Nous, les salopards socio-capitalistes

Le 25 novembre 2009

[...] Entamer un blog post sur un extrait du chant des partisans, c’est bien ? C’est suffisamment cliché ? On comprend que je suis un de ces @lesinternautes dont le lobby puissant dit du mal des sites en flash, des nominations de rejeton, des billets sponsorisés, mais la ferme total sur les misères du monde, les violeurs récidivistes et les saligauds en tous genres.

Ami, entends-tu le vol noir du corbeau sur nos plaines?
Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu’on Enchaîne?
Ohé! Partisans, ouvriers et paysans c’est l’alarme.
Ce soir, l’ennemi connaîtra le prix du sang et des larmes.

Entamer un blog post sur un extrait du chant des partisans, c’est bien ? C’est suffisamment cliché ? On comprend que je suis un de ces @lesinternautes dont le lobby puissant dit du mal des sites en flash, des nominations de rejeton, des billets sponsorisés, mais la ferme total sur les misères du monde, les violeurs récidivistes et les saligauds en tous genres. @Pressecitron dirait: un paquet de Grandes Gueules Petit Zizi IRL. Et il n’aurait pas tout à fait tort.

Il y a des fois des hasards du web dont on a envie de s’emparer pour écrire. La même semaine, je tombe sur un billet de http://www.presse-citron.net/ rappelant les conditions d’utilisation du bon billet sponso, une attaque maline de http://www.deuxcons.com/ sur les bloggeurs influents, et une boulette de chroniqueur musical pour Benzine me force à défendre mes positions de bloggeur même pas influent pour ma part. Même pas vraiment bloggeur en fait.

1) Nous ne sommes pas des enfants de choeur

Chers annonceurs, chers attachés de presse, chers community managers (nouveau terme à la mode de la blogosphère). Nous ne sommes pas ou plus des enfants de choeur. Il y a bien longtemps que nous avons troqué notre barbe en broussaille, nos pulls trop longs d’étudiants de lettre, et même nos idéaux libertaires pour entrer dans le vrai monde. Nous aussi nous galérons avec nos fins de mois, nos Assedics, notre travailler plus pour gagner moins etc. etc. Nous avons une position privilégiée. Nous avons une connexion internet #sisi, un goût pour la no-life et pour la plupart des passions personnelles que nous mettons en avant. Nous ne sommes pas uniques, nous ne sommes pas M. Internaute facilement rangeable dans un tiroir schématique. Certains ont même décidé de vivre de leur passion numérique, et faire de leur blog un moyen de gagner leur vie d’adulte, de père. Inch’ Allah. D’autres hésitent à franchir le pas. Certains enfin, se tâtent entre passion dominicale et professionnalisme pour trouver la limite philosophique. Mais tous, tous, nous sommes vénaux.Enfin quand je dis vénaux, je dis “achetables”. Enfin quand je dis achetables, je dis que nous accordons un “prix” à certaines choses. Imposables ou non.

Il y a bien longtemps que nous avons compris que le temps que nous investissons dans nos magazine, nos blogs, notre présence en ligne a une valeur. Vous l’avez peut-être même compris avant nous. Vous aviez peur, nous étions vierges et effarouchés. Il y a bien longtemps que nous nous sommes rendu compte que la passion numérique peut être valorisée comme toute les autres passions productivistes. Comme le bidouilleur de voitures antiques qui fournit les cortèges de mariage, comme le photographe amateur qui professionnalise certains de ses shoots ou le cuistot du samedi qui joue au chef pour des proches. Il y a bien longtemps que nous ne prenons plus le clavier uniquement comme on chausserait ses crampons pour jouer dans l’équipe de foot de Chalmaison deux fois par semaine.

On nous parle de formation continue. On s’est formé. Et nous continuons chaque jour, soir, nuit, comme l’armée de Fight Club. On nous parle de marketing des réseaux sociaux, OK on cherche à comprendre comment ils fonctionnent, comment notre passion peut se servir des gadgeto-trouvailles de l’atelier.fr. On nous parle de crise, et d’obligation pour les annonceurs de repenser leur dépenses: on se dit que peut-être il est temps pour nous de prouver notre valeur; de canaliser une peu de leur pensée nouvelle. Nous ne sommes plus uniquement des “bloggeurs du dimanche”. Nous ne sommes pas journalistes non (je dis ça parce qu’après l’industrie culturelle c’est les journaleux qui risquent de nous attaquer au prétexte d’une crise de valeurs). Nous ne sommes pas marketeux non, berk c’est sale. Nous sommes juste “en ligne”, prenons la parole pour ne rien dire en retwittant @jeanlucr @Narvic et @Vinvin et nous rendons compte que cette parole, en fait elle a aussi, un prix.

