalogues internationaux d’Itunes ou Believe, sans réel plan de communication, mais où les ventes agrégées pays par pays sont de moins en moins négligeables.

Du côté des majors…

EMI est sans doute la maison de disques qui a pris le plus de risque dans les années 2000 à travers les Daft Punk, et Phoenix, signés depuis 10 ans déjà (par contre ils ont encore des efforts à faire en anglais!). Sony a lancé il y a quelques mois Soma et Universal a sorti fin août le premier album de Puggy.

De la pop très lisse, qui ne leur font pas prendre énormément de gros risques…!

Article initialement publié sur le site Ampelmann

Crédits photos : CC Flickr rocktrotteur joe.moore tite_inconnue

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Dis, c’est quoi une bonne stratégie musicale digitale? http://owni.fr/2010/03/27/dis-c%e2%80%99est-quoi-une-bonne-strategie-musicale-digitale/ http://owni.fr/2010/03/27/dis-c%e2%80%99est-quoi-une-bonne-strategie-musicale-digitale/#comments Sat, 27 Mar 2010 16:15:13 +0000 Virginie Berger http://owni.fr/?p=10980 C’est quoi être un artiste en 2010? C’est quoi une maison de disques en 2010 ? Une maison de musique ? Une maison de musique enregistrée ? Comment définir et travailler le music marketing dans un environnement en constante évolution ?

Tout d’abord, vous ne pouvez pas vous lancer dans la moindre action marketing, même la plus petite, sans définir au préalable vos objectifs.  Je ne vous parle pas d’un business plan sur cinq ans mais juste que vous définissiez les résultats que vous attendez de votre action. Quel est l’objectif derrière votre action ? Améliorer votre présence online ? OK, mais pourquoi ? Tournées ? Être signé ? Vous voulez vendre des disques, du merchandising, des tickets ? Combien ? Et pourquoi  êtes-vous  sur Twitter ? Qu’est ce que vous en attendez ? (Mon article sur le sujet)

On assiste en ce moment à une pléthore d’actions dans l’industrie de la musique. Mais au final, pour quel résultat ? Est-ce que le temps passé dessus n’est pas plus important que les résultats finaux de l’action ?

La plupart des gens frustrés par leurs résultats online ont souvent confondu tactiques et stratégie. C’est-à-dire qu’ils ont privilégié les actions avant de définir le pourquoi cette action.  Je me répète, mais un objectif FLOU, ça donne une connerie PRÉCISE (copyright papa@virberg).

Avant de démarrer, rappelez-vous bien quelques petites choses :

- Les fans ne veulent pas seulement rentrer en connexion avec votre musique, ils veulent que VOUS rentriez en connexion avec eux

- Les trois étapes de votre développement sont : attirer l’attention, rentrer en connexion, et monétiser

- La seule manière de concurrencer la gratuité, c’est de rajouter de la valeur à ce que vous faites et enfin Cwf + RtB =$$$ (Connect with Fans + Give them a reason to buy = monétisation).

- Pourquoi attirer l’attention et se connecter à ses fans ? parce que le plus gros problème de l’industrie du disque actuellement, ce n’est pas le prix, c’est les milliards de contenus existant partout. Plus personne ne sait quoi écouter et où. D’où la nécessité d’être visible et de se créer une communauté pour pouvoir monétiser.

Vous ne pouvez pas forcer les gens à rentrer dans une relation. Vous devez leur prouver, quotidiennement, que ça vaut le coup.

Dîtes-vous bien également que vous ne devez pas faire TOUT ce que je décris. Il faut vous concentrer sur ce qui est important pour vous, au regard de vos objectifs.

« Et la musique alors ? » me direz vous. Bien sûr, la musique est à la base de tout. L’artiste doit pouvoir proposer une musique que quelque part, quelqu’un aura envie d’écouter.

Bon maintenant, passons aux choses sérieuses : qu’allez vous apprendre dans cet article ?

