[MAJ] Enlarge my Patriot Act

Le 8 février 2011

Pendant que nos parlementaires votent définitivement la Loppsi 2, le Congrès américain s'apprête à reconduire le Patriot Act. Qui fait toujours la part belle à la surveillance d'Internet.

MàJ du mercredi 9 février: Alors que l’extension du Patriot Act semblait actée, un attelage inattendu composée de Démocrates et de membres du Tea Party a fait basculer le vote. A 277 voix pour et 148 contre, le Patriot Act n’est – pas encore – reconduit, pour 7 voix.

A la fin du mois, le Patriot Act arrivera à expiration outre-Atlantique. Et mardi 8 février, pendant que nos parlementaires entérineront le vote de la Loppsi 2, le Congrès américain planchera sur une nouvelle version “étendue” de la loi anti-terroriste controversée, de la même manière qu’on prolonge l’état d’urgence d’une année sur l’autre. Loi d’exception votée juste après les attentats du 11 septembre, le USA Patriot Act (son sigle officiel, pour Uniting and Strengthening America by Providing Appropriate Tools Required to Intercept and Obstruct Terrorism Act) a considérablement renforcé le pouvoir des agences de renseignement américaines, leur octroyant des prérogatives qui, dans bien des cas, ne nécessitent pas l’aval d’une autorité judiciaire compétente.

Le but? Laisser les mains libres à la CIA, au FBI, à la NSA et à leurs déclinaisons pour prévenir tout risque menaçant la “sécurité nationale”. Outre les perquisistions in abstentia ou les entraves au premier amendement – la sacro-sainte liberté d’expression anglo-saxonne -, on peut citer l’exemple des 50.000 National Security Letters envoyées chaque année par les agents fédéraux aux fournisseurs d’accès à Internet. Dans celles-ci, ils réclament de manière confidentielle des informations relatives à leurs utilisateurs, sans que ceux-si en soit avisés.

Depuis sa mise en place, le Patriot Act n’a pas seulement agité les associations de défense de la vie privée ou ceux que Fox News appelle péjorativement les “socialistes”. Il a également rassemblé contre lui des politiciens de tous bords, libéraux comme conservateurs, tant et si bien que certaines communes ont purement et simplement refusé de l’appliquer. Et depuis plus de six ans, des juges contestent sa constitutionnalité.

40 minutes de débats

Pourtant, le Congrès, qui va se réunir dans les jours qui viennent pour discuter d’un texte modernisé, va probablement voter de nouvelles dispositions à la marge (celle qui fâche) et par la voie rapide. Hormis la collecte d’informations bancaires ou téléphoniques sans le consentement des personnes ciblées, la nouvelle cuvée du Patriot Act prévoit notamment l’institutionnalisation de la surveillance d’Internet, en autorisant le gouvernement à espionner les ordinateurs “susceptibles d’être utilisés occasionnellement par des terroristes présumés”. En soi, ce n’est pas vraiment une surprise, les mouchards existent déjà: le FBI a récemment rendu visite à Facebook dans ses bureaux de Palo Alto pour évoquer la création de backdoors, et la NSA travaille main dans la main avec Google depuis l’incident impliquant la firme de Mountain View et la Chine.

Plus surprenant est le consensus qui accompagne le vote de ces nouvelles dispositions, qui pourraient entrer en vigueur jusqu’en décembre 2013. Celles-ci seront ainsi votées selon la procédure dite de la “Suspension of the rules”, un particularisme américain qui prévoit quarante petites minutes de débat et n’offre aucune possibilité d’introduire des amendements, preuve de l’assentiment des Républicains comme des Démocrates. Tandis que des personnalités sensibles aux enjeux du numérique comme Susan Crawford, ancienne conseillère en innovation de Barack Obama, cherchent à se prémunir contre “la militarisation du web”, il semblerait que la classe politique américaine voit dans le Net le prochain champ de bataille du renseignement.

Droit de regard judiciaire

Sur son site, le sénateur démocrate du Vermont, Patrick Leahy (par ailleurs président de la Commission judiciaire) défend ces recommandations et insiste sur l’accord “bipartisan” autour de celles-ci:

[Le Patriot Act] défendra la transparence et étendra les garde-fous concernant la vie privée et les libertés civiles. Il renforce le pouvoir judiciaire sur les capacités de surveillance du gouvernement qui capturent des informations sur les Américains. Ceci est un lot de réformes que tous nos concitoyens devraient supporter.

Si le texte prévoit un droit de regard plus important du système judiciaire sur les autorités, en relevant les conditions d’une écoute téléphonique par exemple, il n’en inquiète pas moins les défenseurs des libertés individuelles. “Si cette nouvelle version introduit des changements importants qui permettent de mieux contrôler le pouvoir du Patriot Act, elle ne remet malheureusement pas en question certaines dispositions dangereuses”, regrette Michelle Richardson, conseillère juridique de l’Union américaine des libertés civiles (ACLU).

Tandis que l’Exécutif américain continue de réfléchir à la création d’un “bouton” qui permettrait au président Obama d’éteindre Internet, les États-Unis persistent dans une voie sensiblement différente du filtrage: le contrôle. Comme tout État qui utilise des technologies DPI, la question est de savoir si une telle surveillance est passive ou active, s’il s’agit d’un simple poste d’observation ou de la rampe de lancement de patrouilles dédiées à l’interception.

Si ce point reste à clarifier (il faudrait pour cela acter la création d’une doctrine offensive en matière de cybersécurité), l’appareil judiciaire et l’intelligence se sont d’ores et déjà rangés du côté de Capitol Hill: le ministre de la Justice Eric Holder et le directeur du renseignement Eric Clapper ont appelé les élus à renouveler le bail du Patriot Act dans une lettre aux élus.


Illustrations CC FlickR: Ownipics, D.C. Atty

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