OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 DJ en 2011 : pour le pire ou le meilleur ? http://owni.fr/2011/04/19/dj-en-2011-pour-le-pire-ou-le-meilleur/ http://owni.fr/2011/04/19/dj-en-2011-pour-le-pire-ou-le-meilleur/#comments Tue, 19 Apr 2011 08:00:45 +0000 Florian Pittion-Rossillon http://owni.fr/?p=31565 Tout est devenu digital, le monde et ses plaisirs. Parmi les conséquences : la numérisation de l’exécution lors des représentations publiques, qui a particulièrement touché la musique électronique festive. Car s’il reste que le DJ mixe toujours (et au moins) deux morceaux ensemble, tout le reste a basculé dans une incertitude que troublent à peine les éclairs de félicité surgissant encore des dancefloors. Puisque tout le monde peut se payer un laptop pour venir cliquer la souris sur scène, quel travail reste-t-il au DJ pour que celui-ci incarne autre chose que l’opérateur humain d’un juke-box à puce ?

Pendant longtemps, le DJ dans sa version moderne – mixant les morceaux qu’il passait – manipulait exclusivement des vinyles. La musique étant reproduite physiquement dans le sillon du plastique. Puis ces morceaux sont devenus des fichiers numérisés. Les platines CD sont apparues, et ensuite des logiciels intégrant lesdites platines dans des laptops : les supports de mix sont devenus digitaux à leur tour. Et Panasonic a annoncé l’arrêt de la fabrication des platines Technics SL1200 MKII, un peu comme si Fender arrêtait la Stratocaster.

Jeff Mills est un des pionniers du DJing techno, toujours en avance sur son temps. La preuve, il s'apprête ici à poser un CD sur une platine vinyle.

DJ Virtuel

La musique et les outils nécessaires à l’exécution des mix ont été dématérialisés. Reste à savoir si l’intérêt des DJ est également devenu virtuel.

Lors, ci-dessous la mise bout à bout des conséquences négatives de la digitalisation de toute la chaîne de la musique électronique, sorte de pizza du pire, tout devient sombre. Bien des contre-exemples individuels pourront démentir ce Nutella saumâtre, mais au niveau macro, faut bien bouffer cette mauvaise tartine, en commençant par le croûton de son début.

La sortie digitale tend à devenir un passage obligé vite expédié, histoire d’aller gonfler vite fait la partie « Production » des argus promos sur les DJ.

Puisque par exemple la digitalisation des labels et la quasi-disparition de la contrainte de rentabilité ont annihilé leur rôle de filtre légitimé par une direction artistique sélective. Le « maxi », dit aussi « EP », a disparu. Maintenant les DJ se font des compilations par producteur et/ou par genre. Et la fin de la rareté du support musical a atténué le désir des DJ à l’encontre de la musique. Moins de désir donc moins de plaisir dans ce qui était un de leurs points forts : leur capacité à dénicher le vinyle rare (quitte à le payer très cher). Surtout quand la sortie digitale tend à devenir un passage obligé vite expédié, histoire d’aller gonfler vite fait la partie « Production » des argus promos sur les DJ.

Dans ce bouquet de fibre optique sont stockés plusieurs millions de morceaux de musique. Pratique pour le rangement quand on a un petit appartement.

Côté morceaux, et donc fichiers MP3 et la brutale baisse de qualité du signal musical que ce format induit… Le constat s’impose de la diminution du rapport intime avec une musique qui n’est jamais meilleure que lorsqu’elle est ressentie physiquement. Au rayon romantisme : faire l’amour avec le son ? Le grain du vinyle permet la copulation avec des créatures fantasmatiques s’incarnant le temps d’une ronde.

Vulves de porn-stars

Le MP3 de mauvaise qualité facilite, lui, le petit coup vite fait avec des poupées gonflables sans que leurs vulves fussent même moulées sur celles de porn-stars hongroises. Entre les deux, le wav (= signal numérique audio non compressé), perd en profondeur ce qu’il gagne en efficacité frontale. Le son vinyle, on y rentre, quand le son wav relève d’une claque à main plate.

Claques qui se multiplient du fait de l’augmentation de la proportion d’outils de mix digitaux. Car aujourd’hui, pour mixer, un DJ dispose de (liste non exhaustive) :

-          Platines vinyles

-          Platines CD

-          Platines à clé USB ou carte mémoire

-          Serato (logiciel)

-          Traktor (logiciel)

La micro-agitation autour d’une configuration souris-laptop.

