La police : victime collatérale des coupes budgétaires

Le 22 novembre 2010

Priorité affichée du président Sarkozy, la sécurité souffre, selon le spécialiste de la question au PS, de la même déconsidération que les autres services publiques et notamment d'un manque d'effectif critique.

Jean-Jacques Urvoas, député PS du Finistère et secrétaire national chargé de la sécurité, a récemment publié un réquisitoire au titre évocateur Le baiser de Judas, ou comment Nicolas Sarkozy abîme la police républicaine. C’est à la suite de cette parution que nous avons décidé de le rencontrer. Cette rencontre va donner lieu à la publication de plusieurs notes sur ce blog.

La lutte contre l’insécurité est la priorité affichée par Nicolas Sarkozy depuis 2002. « Nous allons gagner la guerre contre l’insécurité » déclarait en juin 2002 le Ministre de l’Intérieur. Des déclarations de guerre maintes fois réitérée depuis. Face à tant de détermination, qui pourrait croire que les troupes censées livrer cette bataille souffrent dans le même temps d’un manque criant de considération. Il faut pourtant se rendre à l’évidence : non seulement Nicolas Sarkozy n’aura pas su résister aux inerties dictées par l’habitude, mais plus grave encore, il aura fait subir à l’institution policière la douloureuse contradiction d’un discours politique présomptueux accompagné de moyens toujours plus modestes.

Un plan de recrutement rayée du programme pour cause de coupes budgétaires

La Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP) n’a épargné aucune administration. Pourquoi aurait elle épargné la police et la gendarmerie ? Revenons un instant sur le pacte signé entre Nicolas Sarkozy et la police en juin 2004. Ce protocole d’accord, nommé « Corps et carrières », entérine 2 grandes orientations : « le recrutement conséquent de gradés et de gardiens ainsi que la déflation des corps de conception, de directions et de commandement » pour une police républicaine, déjà à l’époque, à bout de souffle.

Or, non seulement la RGPP viendra balayer d’un revers de main le plan « corps et carrières » de 2004 (10 000 postes supprimés d’ici 2012) mais des moyens accrus seront accordés aux directions générales au détriment des forces de l’ordre présentes sur le terrain. Et comme le rappelle Guy Geoffroy dans son avis sur la sécurité dans le cadre du projet de loi de finance 2010, cette réduction d’effectifs et des moyens policiers se fera en dépit de nouvelles missions qui lui sont affectées, « guerre déclarée à la délinquance » oblige.

Les gardes statiques (ou les tâches indues) sont des « tâches lourdes qui ne relèvent pas de la mission de la police Républicaine mais qui pèse d’un poids excessif sur son activité » comme l’explique le député du Finistère. Elles se déclinent en 3 catégories :

  1. La surveillance des lieux public
  2. L’assistance apportée à la justice (escortes de détenus)
  3. La protection des « personnalités de la République » dont les plus éminentes bénéficient déjà d’une protection personnelle allouée à vie.

Dans les rares cas ou ces prestations policières sont indemnisées par le Ministère donneur d’ordre, ces prise en charge ne donnent jamais lieu à la création de postes permettant de compenser les ressources consacrées à ces tâches indues. Cette amputation des moyens policiers est ancienne et connue. Mais sur ce sujet comme sur tant d’autres, la rupture n’a pas eu lieu : le confort de l’habitude l’emporteront sur le volontarisme affiché.

Le 93, déserté en dehors des « opérations coups de poing »

Existe-t-il une adéquation entre le déploiement des effectifs de police et le taux de délinquance constaté par zone géographique ? Selon Jean-Jacques Urvoas, cette adéquation ne se vérifie pas dans les faits. En isolant les chiffres des atteintes volontaires à l’intégrité physique ; le député constate que les 10 départements (hors Région Parisienne) concentrant près de 50% de ces actes de violence, ne peuvent compter que sur 35% des effectifs nationaux.

Plus marquant encore, le secrétaire national compare les taux d’atteinte aux personnes des départements des Hauts de Seine et de Seine Saint-Denis. Dans le premier, le taux est de 8,9%, dans le second de 19,2%. Or, les deux départements se sont vus attribuer le même nombre de policiers. Et si on se concentre sur les villes: Saint Denis, Saint Ouen, Aubervilliers et La Courneuve (dont le nombre de crimes et délits par an en moyenne pour 1000 habitants est 2 à 3 fois supérieur à la moyenne nationale) ne peuvent que constater une désertion des forces de l’ordre, entre deux actions « coup de poing » aussi spectaculaires que vaines.

Manque de considération, d’effectifs et de moyens : la pilule est amère et le grand écart difficile à tenir sur la durée pour les policiers, comme pour le chef d’état. Lors du récent mouvement social, on a vu des agents dans les cortèges. La frustration se ressent et même s’exprime dans les rangs de la police. Et pourtant… les critiques publiques des syndicats sont rares et mesurées.

Et pourtant… le dialogue social n’est pas rompu et le pacte entre « le premier flic de France » et les forces de l’ordre tient encore. Au prix de quelques ajustements financiers. Une revalorisation opportune et, certes, bienvenue  pour ces policiers éprouvés, mais qui n’apporte aucune réponse au besoin impérieux de réinvestir les territoires et ne règle en rien l’insoutenable contradiction entre discours et moyens en matière de sécurité publique.

Billet initialement publié sur Zeyes needs the blog sous le titre JJ Urvoas : “La police et la gendarmerie nationale sont les bonnes à tout faire de la République”.

Photo FlickR CC Antoine Walter ; Saly Bechsin ; David Foucher.

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