- Si vous n’avez pas de site web alors que vous êtes un groupe, vous avez raté votre carrière

- Myspace c’est “sooo 2004″, mais pourquoi ce n’est pas ridicule de créer sa page

- Facebook d’accord, mais pourquoi ?

- Connaître ses fans, c’est important, mais quels sont les meilleurs sites d’analyse de données ?

- Pourquoi s’inscrire sur Bandcamp ? Parce que c’est comme s’inscrire sur MySpace mais en mieux.

- Sur Youtube, tu n’es peut-être pas Lady Gaga mais apprend comment toi aussi tu peux faire un milliard de vues.

- Pourquoi l’email et la newsletter restent une arme de séduction massive ?

- Twitter, l‘outil dont personne ne se sert mais qui touche tout le monde

- Flickr, Wikipedia, Deezer, Spotify… ce n’est pas parce qu’ils ont des noms bizarres que vous ne devez pas vous en servir !

- Le SEO (search engine optimization) n’est pas une maladie, c’est même un médicament

Cet article (livre blanc ?) devenait donc un peu trop long et lourd pour le blogger. Donc pour plus d’utilité, j’ai pensé qu’il était plus simple de le laisser en téléchargement (gratuit) par ici. Vous pouvez également le retrouver “embedded” juste en dessous.

En plus, je peux mettre des images comme ça. Et les images, c’est bien.

Sinon, en échange du téléchargement gratuit, j’accepte bien évidemment les donations. En espèces, voire en nature, voire en granola.


Des questions ? virberg@gmail.com

Retrouvez moi sur :

www.twitter.com/virberg

http://www.slideshare.net/virberg/cest-quoi-une-bonne-stratgie-musicale

Énormes remerciements publics à Olivier Ravard (@MrOlivier) de www.whereismysong.net

Photo CC Flickr nestor galina

> Article initialement publié sur Don’t Believe The Hype

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“Peut-on juger un journal par ses lecteurs, un élu par son électorat, un artiste par son public ?” Interview exclusive de Diane Tell http://owni.fr/2009/11/05/interview-exclusive-de-diane-tell/ http://owni.fr/2009/11/05/interview-exclusive-de-diane-tell/#comments Thu, 05 Nov 2009 09:59:48 +0000 [Enikao] http://owni.fr/?p=5186 diane21Trouvée par hasard sur la toile, au gré d’un lien et d’un commentaire, Diane Tell m’a beaucoup surpris. L’artiste venue du Québec poursuit son bonhomme de chemin d’artiste engagée depuis un bon moment déjà, et la pudeur m’oblige à ne pas être plus précis, mais surtout se démultiplie en ligne.

Interpellé par son regard critique, lucide et parfois même radical, nous avons eu quelques courts échanges mais il m’en fallait davantage. Disponible, elle a accepté de répondre à mes questions pour Owni.

Attention les yeux, ça pétille !

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Diane Tell bonjour, pouvez-vous vous présenter… en 140 caractères ?

Je le peux, à condition d’y ajouter quelques liens vers ce qui m’est extérieur mais pas étranger ! Je suis ce que j’aime ! Espaces compris !

(140 précisément !) [NDLR : bravo, c'est ce qu'on appelle un twoosh]

On connaissait la chanteuse venue de la Belle Province et installée dans le Pays Basque, j’ai découvert plus récemment votre activité numérique : un blog, un compte Twitter, mais aussi Facebook, MySpace, FlickR, YouTube. Depuis quand assurez-vous votre présence numérique ?