Le support change, la prestation évolue. Et la représentation du DJ par le grand public s’en trouve troublée. Pendant longtemps, elle était surtout faite d’images venues du hip-hop et de ses DJ aux performances idéales pour un bon relais en médias : courtes, cherchant le spectaculaire, motivées par la compétition, débouchant sur l’épate. Mais cela était exécuté sur la même configuration technique (deux platines vinyle et une table de mixage au centre) que celle utilisée par le DJ techno, qui pouvait donc expliquer son art à mamie pendant le déjeuner du dimanche en convoquant cette similarité des outils.

Deux platines et une table de mixage : pour être DJ aujourd'hui, une expérience significative à la NASA est requise (photo prise sur le Mix Move 2011).

Aujourd’hui une part croissante des DJ a la même gestuelle que les livers, à savoir la micro-agitation autour d’une configuration souris-laptop. C’est la confusion. D’autant que du côté des DJ qui restent sur une configuration avec platines, force est de constater que celles-ci deviennent de plus en plus des contrôleurs d’effets, de même que les tables de mixage. Le mix se rapproche du live. A part les spécialistes, personne ne sait plus ce que fait un DJ techno. Et ce qu’il doit faire ?

Tradition du DJ shaman

Car qu’attend-on d’un DJ techno en termes de – attention mot qui fâche – prestation globale ? Comment exprimer cela, particulièrement en France, pays où la très 90’s tradition du DJ-shaman (comprendre : un être quasi-invisible emprunt de modestie cosmique et fuyant les regards) a laissé une empreinte forte sur les droits et devoirs des DJ ? Ceux-ci sont chez nous encore très contraints à être low-profile sous peine de se prendre un procès pour star-attitude. Précision : ne sont pas soumis à cette analyse les objets marketing Guetta-Sinclar-Pedro Winter et tous leurs clones, stars avant d’être DJ.

Dans certains milieux, le DJ est toujours considéré (comme dans les années 90) comme un guide, un être de lumière, un magicien des sons et des sens. Et quelques DJ le croient eux-même, d'où des accoutrements.

Si dans la techno, tout vient du dancefloor, et si celui-ci est la vraie star d’un évènement festif, reste que ladite star doit se faire manier les organes pour arriver à son pic orgasmique. Le DJ en tant que bateleur maître de l’ambiance festive, c’est quoi pour qui ?

Que Ritchie Hawtin fasse tressauter sa nouvelle mèche blonde pendant son set et c’est l’extase de masse.

Finalement, cette affaire de digitalisation de toute la chaîne musicale refondant le principe du mix provoque une évolution des attentes du public. Puisqu’enchaîner des morceaux est devenu plus simple grâce aux nouveaux artifices technologiques, alors la charge de la prestation glisse vers un show aux codes restants à fixer. Faire de la masse disparate du dancefloor en début de soirée une star gémissante sous les pratiques de DJ-maestro passera par des voies nombreuses.

A commencer par le renforcement de l’intérêt porté à la présence physique des DJ. De là, le mouvement corporel, intégrant la contrainte d’avoir à rester derrière les platines, prend une importance allant croissante.

Côté techno d’esthète : que Ritchie Hawtin fasse tressauter sa nouvelle mèche blonde pendant son set et c’est l’extase de masse. Voir ci-dessous.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

De l’autre côté du spectre, côté hardcore enflammé : Partyraiser s’empare des instruments dans une gestuelle sans économie. Extase de masse itou. Voir ci-dessous.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

La techno peut finalement être gré à la digitalisation que celle-ci fasse mûrir ce paramètre longtemps minoré de la légende des DJ : l’attitude. Car du côté dancefloor, côté public donc, s’agglomèrent des représentations puisant dans l’effet d’aura du DJ, une aura nourrie de mythes déformés, de perceptions altérées, de légendes détournées. Pour bien jouir, un dancefloor veut vivre la magie, et celle-ci commence par la félicité visuelle.

Dimension charnelle

Puisque les DJ ont maintenant un corps, reste aux dancefloors le choix de déterminer avec lequel ils veulent se frotter.

La digitalisation, révélatrice de la dimension charnelle de la techno : voilà un paradoxe annonçant une bonne nouvelle au bout du tunnel des catastrophes numériques.

Party tiiiiiiiiiiiiiime !

Crédits photos : Mahadewa, Von Boot, N. Lepavec, Eline Soumeru, rofi

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Tommy Vaudecrane : activiste multi-tâches http://owni.fr/2011/03/15/tommy-vaudecrane-activiste-multi-taches/ http://owni.fr/2011/03/15/tommy-vaudecrane-activiste-multi-taches/#comments Tue, 15 Mar 2011 13:32:27 +0000 Florian Pittion-Rossillon http://owni.fr/?p=31154 La France a toujours été un marché difficile a exploiter pour les acteurs associatifs ou professionnels positionnés sur les musiques électroniques festives. De circulaires ministérielles en pressions informelles, les institutions ont souvent privilégié la répression aveugle sous des motifs divers. Résultat, en 2011 (comme en 1968) la France s’ennuie et les publics festifs de toutes les générations vont festoyer à l’étranger. Mais, à l’heure où la musique électronique est, chez nos voisins proches, une industrie culturelle florissante, et quand cette même musique est le moteur d’une culture de masse, les freins traditionnels commencent à être sérieusement remis en cause.

