War Game: Catastrophes et jeux vidéos

Le 8 avril 2010

Yoann Moreau revient sur la vidéo de la "bavure" de l'armée américaine en Irak et questionne le lien profond entre catastrophes et jeux vidéos.

Yoann Moreau revient sur la vidéo de la “bavure” de l’armée américaine en Irak et questionne le lien profond entre catastrophes et jeux vidéos.

La vidéo de guerre qui gêne l’armée américaine

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“La guerre, c’est parfois facile comme un jeu vidéo. (…) Comme dans un mauvais remake d’« Apocalypse Now », les occupants de l’hélico de type Apache lancent des « yeah » de joie quand leurs cibles sont touchées, et n’hésitent pas à ouvrir le feu sur des hommes visiblement désarmés qui viennent s’occuper des victimes du premier engagement” (1).

En dehors de l’aspect “bavure” et du comportement “enjoué” des militaires américains (qui, pour ma part, ne me surprennent pas plus que ça), ce qui fait sérieusement question est le lien profond entre catastrophes et jeux vidéos.

S.T.A.L.K.E.R., Shadow of Chernobyl

La première fois que je relevais ce rapport fut quand je travaillais sur le traitement visuel de Tchernobyl. De nombreuses photos du web renvoyaient en effet à des captures d’écran du jeu vidéo S.T.A.L.K.E.R. au principe (très) simple : il s’agit de dégommer le maximum de personnes génétiquement mutées (2). Je surfais alors sur les extraits vidéos, très nombreux sur la toile, et découvrait avec stupeur que c’est certainement l’un des meilleurs moyens de visiter le site de la central désaffectée et de sa ville fantôme mitoyenne Pripyat. Même les personnages principaux sont  directement créés à partir de photos d’archives (celles des “liquidateurs”). Ce jeu aurait-il valeur de document ? “Atmosphere, Authenticity & Detailing” sont d’ailleurs des arguments de vente de cette vidéo promotionnelle qui ne cesse de mettre en regard des photos du site (et des personnes) et leur numérisation fidèle dans le cadre du jeu :

“Devenez vous-même”

La campagne de l’armée de terre française et son fameux slogan “Devenez vous-même” jouait elle aussi, de toute évidence, avec les références (graphiques, rythmiques, musicales et narratives) des vidéogames (et du cinéma). De ce point de vue, un de leur clip à ma “préférence” :

L’ONU met en place un jeu vidéo pour éduquer aux catastrophes

catastrophe-onu-300x216Très récemment, l’ONU et l’ISDR (International Strategy for Disaster Reduction) mettait en place en ligne un “jeu de simulation d’aléas naturels“. Très largement inspiré de SimCity, il s’agit d’aménager des territoires en vue de catastrophes (tsunamis, feux de forêts, tremblements de terre, cyclones) à partir d’un budget limité. La question centrale serait : en quoi une simulation de ce type peut aider à la prévention ? Il s’avère en fait, puisque j’ai (laborieusement) testé l’option tsunami de ce jeu, qu’il s’agit plutôt d’un formatage que d’une formation. En effet, une personne un minimum respectueuse des modes de vie locaux,  tenterait tout d’abord d’aménager le site à partir des ressources locales – baraques en bois et dunes en bords de mer. Mais, dans ce jeu, cette démarche s’avère désastreuse. Il s’agit de se mettre au goût du jour, et de produire quelque chose de plus “censé” : des maisons en bétons et des tétraèdres sur le rivage par exemple. C’est nettement mieux ! Finalement il s’avère que la solution la plus efficace et de loin la moins couteuse est de bétonner le rivage avec des baraques en béton, cela joue à la fois le rôle d’habitation et de protection.

Rush vidéo d’un épisode de la guerre en Iraq

La réalité du terrain militaire semble, vue d’avion ou d’hélicoptère, très proche du jeu vidéo et l’on ne saurait alors s’étonner que l’illusion fonctionne et que les commentaires soient similaires à ceux de potes jouant derrière leurs écrans. Les sous-titres correspondent aux commentaires vocaux des militaires.

Voir le diaporama Flickr réalisé par Yoann Moreau

1. extrait d’un article paru sur Rue89, voir également Keep shoot’n, Keep shoot’n!, de Jean-No : “Les images (…) montrent bien à quel point une vision lointaine — on voit les corps et les mouvements mais on ne distingue pas les visages ni même la nature des objets de manière précise — rend possible les actions les plus inhumaines.”.

2. Serait-ce un moyen  de se débarrasser de ces monstres qui hantent nos imaginaires irradiés ?


> Article initialement publié sur le blog “Catastrophes” de Culture Visuelle

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