Le numérique est présent, sans interruption, dans ma vie depuis le début des années 80. J’ai acheté en 1981, dès sa sortie, le premier IBM PC avec son processeur à 4,77 MHz, sa mémoire RAM 16K extensible à 64K et son affichage monochrome mode texte uniquement ! (Je l’ai toujours)

ibmpc

Pour ce qui est de ma présence sur la toile, mes premières connections datent de 1996, année de ma rencontre avec Jean-Pierre Joignant mon fidèle collaborateur. Nous avons débuté en ligne avec Zeruko Txalupa , site dédié à notre engagement auprès d’Air Solidarité, rallye humanitaire aéronautique auquel j’ai participé en tant que pilote et marraine de 96 à 99. Les internautes pouvaient suivre le journal du voyage presque en temps réel ! A l’époque en Afrique, pour envoyer une image de quelques dizaines de kilobytes, il fallait s’adresser à un fournisseur d’accès local et lui verser une coquette somme en FR CFA ! Pour les textes, j’envoyais des fax manuscrits et Jean-Pierre mettait en ligne ses transcriptions. Le passage à l’ère du XXIème siècle à peine franchi, j’ai troqué mon casque David Clark de pilote pour un Sony Pro de studio et me suis remise à la musique à plein temps. En 2003, www.dianetell.com version flash est lancé, un site plus axé sur la musique, et en 2008 j’entre dans l’univers des blogueurs du net ! J’ai créé ensuite des pages Web 2.0, sortes de satellites au site principal avec l’avantage d’un hébergement sur un serveur communautaire très populaire.

Pour quelle raison : est-ce par goût personnel, pour vous exprimer en ligne, pour préserver votre image et votre identité numérique, pour entretenir des relations avec vos fans ?

Je ne sais pas s’il est possible de préserver une image sur le net mais il est indéniable que l’on peut y transmettre une impression plus personnelle, plus complète de son travail et de ses idées. Le temps d’antenne des médias classiques est très court. Ma contribution chatouille un peu l’image reçue, le cliché façonné par le temps qui passe et par tout ce qui ne passe pas dans les médias traditionnels. Pour ce qui est des fans, ceux qui suivent mon parcours avec une ferveur touchante, j’ai surtout envie de leur donner de la matière… Je préfère l’idée de transmettre du pur contenu à celle de communiquer de l’information. Quant au contact direct avec le public, il me rapproche de la scène ! On se sent moins seul, la réaction est immédiate. J’ai toujours l’impression de donner moins que je ne reçois mais j’y passe un temps fou alors je ne culpabilise pas trop !

• D’après vous, est-ce que la relation directe entre le public et l’artiste et la désintermédiation des rapports en général sont devenus des passages obligés ? Ou bien une chance à savoir saisir ?

Internet, ou plus généralement l’informatique, est une chance pour les uns, un passage obligé pour les autres. Personnellement je me régale. J’aime l’outil et j’aime l’esprit de la communauté qui y adhère. Je surfe beaucoup et m’occupe de tout le contenu de mon site et des pages web 2.0. L’industrie de la musique, en particulier ses artistes, techniciens et créateurs, est l’un des premiers secteurs à avoir exploité tous les avantages techniques (parfois trop !) et innovants de l’informatique dès les années 80. Malgré les clichés défaitistes, la musique est très présente sur la toile, super diversifiée, en « net » progression ! Ce qui n’est pas le cas dans les médias traditionnels.

Les jeunes artistes qui débutent aujourd’hui ont un avantage sur leurs prédécesseurs : ils sont nés sur le net où surfe leur public H 24. Un artiste qui a fait des LP peut s’adapter, maitriser les nouveaux outils, innover, transgresser les codes mais son public le suivra-t-il ? Ou devra-t-il en fin de compte séduire un nouveau public ?

diane-tell-batiuk-011

• Votre compte MySpace fait un peu penser au 1337 5|*34|< (leet speak) des geeks, vous êtes une technophile avertie ?

Pour répondre à votre question, j’ai dû aller voir ce que « leet speak » signifiait, c’est vous dire mon niveau de geek ! Pour tous ces détails, il faudrait s’adresser à Céline, Jean-Pierre et Julie. Je peux mettre en ligne du contenu, j’ai longtemps travaillée avec le logiciel Digial Performer, aujourd’hui avec Protools pour la musique, Photoshop pour l’image, etc. Mais pour moi entrer dans un programme informatique, c’est comme ouvrir le capot d’une voiture… je ne peux qu’admirer béatement l’air puissant de l’engin : je ne saurais pas quoi en faire !

