Mobilité partagée : en route pour l’âge de l’accès !

Le 21 juin 2011

Vélib, autopartage, covoiturage, les nouveaux modes de transport se développent, au nez et à la barbe des traditions de consommation. Le concept de propriété se démoderait-il au profit du partage ?

Il y a dix ans était publié L’âge de l’accès de Jérémie Rifkin, dans lequel l’auteur américain annonçait l’arrivée imminente d’un nouvel âge du capitalisme et d’une société fondée sur l’accès aux biens :

Le rôle de la propriété est en train de subir une transformation radicale. Les conséquences de cette révolution sont d’une portée fondamentales pour notre société. […] D’ici à 25 ans, l’idée même de propriété paraîtra singulièrement limitée, voire complètement démodée. […] C’est de l’accès, plus que de la propriété, que dépendra désormais notre statut social.

Dix ans après, cette prophétie semble se concrétiser : les premiers signes sont en tout cas suffisamment révélateurs pour que d’autres éditorialistes et auteurs de renom reprennent aujourd’hui cette prophétie à leur compte. « Un jour, nous regarderons le XXème siècle et nous nous demanderons pourquoi nous possédions autant de choses » affirmait ainsi récemment Bryan Walsh dans TIME Magazine qui consacrait  la Consommation Collaborative comme l’une des dix idées amenées à changer le monde. Pour Lisa Gansky, auteur de The Mesh, « nous nous dirigeons vers une économie où l’accès aux biens s’impose sur leur possession ». Cette économie est-elle vraiment sur le point d’émerger ? Voici une manifestation emblématique d’un mouvement qui s’accélère depuis quelques mois.

Symbole de ce mouvement : la mobilité partagée

Parmi les statistiques les plus marquantes de cette nouvelle économie, la mobilité tient le haut du pavé. Les systèmes de vélo partagé drainent ainsi plus de 2,2 millions de trajets chaque mois dans le monde. A Hangzou (en Chine), la plus grosse communauté de bike-sharing au monde, ce sont plus de 240.000 trajets qui sont effectués chaque jour grâce aux 50.000 vélos (soit le double du Vélib’ à Paris) et aux 2.000 stations disponibles.

Le vélo partagé est aujourd’hui la forme de transport  qui connaît la plus forte croissance dans le monde et la voiture partagée devrait rapidement lui emboîter le pas. La voiture cristallise en effet les critiques du consumérisme et de notre mode de vie non durable. La génération des 20-30 ans, aussi appelée Y, est semble-t-il en train de se détacher à une vitesse insoupçonnée de l’objet voiture, ce qui n’est pas pour plaire aux premiers concernés, les constructeurs automobiles, nous dit John Elkington dans Le Guardian.

Ce qui effraie véritablement l’industrie automobile est le fait que les jeunes se mettent à envisager différemment la possession d’une voiture. Au contraire des générations précédentes, pour lesquelles posséder une voiture était un signe d’indépendance, de succès, les jeunes sont aujourd’hui considérablement moins enclins à posséder leur propre voiture.

Un rapport récent du GWL Realty Advisors sur les facteurs de l’habitat urbain au XXIème siècle notait ainsi :

De plus en plus d’études montrent que les jeunes générations ont un rapport différent à l’automobile, qui n’est plus vue comme vecteur de liberté. Au lieu de cela, les technologies numériques portables – qu’il s’agisse de smartphones, d’ordinateur portable, ou MP3, etc -leur fournissent un moyen alternatif d’expression personnelle les rendant libres de faire ce que bon leur semblent… Il apparaît que les jeunes générations trouvent moins d’intérêt à la voiture, s’installer dans des villes bien desservies et adaptées aux piétons correspondant à leurs styles de vie naturels.

Le développement de l’auto-partage

Conséquences de ce nouveau rapport à la voiture, les formes de partages de la voiture se développent et se démocratisent. Le secteur de l’autopartage pourrait toucher 5,5 millions de personnes en Europe d’ici 2015, d’après des estimations. En France, le covoiturage sur les longs trajets fait de plus en plus d’adeptes, au point que les réseaux autoroutiers vont créer prochainement des aires de stationnement spécialement dédiées. Covoiturage.fr, le leader français du covoiturage compte désormais plus de 1 million d’utilisateurs, dont 600.000 nouveaux inscrits au cours des douze derniers mois. Un chiffre très loin du potentiel selon Frédéric Mazzella, fondateur de Covoiturage.fr, interrogé par Le Parisien :

Un million d’utilisateurs, c’est très peu par rapport à leur nombre potentiel. Je suis convaincu que nous pouvons passer en quelques années la barre des 5, voire des 10 millions de membres.

Un optimisme confirmé par plusieurs études, notamment une étude réalisée par TNS Sofres pour le groupe Chronos sur les transports du futur tels que perçus par les consommateurs : le covoiturage arrive en première place devant les transports publics, l’autopartage et le vélo, la voiture personnelle fermant la marche.

Autre enseignement de cet étude : pour 51% des Français, l’essentiel des déplacements en 2030 se fera dans des véhicules partagés.

La location de voitures entre particuliers est sans conteste le secteur le plus disruptif de cette nouvelle forme de mobilité partagée et pourrait rapidement devenir l’illustration la plus notable de ce mouvement. Aux États-Unis, le pionnier RelayRides a récemment reçu un investissement de plus de cinq millions de dollars de la part de Google tandis que GetAround, son concurrent principal remportait il y a quelques semaines un concours majeur des startups les plus prometteuses, le TechCrunch Disrupt. En France, six acteurs se sont déjà positionnés sur le marché de la location de voitures entre particuliers (soit le record mondial) :

  • Zilok (qui propose déjà 2500 voitures à la location : interview de leur CTO Marc Lebel ici)
  • Voiturelib (qui annonce un volume d’affaires de 250 000 € depuis son lancement, je vous renvoie à l’interview du fondateur Paulin Dementhon que j’avais réalisée)
  • Deways (“kickstarté” par Alexandre Grandremy et Gary Cohen, voici leur interview)
  • Livop (mené à vitesse grand V par Kieran Connolly, interview ici)
  • Cityzencar (dont l’approche est très prometteuse, l’interview d’un des co-fondateurs David Laval date un peu ; en attendant d’en réaliser une nouvelle, vous pouvez consulter cette excellente présentation qu’a réalisé Nicolas Le Douarec, l’un des autres co-fondateurs, sur l’émergence de la société collaborative)
  • et le dernier arrivé Buzzcar, avec à sa tête Robin Chase (fondatrice et ex-CEO de Zipcar, leader mondial de l’autopartage et citée parmi les 100 personnalités les plus influentes par le TIME en 2009). Elle expliquait récemment lors d’un évènement à La Cantine consacré à l’économie du partage (merci à Innov’in the City pour le compte-rendu) :

Dans les grandes villes, l’idée de l’auto-partage doit devenir une évidence pour tous [...] La surcapacité et la surpopulation de voitures dans les villes rendent impérative l’idée d’auto-partage entre particuliers. Même les petites entreprises avec des petites flottes de voiture peuvent mettre leurs véhicules à disposition.

Quel sera le futur de la mobilité et comment les constructeurs répondront à ce mouvement qui semble maintenant enclenché ? Nous en saurons plus bientôt.


Article initialement publié sur le blog Consommation Collaborative

Photos flickr PaternitéPartage selon les Conditions Initiales richardmasoner Paternité shinya et Paternitéprettywarstl

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