1) Le personal branding

@fbrahimi et @egadenne vous expliqueront mieux que moi l’avènement de ces “noms propres du web”. les @gonzague et @HenryMichel qui existent en ligne comme d’autres dans la vie réelle. Certains d’entre nous représentent une même une communauté de lecteurs (@Zara c’est ici que je peux te citer). Qu’on photographie du Côte d’Or sur http://www.kreature.be et c’est un chocolatier qui soigne son image sociale. Que Nokia fournisse un N97 à http://www.mobileenfrance.com et c’est un blogeur qui en promeut l’usage (enfin si Nokia m’entend…). Nous ne sommes pas dupes. Nous connaissons le prix d’une campagne de pub IRL, même une numérique. Nous savons que nos lecteurs représentent des consommateurs et qu’au final c’est le CPA (coût d’acquisition client) qui vous intéresse. Il ne vous manque guère d’ailleurs que quelques métriques efficaces pour que nous soyons rhabillés par Adidas sur nos Twitpic influents, que je reçoive le dernier Iphone (appel du pied bis), ou que @journaldutrek parte en vacances à l’oeil, enfin selon les rumeurs. Nos blogs, ou nos identités sont devenus des marques. Comme les vôtres l’étaient. Comme Le Monde est une Marque, Libé, Slate, Electron libre sont des marques à leur coeur défendant et comme la régie de TF1 une marque. Avec plusieurs avantages: nous ne coûtons pas encore très cher dans vos campagnes, et s’attirer les bonnes grâces d’une communauté c’est autant attirer l’oeil sur un nouveau produit que faire de l’entretien d’enseigne. Le joaillier Timmermans en Belgique vient de l’apprendre à ses dépends.

2) Le rapport temps c’est de l’argent

Nous avons des familles. Nous essayons de garder des moitiés, des salaires fixes, souvent, en parallèles de nos activités de bloggeurs et de fans des réseaux sociaux. #sisi. Une inscription de base chez #OVH me côute 15€. J’ajoute une bonne 20taine pour les noms de domaine à l’année…Je poste en moyenne 7 “objets” vers les chroniqueurs chaque mois, pour un coût postal moyen de trois euros/envoi. Si je me déplace pour découvrir un produit, je paie ma place de métro. Je viens de perdre mon travail. D’autres n’en ont pas. Si je devais comparer ma passion numérique au club de foot de Chalmaison… Je pense que j’aurais rangé les crampons et résilié mon abonnement. Je serais devenu gros. Ca tombe bien je le suis déjà. Nous savons combien se facture une journée de RP, nous connaissons le prix d’une simple campagne de mailing. Oui nous aussi, nous avons une vraie vie mature en dehors du web. Nous savons que le temps c’est de l’argent. Nous savons la valeur des choses.

Mais nous ne sommes pas des requins. Pas encore. Nous savons que nous flottons à la limite entre plaisir personnel, savoir-faire et marketing. Alors nous prenons des heures, des nuits, à rédiger des billets sur vos produits, vos expériences. Oui, bien sûr nous les aimons. Nous sommes vos premiers consommateurs. Vous nous avez conquis. Ca c’était à la base votre boulot.

Mais nous n’oublions pas que notre passion est aussi un travail. Le vôtre aujourd’hui. Et pragmatiques, si nous ne pouvons pas travailler plus pour gagner plus, au moins pouvons-nous peut-être travailler plus pour dépenser moins. Continuer à compter parmi vos consommateurs, sans devoir prendre un prêt chez Cetelem ou Sofinco. Un espèce de donnant donnant. Vous participez à la concrétisation de notre plaisir? Ok nous vous rendons la monnaie de votre pièce. Vous travaillez pour nous, nous travaillons pour vous. Nous donnons notre temps, et certains du talent, vous nous donnez des produits ou des passe-droits.

