[ITW] L’apprentissage musical est au bout du clavier

Le 15 septembre 2010

Rencontre avec Stéphane Chauffriat, jeune entrepreneur ayant crée l'imusic-school, une école de musique sur internet dont les premiers résultats et les perspectives semblent intéressants.

Stéphane Chauffriat est un entrepreneur qui a matérialisé une belle idée : proposer aux internautes des cours de musique complets et qualitatifs qui permettent à l’élève de progresser à son rythme grâce à des pointures de chaque instrument. Le concept est devenu réalité grâce à l’imusic-school qu’il a lancée avec deux associés il y a dejà trois ans. Nous l’avons rencontré pour faire un point sur leur business model et pour évoquer le futur de son entreprise, riche en perspective.

Qu’est ce qu’est Imusic-school, comment est né le concept?

Lors d’un enregistrement en studio, mes deux associés, l’un musicien, l’autre, informaticien et musicien, ont échangés sur l’idée d’éventuellement produire des DVD de cours. Le support étant un peu dépassée, ils se sont tournés vers le Net et ont commencé à contacter un ou deux artistes en leur proposant de donner des cours, au culot. Très vite, Jean-Félix Lalane et  Romane ont répondu présent. Fin 2007, une première série de cours, enregistrés avec peu de moyens, a été mis en ligne. En février 2008, ils sont venus frapper à la porte du cabinet de conseil où je travaillais et j’ai tout de suite senti le potentiel du projet et m’y suis consacré.

Quelle est votre angle d’approche ?

L’objectif est vraiment de proposer une vraie école de musique sur internet. Nous avons crée une interface web qui inclue tout ce que nous, musiciens, aurions souhaité avoir pour apprendre la musique il y a dix ou quinze ans, avec des artistes reconnus comme profs, ce qui garanti la qualité des cours. Notre cible est un public d’autodidacte, qui apprend avec des outils limités : nous complétons sa palette avec des partitions, par exemple, et autres outils d’apprentissages offerts par le web.

Pourquoi internet?

Si l’on prend les cours de Lalane ou de Romane, qui sont les plus étoffés, on compte plus de 600 vidéos sur ces cours-là, impossible de faire un DVD avec autant de contenu. De plus, Internet nous permet d’avoir les partitions, de pouvoir faire des gros plans, l’élève est beaucoup plus libre avec le contenu que sur un DVD.

Quels sont les éléments mis en place pour faire passer le visiteur à l’achat?

Nous mettons des démonstrations bien en avant, par niveau, qui sont visibles directement sur les pages artistes : elles présentent l’interface, le programme, éventuellement des partitions, comme celle de Sanseverino qui comprend la grille d’accord.

Que pensez vous apporter de plus que de simples vidéos sur You Tube, comme il en existe une multitude ?

Il n’y a pas la même profondeur et de progression sur les cours (qui sont d’ailleurs souvent des démos) qui sont diffusés par youtube. On y montre souvent un plan, une technique précise mais il n’y a pas de logique d’apprentissage sur la durée. On sait ce qui se trouve sur youtube, on ne fait pas la même chose, tout simplement. Pour un élève avancé, trouver un plan, une vidéo, c’est faisable mais souvent sans partitions et sans réelle qualité de réalisation. Nous tournons avec 3 caméras en parallèle, avec des gros plans main droite / main gauche.

Comment les professeurs ont-il pris la proposition?

Ils trouvent en général l’idée plutôt séduisante. Ceux qui adhèrent sont souvent des gens qui ont envie de transmettre. Ce sont en général des musiciens qui ont un agenda bien rempli et une volonté pédagogique qu’ils comblent en faisant des masterclass et quelques cours mais n’ont pas forcément le temps de transmettre à plus grande échelle. La solution Imusic-school leur permet de rendre leurs activités pédagogique compatible avec leur emploi du temps. En 4, 5 jours en studio, ils se retrouvent avec un contenu extrêmement étoffé à proposer à leurs fans, aux gens qui apprécient leurs style ou façon de jouer.

Quelle est votre plus-value par rapport à un enseignement traditionnel?

Le timing, utiliser un contenu profond et riche sans avoir à se déplacer constituent des arguments essentiels pour la réalité des trains de vie que nous avons aujourd’hui. Suivre un cours régulièrement et tout au long de l’année constitue une réelle contrainte. Le rythme à suivre n’est plus celui du prof mais de l’élève. Sur internet, on peut faire répéter le prof quand en vrai, c’est souvent mal perçu.

Les professeurs ne sont-ils pas déçus de ne pas pouvoir échanger avec leurs élèves?

Non, en général, les professeurs sont très à l’aise devant les caméras, certains sont extrêmement humains. Le cours de Romane par exemple est très détendu, c’est du manouche et il réussit parfaitement à transmettre l’âme du style auquel il forme. L’esprit du style est porté par le prof on a eu la chance d’avoir des élèves qui disent que finalement, ils ont l’impression d’être avec le prof. Le lien sur la durée sur la vidéo fait parfaitement son effet.

Comment sont-ils payés?

