Neutralité du Net: lettre aux ministres concernés

Le 24 septembre 2009

La Quadrature du Net a envoyé ce jour une lettre aux ministres en charge du Paquet Telecom pour leur demander de protéger la neutralité du Net en Europe, au moment ou ils entrent dans la phase finale de négociations de cette réforme majeure. En voici le texte intégral: À Monsieur Christian Estrosi, Ministre en charge de l’Industrie 139, rue [...]

La Quadrature du Net a envoyé ce jour une lettre aux ministres en charge du Paquet Telecom pour leur demander de protéger la neutralité du Net en Europe, au moment ou ils entrent dans la phase finale de négociations de cette réforme majeure.

En voici le texte intégral:

À Monsieur Christian Estrosi,
Ministre en charge de l’Industrie
139, rue de Bercy, Paris

Paris, le 24 septembre 2009

Dans les prochaines semaines, un Comité de conciliation réunira des représentants du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne en vue de d’élaborer une rédaction commune des directives qui composent le « paquet télécom ». Comme vous le savez, un point de dissension important perdure à l’issue de la deuxième lecture, puisque le Conseil s’oppose à un amendement parlementaire – dit « amendement 138 » – qui dispose qu’« aucune restriction ne peut être imposée aux droits et libertés fondamentaux des utilisateurs finaux sans décision préalable des autorités judiciaires ». Ce principe, réaffirmé quelques semaines plus tard par le Conseil constitutionnel à l’occasion de sa censure de la loi « Création et Internet » sera donc au cÅ“ur des discussions du Comité de conciliation.

Cependant, des dispositions plus déterminantes encore pour le futur d’Internet ont également été introduites lors de la deuxième lecture au Parlement européen. Défendues notamment par l’opérateur de télécommunications américain AT&T, la rédaction des articles 20.1.b et 21.3.b de la directive dite “service universel” met particulièrement à mal le principe de neutralité du réseau. La « neutralité du Net » fait d’Internet un réseau multi-directionnel et décentralisé, dont la gestion exclut toute discrimination à l’égard de la source, de la destination ou du contenu de l’information transmise. C’est cette liberté de transmission d’un bout à l’autre de l’architecture communicationnelle qui met tous les utilisateurs d’Internet sur un pied d’égalité. Or, aujourd’hui, de nombreux opérateurs souhaitent remettre en cause la neutralité du Net dans le but de développer des modèles économiques fondés sur une gestion discriminatoire du trafic Internet. Les fournisseurs de contenu et de services qui seraient en mesure de payer bénéficieraient des pleines capacités du réseau, tandis que le reste d’Internet se verrait ralenti au nom d’une prétendue rareté de la ressource en bande passante.

Par conséquent, si le paquet télécom était adopté en l’état, les bénéfices économiques et sociaux inhérents à Internet seraient compromis. L’« innovation sans permis », qui permet à n’importe quelle petite entreprise de distribuer de nouveaux services sur Internet, se verrait menacée par les opérateurs, tout particulièrement lorsque ces services entrent en compétition avec leurs propres offres commerciales. De même, le développement des nouveaux outils participatifs qui fleurissent sur le réseau, dont se saisissent nombre de nos concitoyens et qui contribuent à démocratiser l’écosystème médiatique, serait entravé.

Conscients de ces enjeux, et devant les velléités des fournisseurs d’accès Internet d’enfreindre la neutralité du réseau, l’administration américaine vient d’annoncer qu’elle leur imposerait désormais de respecter ce principe. Afin de préserver un Internet libre et ouvert, et ainsi rester un espace de créativité et d’innovation, il est indispensable que l’Union européenne fasse de même. C’est pourquoi nous vous demandons de défendre, par la voix de la France au Conseil, ce principe structurant lors des négociations finales autour du paquet télécom. Le Comité de conciliation devrait à la fois retirer les dispositions attentatoires à la neutralité du Net et, dans le même temps, garantir ce principe en l’inscrivant dans la directive « cadre », afin qu’il ait valeur normative dans l’ensemble de l’Union européenne.

Nous tenant à votre disposition, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre plus haute considération.

Philippe Aigrain, Gérald Sédrati-Dinet, Benjamin Sonntag, Jérémie Zimmermann,
co-fondateurs de La Quadrature du Net.

Laisser un commentaire

Derniers articles publiés