• Vous commentez également en ligne, et de manière abondante. Pourquoi si peu d’artistes s’expriment-ils en ligne, non pas dans leur espace, mais ailleurs ?

Les pages d’artistes « installés » sont généralement des espaces dédiés à la communication. Simple gestion d’image. Peu d’artistes s’expriment personnellement sur leur site, ce qu’ils ont à dire, ils le disent dans leurs œuvres – album, livre, film, photographie… Je peux comprendre ce choix de ne pas en rajouter. Pour ma part, j’en montre un peu plus par goût pour la réflexion, l’échange, l’écriture, la petite histoire et les archives ! Ce n’est pas pour me mettre en avant que je blogue, c’est pour me mettre en mémoire.

Si les artistes en contrat s’expriment peu sur Hadopi c’est peut-être pour ne pas contrarier leur maison de disques plutôt « pour » et préserver leur image auprès du public assez « contre ». Un artiste a très peu de pouvoir dans cette industrie, alors qu’il intervienne ou non, ça ne changera pas le cours des choses. Le seul pouvoir qu’on lui reconnaît et encore, c’est celui de « vendre ». C’est une industrie, pas un parc d’amusement. Ce qui me gêne c’est le décalage entre le discours officiel en faveur de la création et la cruelle réalité du marché depuis toujours.

• Vous vous êtes manifestée ouvertement et très fermement contre Hadopi : qu’est-ce qui ne va pas dans cette loi ?

Mes problèmes avec cette loi en devenir ont commencé en 2006. Une personne chez Sony m’a envoyé une pétition à signer en faveur de la répression des pirates ou contre la piraterie, je n’ai pas le souvenir précis du contenu de la lettre mais ça allait dans ce sens. J’ai refusé. Une heure après le numéro 2 de la maison de disques me téléphone pour m’engueuler !

J’étais la seule artiste du groupe à ne pas avoir signé, rendez-vous compte ! Nous sortions de la très mauvaise période des DRM sur les CD, je ne voulais pas soutenir un autre modèle sans suite…

a) Commençons par la fin, cette loi est dépassée. Le téléchargement sauvage n’est pas mort mais y’a comme une odeur. Il a déjà perdu une très grande part de marché noir face au streaming. Et le flux, c’est l’avenir. Pourquoi avoir chez soi de gros disques durs pleins à craquer et susceptibles de planter à tout moment alors qu’on peut accéder facilement sans stockage au même contenu ? Pourquoi s’emmerder à télécharger de lourds fichiers et tous les additifs viraux qu’ils peuvent transmettent ? La question des supports n’est pas réglée. La mutation suit en cours. Ce qui ne va pas dans cette loi c’est son attachement au support. Le support n’a plus d’intérêt aujourd’hui. Le support physique CD oui, pour la pochette. Avoir un fichier chez soi ou sur un serveur à Seattle c’est exactement la même chose.

b) Si j’ai bien compris, c’est aux ayant-droits de signaler à la Haute Autorité les fraudes. Aux ayant-droits d’enquêter, d’apporter les preuves et d’identifier les coupables. Qui sont-ils et comment vont-ils s’y prendre ? Qui prend en charge les frais ? Ca me choque de ne pas avoir de réponses à ces questions.