Ils sont payés avec un système de royalties. Un élève reste chez nous en moyenne 6 mois. En abonnement payant c’est très correct et ces chiffres ont plutôt tendance à augmenter. La fréquence d’usage est d’environ 2 à 3 fois par semaine et cela correspond à peut prêt à nos intentions de production. Certaines personnes qui nous on suivi en sont à deux ans de cours. Jusqu’à aujourd’hui, avec des moyens de communication très limités on a réussi à accumuler environ 3000 élèves.

Rencontrez-vous parfois vos élèves?

On les a rencontré il y a deux ans au salon de la musique. En 2008, on était exposants donc on en a rencontré certains. On a pu échanger sur ce qu’ils pensaient des cours, c’était assez sympa de le faire et cette année ça recommence avec des artistes en showcase aussi pour qu’ils rencontrent leurs élèves.

Pas d’évènements organisés par l’imusic-school?

On imagine une session de concerts, un évènement où les élèves puissent rencontrer leurs professeurs mais ça n’est pas encore organisé.

Avez vous des projets IRL pour cette “school” ? Si oui, quels sont-ils ?

Distribuer les cours offline oui. Travailler avec des écoles physiques oui. Si on prend l’exemple de Romane, il ouvre une école de musique vers St Ouen, tous ses élèves ont les cours de l’I-music school comme support. Il se sert donc de ces cours comme outils pédagogiques. C’est quelque chose que l’on aimerait proposer plus régulièrement à terme. A Bastia, non, nous sommes plus une start-up qu’une école de musique.

Quelle est votre plus-value par rapport à un enseignement traditionnel?

On veux rester attractifs au niveau du coût. Le cours aujourd’hui est entre 9€ et 20€ et c’est viable. On a pas la volonté d’aller plus haut. On travaille plutôt sur une logique où les cours à 20€ sont enrichis avec plus de fonctions, plus de contenus que ceux à 9€ (playback pour les élèves…).

Prévoyez-vous d’élargir l’offre à de nouveaux instruments?

Oui. Pour l’instant on a guitare, basse, batterie et Deejaying. On va certainement enregistrer très prochainement des cours de saxophone. Un cours d’harmonica sera disponible fin Octobre avec un professeurs hors-norme (Charly Mc Coy). Il est évident qu’il va falloir qu’on sorte des cours de piano, la demande est là, il va falloir qu’on fasse ça assez vite.

Fédérez-vous des contenus externes?

Ca pourrait se faire mais il faudrait qu’il y ait un sens pédagogique. On pourrait reprendre certaines vidéos d’artistes, les travailler mais on ne va pas le faire pour le faire. Ca dépendrai vraiment de la qualité de ce qui est proposé. Aujourd’hui il n’y a pas d’à priori mais il n’y a pas de vraies raisons de le faire. Nous sommes producteurs de contenu, on le ferait plus de façon événementielle.

Est-ce que vous publiez certains de vos contenus sur youtube, site en creative commons, dailymotion pour teaser les gens et les diriger vers votre site?

On le fait de temps en temps mais il faut qu’on fasse attention à notre modèle économique, on ne peux pas faire tout et n’importe quoi. Nos cours sont séquensés de manière pédagogique, si je mets une vidéo sur youtube d’un plan qui dure une minute trente, ça n’a pas de sens, ça donnerait un vision assez réductrice de ce que l’on fait sachant qu’il manquera les supports, playbacks et partitions. Sur le site, il y a normalement trois cours par prof qui sont donnés en entier.

Est-il possible de prendre des cours en temps réel?

Peut-être des évènements spéciaux, des master class en direct avec certains professeurs. Profiter des séances d’enregistrement pour organiser un évènement.

L’élève peut-il contacter le professeur?

L’artiste directement non. On a parfois fait suivre des mails, un arrangement qu’un élève a fait qu’on a trouvé sympa. Si un élève rencontre un problème particulier, nous avons des équipes en interne. Une équipe pédagogique qui peux répondre aux éventuelles difficultés d’ordre musical, sur les cours en tant que tels et une équipe qui répond  aux problème d’ordres techniques. La hotline pédagogique est disponible soit par Skype, soit par e-mail.

Qu’en est-il de votre présence sur les réseaux sociaux?

On réactive tout cette semaine. Nouvelle page facebook, twitter on s’y met. Il faut qu’on travaille bien sur les contenus qu’on y diffuse pour qu’ils soient sympa et attrayants. En effet, c’est le meilleur moyen de générer du trafic chez nous. On a des contenus sympa, de super bêtisiers, beaucoup de contenus qu’on a pas encore diffusé. Facebook et twitter seront intégrés au site d’ici la fin de semaine.

Quelle est votre position par rapport à Hadopi?

Cela ne nous concerne pas. En tant que musicien, je pense qu’on peut très bien vivre avec internet et laisser Hadopi où elle est. L’économie de la musique change. Les musiciens trouvent d’autres moyens de gagner leur vie. Nous sommes par exemple une nouvelle forme de revenu. Nous sommes sur un segment différent mais nous générons des revenus complémentaires pour les artistes qui se font clairement plus d’argent avec nous que sur un disque. Financièrement parlant, il vaut mieux pour un artiste qu’un élève signe chez nous plutôt qu’il achète un album et il y a de fortes chances qu’un élève achète l’album par la suite.

Crédits photos CC flickr : doug88888 ; hugochisholm ; rickharris

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