Puis, parce que les étudiants barbus et démerdards continuent à vivre quelque part au fond de nos têtes, nous pratiquons nous aussi le partage et la bidouille. A l’ancienne. Nous donnons des cadeaux reçus aux femmes de nos vies, nous troquons sur les réseaux idoines les produits pourris que vous voudriez nous faire aimer, nous échangeons pour payer l’hébergement de nos sites, le prix des timbres le passe Navigo pour nous rendre à vos happenings. Certains en font une véritable économie additionnelle à leurs rentrées mensuelles et imposables. D’autres jouent les vide-greniers numériques du dimanche: un tiens pour un demi tu l’auras.

Ne nous la faites pas sainte-Nitouche. Au fond de vous vous le savez. Mieux, vous en vivez. Sérieusement, vous pensez que tous les blogs perso des ados ont la qualité de celle de @nathansoret ? Sérieusement, vaut-il mieux que nous jouions les jongleurs, que vous nous identifiiez rapidement et que nous nouions une relation de confiance productiviste pour vous et nous? Ou que, poussés par la famine les problèmes familiaux et la disette économique, nous soyons forcés de fermer les sites que vous avez identifiés utiles à vos démarches, et que vous soyez chaque jour obligé de remettre à plat vos bases de données commerciales au gré de l’ouverture/fermeture des Bloggers et Skyblogs? L’un dans l’autre… nous y gagnons tous les deux. Connaissons-nous, sachons-le.

Oui certes, ces pratiques remettent parfois en cause la linéarité des processus de vente à l’ancienne, oui parfois nous commettrons des impairs, oui parfois aussi vos commanditaires auront l’impression de financer leur propre perte. Ne nous trompons pas de cible. Le monde change, ce qu’on vend aussi. Les modes de consommation sont remis en question, les usages promotionnels aussi, la notoriété des marques aussi. Certains parmi vous, parmi nous resteront sur le carreau. C’est un monde difficile. Nous ne l’avons pas créé, nous l’utilisons. Nous tentons d’y faire entendre notre voix. Ne vous leurrez pas nous sommes plus louveteaux que colombes. Mais au fond allez, vous le savez.

3) Le billet sponsorisé

Arlesienne des blogs, le billet sponsorisé fait plus parler les bloggeurs que les marchands. Les marchands se posent plutôt des questions sur 1) et 2). N’empêche le “naaaan t’as-vu c’est horrible je suis sur que Korben et Vinz ont été payés pour dire ça, c’est pas possible…”  “ouh le billet sponsorisé c’est mal….” ou encore “dois-je me lancer ou pas” ou encore “naaan j’ose pas”. Fichtredieu. Mais oh c’est pas parce qu’on ne veut pas forcément d’une Rolex à cinquante balais qu’on crache sur la bière du soir quand on nous l’offre sur un plateau.

Apprenez à démêler le bon grain de l’ivraie, pardi. Soyez malins. Oui Il y a des blogs uniquement dédiés aux marques. Je connais même des agences marketing dont le boulot est de créer des faux blogs super bien référencés dans les moteurs de recherche. Dont le seul but est de contrecarrer un “bombing” ou une mauvaise presse. Oui c’est mal. Ca c’est mal. Ca fait penser aux méthodes d’intoxication des masses par l’armée ennemie. C’est du billet sponsorisé. Mais ce n’est pas du billet sponsorisé. Ailleurs on appelerait ça un Canada Dry Numérique. Ca a la couleur de, mais ce n’est pas un… Amis internautes, vous apprenez à vous méfier du fishing? Bien apprenez à découvrir un site qui fait pareil. Pour cela c’est facile. Parlez à vos amis. Identifiez vos copains numériques et vos copains IRL en numériques. Demandez leur avis etc. Démerdez-vous pour ne pas tomber dans le panneau. Pour le reste vous comprendrez rapidement qui sont vos copains testeurs de produit.

Amis adeptes du billet sponsorisé, grand bien vous fasse. Vous savez. Vous comprenez. Vous connaissez le web social et ses règles impitoyables. Vous savez qu’en vous camouflant, il y aura toujours deux cons pour débouler à la vitesse du twit et venir chambouler votre belle image d’intouchabilité numérique, votre vertu chevaleresque de testeur de produit sans peur et sans reproche.

