Hadopi : on a gagné mais quoi ?

Le 12 juin 2009

On a gagné … on a gagné … Cette après midi, twitter et l’Internet s’enflammaient. On apprenait que le conseil constitutionnel venait de dire non, à son tour à la deuxième loi en “i” : l’Hadopi. Lesréactions n’ont pas tardé. Et au fait, on a gagné quoi ? Si on lit un peu tout, de toutes obédiences, de [...]

On a gagné … on a gagné …

Cette après midi, twitter et l’Internet s’enflammaient. On apprenait que le conseil constitutionnel venait de dire non, à son tour à la deuxième loi en “i” : l’Hadopi. Lesréactions n’ont pas tardé.

Et au fait, on a gagné quoi ?

Si on lit un peu tout, de toutes obédiences, de toutes couleurs, on ne peut pas dire que l’avis du Conseil Constitutionnel soit un plébiscite de l’action du Ministère de Madame Albanel et de ses (mauvais) conseillers : Le Figaro, Ecrans.fr, Le Monde (qui comme moi semble plus “tempéré”), Numerama, PcInpact, …

Les commentaires des courageux, des vrais (Tardy par exemple), font chaud à lire. D’autres s’expriment fort, mais c’est normal, vu le travail qu’ils ont accomplis, d’autres sortent du bois, alors qu’ils étaient bien silencieux au plus fort de la tempête … tout cela n’est pas bien grave.

(NDLR: mise à jour 11 juin 2009) En tous les cas, toute cela laisse quand même un immense sentiment de gâchis. Autant de temps, d’intelligence, d’énergie, mobilisés pour au final un résultat bien maigre qui ne profitera pas à ceux qui étaient censés être défendus (les artistes). Allons un peu plus loin et voyons ce que l’éco-système a gagné / perdu :

