Les web-fictions carburent à l’humour

Le 22 octobre 2009

Il est parfois subtil, souvent carrément potache. Il a de l’esprit, il peut être de second degré, ou bien rester au ras des pâquerettes. Il arrive aussi qu’il soit très noir ou bien grinçant. Il n’a pas honte de se montrer gras, et il est loin d’être toujours de bon goût. Mais quelles que soient [...]

le-rireIl est parfois subtil, souvent carrément potache. Il a de l’esprit, il peut être de second degré, ou bien rester au ras des pâquerettes. Il arrive aussi qu’il soit très noir ou bien grinçant. Il n’a pas honte de se montrer gras, et il est loin d’être toujours de bon goût. Mais quelles que soient sa nature et sa forme, c’est un fait : l’humour est l’un des principaux piliers d’Internet. Pour preuve, « la catégorie Comédie et humour est la deuxième la plus fréquentée, après celle consacrée à la musique », constate Martin Rogard, le directeur de Dailymotion, la plate-forme d’échange de vidéos. Au total, le rire représenterait ainsi 20 % de l’audience du site. Et serait du coup le meilleur sésame pour la notoriété.

DU BLOG À LA TÉLÉVISION

Ils sont quelques-uns, en effet, à avoir profité de la formidable caisse de résonnance du rire sur la Toile pour se tailler leur part plus ou moins grande de succès. De la « Chanson du dimanche » à Zazon, des détournements de Mozinor aux provocations de Rémy Gaillard, en passant par les tubes du chanteur Kamini, ce ne sont pas les occasions de rire qui manquent. Sans parler, bien sûr, des célèbres « Têtes à claques » québécoises, nées sur un blog personnel, devenues aujourd’hui en quelque sorte des stars internationales, à la télé et sur téléphone mobile également.

Actuellement, en France, c’est le « Comité de la claque », ses fausses pubs, fausses séries, fausses bandes annonces, ses parodies en tout genre, qui cartonnent sur le Web. Avec plus de 2 millions de spectateurs en quelques semaines, la fine équipe vient de signer avec le studio MGM. Les Web-séries n’échappent évidemment pas à la règle. En ce moment, la saison 3 de « DRH, la vie de bureau de Nicolas Berthier » fait se gondoler les internautes. Au palmarès du dernier Festival de la fiction de La Rochelle, c’est la très humoristique « Histoire racontée par des chaussettes », de Dedo et Yacine, qui a succédé au palmarès de la catégorie Web à la comique « P’tite couronne », de Maxime Potherat.humour1

Sur le Web, on a beaucoup ri aussi aux succulentes et parodiques leçons de cinéma de « La séance de Sergueï », filmée par Simon Dronet, aux désordres amoureux des trois colocataires « Antoine, Bibi et Casimir », de François Chabert et Laurent Jeanne et, évidemment, aux affres de la création de « Putain de série », réalisée par Julius Berg et produite par Stéphane Drouet et Matthieu Viala de Making Prod.

Reviennent aussi en mémoire les très noirs et fascinants « Petits suicides de M. Raoul », de Najar et Perrot, ou les prestations, sombres elles aussi, de Tom Novembre pour les abonnés de Club-Internet dans « Soyez prudents », récits, par un médecin légiste, de morts absurdes tirées de faits réels. La liste serait presque sans fin. Le Web et le rire étaient faits pour s’entendre. Ils font d’ailleurs bon ménage depuis l’origine, et les premières blagues envoyées lors des premiers échanges de courriels…

Formats courts, percutants, que l’on partage facilement en quelques clics. « L’humour est plus facile en termes de production », estime Martin Rogard. « Oui, mais faire rire est plus difficile », répond Julien Pichard, l’un des trois auteurs réalisateurs de « Hello Geekette », une Web-série humoristique qui met aux prises Valérie, une charmante geekette (fan de technologies et de mangas), à son colocataire Greg, un rien bobo (830 000 visiteurs en 14 mois).

DES COMÉDIENS PAYÉS EN REPAS

« On fait de l’humour parce qu’on aime ça tout simplement », explique Julien Pichard. « Pour se faire remarquer sur Internet, il faut soit faire du drôle, soit faire du choquant, estime, de son coté, Simon Dronet, l’auteur des petites leçons de cinéma de Sergueï. Cela peut aussi devenir déprimant de se fatiguer à vouloir faire de l’humour de qualité, d’écrire des scénarios, et de constater que la vidéo amateur d’un chat qui se cogne à une porte fait dix fois plus de visionnages. L’humour, c’est un moyen efficace pour se faire connaître. Je ne renie rien, mais je ne fais pas que ça non plus ».

Avec L’Homme en rose, conte poétique destiné aux musées, qu’il est en train de réaliser, Maxime Potherat, doublement primé à La Rochelle, tournera lui aussi, au moins provisoirement, la page de la série humoristique. « Est-ce que cela marchera ? », s’inquiète le réalisateur de la très comique « Vie des animaux selon les hommes » diffusée sur France 5.

Le passage du Web à la télé n’est en tout cas pas toujours une envie, et surtout pas une évidence. « Putain de série », comédie très réussie, se moquait-elle trop de la télé pour que celle-ci lui ouvre ses antennes ? « Les chaînes veulent l’exclusivité de la diffusion sur tous les supports », explique un de ses producteurs, Stéphane Drouet. « Et donc ne veulent pas la laisser sur Internet. Ce n’est pas l’esprit de la série. » Les dix premiers épisodes sont toujours sur le Web et les dix suivants, déjà écrits, pourraient les rejoindre. « L’économie de lafiction sur le Web, ce n’est pas encore ça », regrette le producteur.

Les réalisateurs de « Hello geekette » font la cuisine à leurs comédiens pour tout salaire. Les auteurs de « Antoine, Bibi et Casimir » avaient vendu leur maison pour pouvoir tourner la saison 1 des aventures du trio. Eux aussi ont frappé à la porte de nombreuses chaînes de télévision. Là encore, ils ont pu constater que la grande liberté du Web, vantée par tous les réalisateurs en ligne, n’avait pas cours sur le petit écran : choix des comédiens, réécriture des textes, langage policé, formatage…

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Finalement, nos trois colocataires ont trouvé refuge auprès des « Brèves de Marseille », Web-série en ligne sur le site du quotidien La Provence et qui serait prêt à produire la saison 2 . « Si on choisit de faire de l’humour, confie Julien Pichard,l’un des réalisateurs de « Hello geekette », ce n’est peut-être, au fond, que pour une seule raison : être aimé !».

> Article initialement publié par Le Monde puis sur http://blogoz.fr

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