Open Graph: Facebook s’intronise roi de l’attention

Le 26 avril 2010

Il s'est passé quelque chose dans le monde du web: Facebook a sorti un nouvel outil, Open Graph, qui permet de "liker" n'importe quel contenu publié sur Internet. Une évolution importante pour l'économie de l'attention.

Titre original:

Facebook s’intronise roi de l’attention, saurons-nous être de bons sujets ?

Si l’on juge de l’avis général des commentateurs sur les annonces de Facebook, il s’est passé quelque chose entre mercredi et jeudi dernier. Beaucoup de questions et surtout beaucoup d’enthousiasme. L’envie de croire, pour beaucoup, qu’une alternative a éclot, que le web change.

Il s’est effectivement passé quelque chose. A mon goût la cristallisation de ce qu’on savait déjà, plus l’éclairage de quelque chose de plus profond pour l’internet en général et le business en particulier. Un vrai grand instant pour l’économie de l’attention en tous les cas, et un vrai potentiel pour la faire prospérer…

En préambule, deux lectures choisies pour ceux qui étaient en mode déconnecté complet, celle, à chaud, de Robert Scobble et le tour d’horizon d’Alex Iskold chez RWW.

Cela fait un bon moment maintenant que l’on sait que Facebook a gagné la partie. Celle du hub social, du compte maître qui gouverne tous les autres. En occident pour être précis, car il y a d’autres réseaux dominants en Asie notamment. Passons. Facebook est plus que mainstream, c’est le compte maître de l’homo numéricus. Personne ne dispute plus cette position.

Jeudi matin nous nous sommes simplement réveillé avec ce qui est une réalité.
Facebook Connect, et Open Stream qu’on oublie souvent, étaient deux idées timides, dont le succès devait appeler quelque chose de plus ambitieux. C’est donc fait avec Open Graph. Il n’y a donc pas de révolution à mes yeux. C’est juste un effort de simplification appréciable, qui va permettre à Facebook de cultiver ce qui a toujours fait sa valeur : la viralité.
Ce n’est pas une rupture, cela vient en continuité, mais comme cela vient en même temps que l’adoubement symbolique du vainqueur, ces annonces marquent le coup et nous font prendre conscience à la fois de la position acquise et du potentiel qui est devant. Je crois aussi qu’à force de n’y voir pas clair dans la manière dont Facebook gagnerait de l’argent, plus le fait que les usages sociaux y sont faibles, il y avait beaucoup de doutes et du dénigrement. J’ai pour ma part la grande impression de lire des tas de billets qui sont autant de remise à plat sinon de mea-culpa déguisés.

Il reste quand même un doute, cet arrière-goût dont parle Marshall Kirkpatrick. Beaucoup se demandent si l’histoire va repasser les plats et voir les utilisateurs se rebeller et faire reculer Facebook comme avec Beacon. Pour moi, Zuckerberg s’était pris pour Dieu et s’était pris un platane. Aujourd’hui, s’en est terminé des envolées mystiques. Open graph, c’est du business, point/barre.

Je ne dis pas qu’il n’y a pas des problèmes et des risques. Mais il y a les discussions de spécialistes et de militants, et le reste. J’y ai bien réfléchis depuis jeudi et je ne crois pas à une nouvelle rébellion. Le plat n’était pas repassé avec Connect et il ne devrait pas repasser avec Open graph. Beacon changeait les règles du jeu social pour l’utilisateur, qui plus est à une autre époque en terme de masse et de composition de cette masse d’utilisateurs. Open graph ne fait que les étendre, plus donner quelques facultés pratiques déjà défrichées par Connect.

Cela dit, il y a quand même un doute car, entretemps, le débat pour la vie privée est passé du côté des Etats et des institutions. Facebook devra composer avec ça, autant que Google. Comme je le développais jeudi dernier, ils sont tellement mainstream qu’ils posent des questions de bien commun qui vont avec les envies de régulation du moment ou autre débat sur la neutralité.