  • Les artistes : un grand nombre se sont ridiculisés et la plupart, je l’espère vont comprendre qu’ils se sont faits manipulés, qu’ils ne gagneront pas plus alors que l’Internet et le numérique représentent une formidable opportunité pour eux. Tant pis. (–).
    Ceci dit, tout n’est pas noir et certains ont émergé du flot … et oui, Francis !
  • Les maisons de disques : les grandes perdantes de la situation ou comment se faire détester encore plus efficacement que 20 ans de virage “artistique” vers le “business” (—). Elles doivent maintenant penser à changer de nom et accélérer la mutation de l’économie de leur “modèle économique”, si on peut appeler cela un modèle. (+)
  • Les politiques : la plupart ont du se demander ce qu’ils faisaient dans cette galère. Certains ont brillamment tirés les marrons du feu, ceux que j’appelle la bande des “B” : Brard, Bloche, Bono, Billard, cohn-Bendit. D’autres ont affirmé une position intelligente et ultra-courageuse (Tardy, Dionis, …). Je ne vais pas tous les citer, je risque d’en oublier, il suffit juste de regarder qui a voté quoi à l’assemblée. Tandis que d’autres se sont grillé aux yeux de beaucoup, à jamais. Je ne vais citer personne en particulier, il suffit de relire quelques billets de mon blog, revoir les débats, se rappeler de comment des arguments de bon sens (ils disent “amendements”) ont été écarté sous des prétextes fallacieux. Il suffit de revoir la honte absolue et une explication (partie 1 et partie 2) pour mieux comprendre mon propos ici.
  • Les institutions : le sénat … le grand perdant. On pourrait dire que la prochaine fois, il faudrait ouvrir les yeux et les bons. (-)
    L’assemblée nationale : le grand gagnant. (++) Tant dans la forme (transparence des débats, accessibilité sur Internet, mise en ligne de l’essentiel en temps et heure) que dans le fond (oui, l’assemblée sert à quelque chose). Même si parfois, je dois dire que je suis agacé par la virulence de certains débats et propos. Je suis interpellé par le ton, le mercredi pour les questions au gouvernement. Si nos enfants faisaient cela à l’école, ils auraient quelques ennuis. Mais cela doit être le jeu.
    Et je ne peux pas finir la distribution de bonne note sans citer le conseil constitutionnel, bien sûr. (+++)
  • Les associations des professionnels de la profession : autres grands perdants tant elles nous ont démontré une capacité de réflexion et d’anticipation à l’égale inverse de leur capacité de lobbying au ministère de la culture. (—-) Ceci dit, on a gagné, comme le dirait la Ministre, sur le plan de l’éducation. On connaît maintenant leur nom. (+) Je suis un inculte (ou plutôt, je n’ai pas le même culte) et je m’en excuse, mais je ne savais même pas que la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques existait et avait un quelconque rapport avec la musique ou même un poids économique et industriel.
  • Les “intermédiaires” de facto : les opérateurs et le secrétariat d’état au numérique : Souvent dans ce rôle, il y a plus de coups à gagner qu’autre chose. Alors, un seul mot me vient à l’esprit pour tenter d’en faire et surtout de faire court : Olé
    Les associations professionnelles se sont activées, de façon presque aussi feutrée et mesurée, que notre secrétariat d’état au numérique.
    Ils sont dans l’après Hadopi /-)
    Je rappelle que pour moi l’après Hadopi s’appelle : LOPPSI et LICENCE GLOBALE et qu’il va falloir aider nos députés /-)
  • L’Internet : il a encore pris beaucoup de coups et en ressort encore une fois vainqueur. Je le répète depuis 20 ans, rien ne peut empêcher un mouvement USER CENTRIC quand il est mené dans le sens de l’intérêt général. (+++)
    Face aux mouvements, aux tiraillements de toute part, on commence à comprendre que ce formidable réseau est bien plus porteur de valeur et de progrès que, tout ceux qui ne voient qu’un réseau de diffusion, le disent. L’Internet ne peut pas s’éteindre, se verrouiller, se posséder : Internet c’est nous, avec toutes nos ambiguïtés, nos défauts et nos qualités. Internet, c’est NOUS TOUS et c’est pour cela que c’est compliqué et si passionnant. Internet, ce n’est pas le “triple play”, c’est juste une partie. (if it isn’t open, it isn’t the Internet).
  • Les internautes indélicats : là je dis bravo car 1/ ces discussions ont fini de les convaincre de continuer et surtout 2/ le résultat les conforte dans cette idée. En fait, ils ne sont pas contre les artistes, mais contre l’image que nous ont montrés les maisons de disque et leurs amis et j’ai bien peur qu’ils ne soient encore plus virulents, tant la charge à été dure. (–) L’effet éducation ? Bel et bien raté.
  • Les internautes en général : ne peuvent pas ne pas être au courant du sujet maintenant, grâce à toutes les péripéties (affaire des rideaux …), mais je doute que la prise de conscience attendue soit faite. Pire même, les hésitants ont pu se radicaliser. (-)
    Tous les autres vont découvrir les bienfaits de Spotify (la publicité pour Deezer a été suffisamment faite par le ministère de la culture pour que je ne m’en occupe moi aussi). Maintenant vont-ils avoir l’étendue de l’offre, le choix ET LA QUALITE ?
    Rien n’est moins sûr. Mais on peut parier que les majors et la cohorte d’associations satellitaires finiront, un jour, par “penser numérique” et “bénéfices utilisateurs et artistes”. Ceci dit, nous avons (peut être) gagné à ce que l’accès à l’Internet soit maintenant considéré comme quelque chose d’un peu supérieur à un tuyau ou à un réseau de diffusion de contenu piraté, la prise de conscience est en cours ! (++)

L’important est que la France ne s’enfonce pas dans l’erreur et le passé.

Beaucoup de monde nous regarde.
Tout ce débat prouve que nos institutions fonctionnent et qu’il y a des gens debout ici, pour défendre leurs opinions et leur sens du bien public.

C’est le plus important après tout !

Article paru à l’orignine sur le blog de Jean-Michel Planche

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