Irréprochable. Billet-sponsorisétomanes soyez irréprochables. Quand on vous donne un produit, pour le tester, dites-le. Quand vous allez à l’oeil à une soirée, dites-le. Quand vous recevez un petit biffeton pour parler d’un clavier ou d’une souris, signalez-le (ah et aussi comme ils disent dans la pub > déclarez-le aux impôts). Oui je sais, je sais… c’est dur de jongler dans la meute… Si vous criez trop fort que vous recevez les disques que vous chroniquez, y’a toutes les chances qu’un plus geek que vous arrive à monter un plus beau site, mieux référencé, plus connecté avec plus d’amis… et que votre gloire ne dure qu’une pouillème sur le wall de la célébrité numérique. Mais bon. Tant pis.

Soyez punks. Ne soyez pas fous. Prenez des risques. Soyez entreprenant, entrepreneurs, voire auto-entrepreneurs… Mais je sais que je prêche plein de convaincus. Vous avez passé des mois, voire des années à fédérer des gens autour de votre nom, de votre blog… vous n’allez pas risquer de tout perdre en essayant de tout cacher… Avouez, partagez, faites parler… Dites-vous que de toutes façons y’aura toujours quelq’un pour vous piéger dans le cas contraire. Pensez aux trolls que vous avez appris à gérer sur vos blogs. Un mal nécessaire. Vous avez cessé de leur répondre? Bien… Soyez suffisamment transparents que pour qu’on pige de quoi il retourne quand vous prenez la plume. Le lecrteur comprendra. Ou pas. Mais on s’en moque, le sujet n’est pas là. On ne peut pas plaire à tout le monde de toutes façons. Dites-vous que l’annonceur recherche de la visibilité.

A vous de gérer ça en fonction de votre courbe de croissance blogienne. Où en ête-vous dans la vie de votre propre marque, de votre propre marque ? Phase d’acquisition de lectorat, de territoire > Ok balancez de temps à autres un petit post sponso ne fait pas de mal, tant qu’il ne cannibalise pas l’essence de votre site, tant que le lecteur lambda peut venir faire un tour pour autre chose. Phase de statbilisation> Prenez de l’assurance. Jouez avec le rapport gain/ perte de lectorat à chaque blog sponsorisé. Positionnez votre marque personnelle sur l’échiquier du marketing, jouez un peu avec le feu, jusqu’où aller trop loin sans se faire le coup d’Icare (le mythe par le chanteur). Ceci procure une légère pointe de jouissance, anwa vous allez pouvoir commencer à exprimer votre avis sur un produit sponsorisé, dans un billet, sans que personne ne vous engueule, sans que le RP vienne vous sonner les cloches derrière. Phase Star> jouez à Octave dans 99F c’est le moment de flamber. Recevez des produits dont vous ne parlez pas. Dites du mal de produits qu’on vous paie pour encenser. Ne répondez qu’aux produits qui vous tentent le plus ou par esprit de contradiction. C’est un jeu. Et vous êtes en train de le gagner…. Ou pas. Et faites la nique au détracteurs, aux jaloux et aux envieux. Vous profitez de tout et de tout le monde, mais vous ne trompez personne. C’est-y pas là le but ultime de tout socio-capitaliste. Se sentir un gros privilégié, un nanti, un parvenu au dessus des autres… mais conserver une putain de probité intellectuelle qu’on loue dans les salons 2.0 parisiens et d’ailleurs.

4) En conclusion

Rêvez. Mais ne vous enflammez pas trop. C’est un jeu, mais comme dans le monde y’a personne qui gagne vraiment à la fin. Ah oui parce que j’ai oublié de vous dire… Etre un influenceur cador du marketing 2.0 et de la captation de système de promotion contemporain… ca reste quand même un sacré mythe. C’est bien beau de se taper une PS3 ou un Asus 1005ha-h (appel du pied) à l’oeil… ben vous savez quoi… c’est quand même toujours le taf IRL qui fournit le beefsteack à la gamine. C’est toujours la compétence plutôt que la notoriété qui ramène le gras. Et puis faut que je vous dise… Quand t’as passé tes what mille heures à “produire” ton identité numérique, à te goinfrer au passage de cette nouvelle économie numérique… ben t’es jamais sûr que ton “personal branding” il plait autant à tes proches qu’à toi… Et au final le socio-capitaliste… Il a intérêt à inventer le concept du “c’est super de vivre tout seul avec un cable USB dans le cul”, parce que sinon, il risque bien de se rendre compte que son indentité numérique c’est presque un taf aussi chouette que H&M et France Télécom.

Allez amitiés 2.0. Pour ce que ça vaut …

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