c) Faites un retour en arrière et observez la France en 1980 et la musique diffusée alors sur les ondes de Radio France, RTL, Europe 1 et Radio Monte-Carlo. Imaginez un an plus tard l’irruption sur tous les toits de dizaines d’émetteurs et sur la bande FM la diffusion du contenu anarchique de radios libres de tout contrôle, sans règles ni ambition, des improvisanimateurs dopés de convictions, en roues libres, NRJ période Jean-Pierre d’Amico, des radios créées de toutes pièces dans un appartement, un garage, hyper communautaire, un peu comme Internet aujourd’hui. Regardez maintenant ce que la FM est devenue 28 ans plus tard, ce qu’est devenu NRJ, le formatage, les antennes toutes regroupées en holding. Imaginez Internet dans une vingtaine d’années. Je suis pour plus de liberté. Je ne souhaite pas qu’Internet devienne dans 20 ans le terrain de jeux d’argent de 4 majors qui m’imposeraient leurs goûts, leurs couleurs et leurs règles. Je parle en tant qu’artiste et citoyenne !

d) Internet est à la fois distributeur et diffuseur de contenu. La FNAC et France Inter réunies. Le streaming, c’est de la diffusion ou de la distribution de contenu ? L’outil est formidable, mais c’est très nouveau. Hadopi ne se penche pas sur ces questions, elle ne valide qu’une chose : que les lois du monde réel s’appliquent au monde virtuel. Ceux qui ont le pouvoir dans le monde réel tentent de le faire valoir dans le monde virtuel en s’appuyant sur des lois.

• Quel rapport entretenez-vous avec les maisons de disque ?

J’en ai trois ! Une pour le passé, une pour le numérique et une pour le nouvel album ! Les rapports sont différents avec chaque collaborateur mais toujours bons je crois, pour moi en tous les cas.

diane• Vous n’y allez pas de main morte : « Le CD c’est certain deviendra d’ici peu au mieux un produit d’appel au pire un produit dérivé, au même titre qu’un t-shirt, un poster, un autocollant ou autre babiole à l’effigie de l’artiste. […] Le troisième millénaire signe la mort du contenant, de l’emballage, du paquet cadeau ». Quels modèles économiques envisagez-vous pour permettre aux artistes musicaux et vidéo de vivre de leur travail ? Quels choix avez-vous fait personnellement ? (scène, petit label, production, maison de disque en ligne, autoproduction…).

Les disquaires ferment leurs portes, l’espace consacré à la musique diminue ou disparaît des espaces informatico-culturels, il ne peut pas y avoir de ventes sans surface de ventes. Les gens sont passés à autre chose. Le CD (ou autre support) a un avenir en tant qu’objet pour fan ou collectionneur et puis il faudra bien en fabriquer pour les concerts ! Il se vend beaucoup de CD les soirs de concerts. Le CD est à l’album ce que la sortie en salle est au film. Symboliquement l’objet a sa valeur. Sur le marché, il en a encore, moins qu’hier, plus que demain. Je n’ai pas de modèle à défendre pour l’artiste qui veut vivre de son art aujourd’hui.

L’artiste doit se comporter comme un artisan, se faire respecter pour la qualité de son travail, vendre celui-ci librement à sa clientèle. Si possible, conserver ses droits : d’auteurs, éditoriaux, phonographiques, voisins etc. On vend peut-être un artiste mais ce qui rapporte c’est la chanson et son enregistrement x autant d’albums.

Pour ma part je suis producteur et éditeur depuis très longtemps, je travaille avec une major Sony, une e-compagny Believe et un historique petit label Celluloid. J’ai ouvert ma boutique en ligne sur mon site. J’expédie dans le monde, c’est l’avantage et le CD arrive dédicacé !

• Vous portez un regard critique sur les médias, que vous consultez manifestement avec attention. Vous lisez plutôt par fidélité, ou au hasard selon les thèmes ?

Je peux répondre très précisément à cette question. Je suis abonnée à Libération.fr, @si, XXI, Backchich, Médiapart, et je soutiens d’une brique Rue89… Je me suis abonnée à ces sources d’information parce que je prends plaisir à les lire et par engagement. Je lis aussi le Canard et Technikart. Je survole toute l’autre presse en ligne tous les jours et vais sur quelques blogs… beaucoup de titres français, je surfe aussi au Canada, aux Etats-Unis, ailleurs…

• En quoi la crise de la presse (crise économique, crise de confiance) en France vous touche-t-elle ? Comment cela se passe-t-il de l’autre côté de l’Atlantique ?