Maintenant, si on est donc d’accord pour dire que Facebook est le nouveau grand avec un gros potentiel devant lui, est-ce pour autant qu’il « change le web » comme y vont certains, voir qu’il challenge Google avec une disruption du modèle publicitaire ?

Facebook ne change pas le web, il est révélateur du changement du web. Si ce changement, comme certains le pointent, est celui d’un web où énormément d’usages se concentrent sur des plateformes (une en l’espèce), c’est déjà le cas. Vu en terme de trafic et surtout d’attention, la messe est dite. Comme certains l’ont relevé, Facebook, rien qu’en France, rassemble en permanence plus de monde qu’un de ces bon vieux prime-time télévisuels d’antan et concentre plus d’attention en durée que la grand-messe du vingt heure. Quoi qu’on en pense et qu’on en dise, c’est là que ça se passe aujourd’hui. Et ça grandit.
L’évolution du web n’est pas le fruit de la décision d’un Zuckerberg ou de qui que ce soit. Zuckerberg a simplement une belle machine en prise avec la façon dont les gens utilisent le web de plus en plus. Il ne fait que les suivre. Il en a la capacité, à contrario de Google qui ne joue pas ce jeu. Google joue un autre jeu, celui des contenus (et des apps qui s’y ajoutent) et son adversaire s’appelle Apple. Avec Open graph, Facebook montre que Google ne domine pas tout, ce qui enfonce une belle porte ouverte.

Aussi, le modèle publicitaire de Google n’est pas directement concerné. Nous sommes par contre ravi, chez groupeReflect, de voir ces annonces enfoncer le clou de l’économie de l’attention. Nous sommes joyeux et impatients de démontrer à travers elle notre vision que l’attention est le conducteur moderne de la valeur.

Finalement, je n’ai qu’une seule véritable interrogation. Facebook va donc nous permettre de dire « je t’aime » à plein de choses, sans doute à presque tout sur le web bientôt. Et l’on verra si d’autres « aiment » aussi, notamment parmi nos « amis ».
Le petit monde du marketing est tout émoustillé de voir qu’il va pouvoir bénéficier de données inestimables. Oui, comme l’indique Frédéric Lardinois, les métriques vont faire un saut quantique, tout comme ce bon vieux web sémantique dans lequel plus personne ne croyais.Il fallait donc maîtriser l’environnement d’usage d’un demi-milliard d’occidentaux pour le faire…

Aussi, j’aimerai bien savoir ce qu’en pensent les gens du CRM de ces annonces. Car, pour le coup, s’il y a un impact puissant à chercher, il est à mon avis là. Et il est puissant. On n’a pas fini d’en parler.

Cela dit, j’ai donc une interrogation. Celle de savoir quel sens exact va représenter le « j’aime » pour l’utilisateur qui le fait ? C’est à mon avis une question d’importance car elle conditionne la bonne réception du retour et la bonne compréhension des chiffres. On sait déjà que quand quelqu’un dit qu’il « attend » un événement sur Facebook, ce n’est pas pour y participer, c’est pour manifester qu’il trouve ça bien, ou tout simplement pour rester en veille dessus. Il ne faut pas se méprendre. Une bonne partie des fans de certaines pages le sont simplement parce qu’il fallait cela pour participer au concours ! Le nombre de fans d’une page n’a jamais eu la moindre signification profonde.

Je pense donc que, OUI, Open graph, c’est de la balle. Mais comme tous les outils, puisque s’en est un, il n’aura de la valeur que parce que nous saurons lui en donner, et faire en sorte que les « j’aime » et autres fils relationnels que Facebook va nous permettre de construire et exploiter, soient VRAIMENT fructueux et porteur de valeur. C’est pourquoi je crains des désillusions et en même temps de beaux succès pour ceux qui sont prêts à construire.

> Article initialement chez Groupe Reflect

> Illustrations CC Flickr par Balakov et Serif Baykal

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