La fermeture d’un journal, qu’il soit ou non à notre goût est une triste affaire. Internet bouleverse considérablement l’industrie de l’information parce que c’est bien d’une industrie qu’il s’agit. On vend du papier, de la publicité, je dirais presque, peu importe le contenu ! Tous les chemins mènent au support. En ligne il y a d’avantage de contenu qu’en version papier, avec les archives, il y a même de l’audio, des images en diaporama et des vidéos. Et puis lire son journal en ligne, écologiquement, c’est un geste fort ! Le problème c’est qu’il n’y a pas de support, donc pas de prix, pas d’acheteur. Je ne sais pas comment ça se passe en Amérique mais sans risques de me tromper je dirais que les mêmes causes produisent les mêmes effets à plus ou moins grande échelle dans les pays économiquement proches.

• Vous avez dédié une rubrique « Si j’étais journaliste » à votre blog. Vous auriez aimé être journaliste ?

J’aime lire et écrire, je suis curieuse et photographe, indépendante et rigoureuse mais je suis aussi très naïve, et ça c’est incompatible avec le métier de journaliste ! Je me contente d’écrire quelques billets librement sur mon blog. J’aime beaucoup aller sur les blogs des autres également.

• L’irruption en force des lecteurs, commentateurs et des blogueurs dans le panorama de l’information, c’est un mouvement qui vous paraît superficiel, utile, perturbateur ?

Rue89 a fait une étude révélant qu’une toute petite partie des riverains de leur site participaient à la discussion en rédigeant des commentaires. Peut-être, mais ils sont très lus. A prendre et à laisser. Peut-on juger un journal par ses lecteurs, un élu par son électorat, un artiste par son public ? Je ne sais pas. La parole est utile à celui qui la prend puisqu’il l’a prise. Pas toujours à celui qui la lit. Il y a d’excellents blogueurs sur le net, je suis friande, je surfe beaucoup, parfois à l’aveugle ou presque.

• Un petit mot sur votre actualité : Docteur Boris et Mister Vian est sorti il y a quelques jours sur iTunes. On ne vous connaissant pas si jazzy, c’est récent ou s’agit-il d’assouvir une envie déjà existante ?

J’ai étudié la guitare jazz, c’était mon instrument à la fin de mes études. Mon premier album était pur jazz, même, avec des chansons originales. Un solo de voix par titre, rien que ça ! Pour les albums suivants, toujours quelques titres jazz : Gilberto, L’indésirable, Les trottoirs du boulevard St-Laurent, Dégriff’moi… J’ai toujours flirté avec le jazz, ce répertoire de standards adaptés par Boris Vian était irrésistible !

• Des projets sur scène, ou au théâtre ?

Je fais toujours de la scène, je prépare avec Deghelt Production une tournée en 2010 avec Laurent de Wilde comme directeur musical et trois autres musiciens.

spaceballpixou• Verra-t-on un jour exposées vos photographies ?

J’ai exposé tout l’été, d’autres expositions sont en préparation pour mes Pixous, des photos argentiques découpées au pixel ! Un travail que l’on peut voir en ligne toute l’année.

• Quel est votre plus beau souvenir de scène ?

Mon premier Olympia me vient à l’esprit ! Un soir seulement, mais une salle comblissime et de très bons musiciens pour m’accompagner : Manu Katché, D’Angelo… Véronique Sanson y était installée pour un mois. Un lundi soir de relâche pour elle, j’ai pris la scène, j’ai pu chanter mes chansons, dans son décor avec ses musiciens… On a eu beaucoup de succès… Mon père était présent. 1983. Inoubliable.

• Merci Diane, et à bientôt sur la Toile !

(crédits photos et illustrations… Diane Tell, bien sûr !)

Petit bonus : Rue d’la flemme.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

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