Technopol, association dédiée au développement des cultures électroniques festives, occupe dans les débats sur la possibilité d’une nuit festive en France une place de choix. C’est un think tank voué à l’action grâce à ses adhérents et son conseil d’administration, aussi bien qu’un organisateur d’évènements. En effet, Technopol a créé et produit rien moins que le plus gros évènement culturel de rue dans Paris intra-muros (après la Fête de la Musique) : la Techno Parade. Réflexion, action, expérience et vision : Technopol se trouve naturellement au cœur de nombre de projets visant à donner aux musiques électroniques festives, enfin, le niveau qu’elles méritent d’avoir en France.

Tommy Vaudecrane, Président de Technopol, rappelle qu’en France, musiques électroniques festives riment d’abord avec engagement. Un engagement dont Henri Maurel, grande figure de la culture electro récemment disparue et jusque là co-Président de Technopol, avait fait la preuve à de nombreuses reprises. Avant de commencer l’interview, Tommy lui rend hommage.

“Cette interview est un échange entre Florian/DJ Speedloader et moi depuis début Décembre 2010. Entre le début et la finalisation de celui-ci, une tragédie à frappé de plein fouet l’association Technopol : la disparition de mon Co-Président, Henri Maurel, également l’un des fondateurs de Technopol en 1996 et l’un des créateurs de la Techno Parade en 1998. C’est avec une très grande peine que nous faisons face à ce moment difficile mais c’est aussi avec une conviction encore plus forte et une détermination encore plus grande que l’association mènera à bien l’ensemble des projets pour lesquels nous avons été élus Henri et moi et que nous portions depuis Juin 2010.

Paix à ton âme Henri et sois-en sûr, nous continuerons le combat !” (Tommy Vaudecrane, mars 2011)

Depuis juin 2010 tu partageais la présidence de Technopol avec Henri Maurel. Cela fait presque 15 ans que cette association est au cœur des nuits françaises, pourtant son rôle reste mal connu. Pourquoi Technopol a-t-il été créé à l’époque et quelles sont ses missions actuelles ?

En fait, en 2011 Technopol soufflera ses 15 bougies mais nous pleurons aussi la perte d’un être qui nous était cher et qui a été un moteur pour l’association et les cultures électroniques depuis plus de 20 ans : Henri Maurel. L’association Technopol a été créée en 1996 par les acteurs historiques des musiques électroniques, dont Henri, qui subissaient une répression politique forte et organisée (circulaire Pasqua de 1995) aussi bien sur les soirées payantes que les free party. Un lobby gouvernemental a été mis en place afin de faire reconnaître les musiques électroniques et c’est en 1998, suite à la publication d’une circulaire interministérielle (Culture, Intérieur & Défense) reconnaissant l’aspect culturel de la musique électronique, que la Techno Parade a été créée afin d’offrir une manifestation festive qui est devenue en 12 ans le plus grand dancefloor à ciel ouvert de France, le temps d’une journée !

Aujourd’hui la nouvelle équipe élue en Juin 2010 travaille sur de nombreux nouveaux chantiers pour continuer d’accompagner les acteurs de la scène dans leur professionnalisation et de défendre les acteurs qui ont encore, aujourd’hui, besoin de nous.

Ces derniers mois on constate un fort retour en arrière et de nombreuses interdiction abusives de soirées électroniques, mêmes légales, dans les différentes régions où le triptyque : Mairie, Gendarmerie, Préfecture fonctionne à merveille !

Est-ce que cela veut dire que, pour la techno comme pour beaucoup de choses en France, rien ne peut être fait sans un étroit contrôle de l’administration ? Est-ce à dire que la création et l’expression culturelle sont subordonnées au bon vouloir du Prince ?

Oui tout à fait, un étroit contrôle, des connivences politiques et une acceptation institutionnelle… Parfois on a l’impression que tout ceci est de la poudre aux yeux. On rencontre les autorités, on a l’impression d’avancer et on se rend compte, qu’autour de nous en fait rien n’avance, voire on ressent une certaine régression… D’un côté une volonté d’expression culturelle soutenue par le Ministère, les DRAC et autre et puis une fermeture quasi totale de la part des Mairies, Gendarmeries et autres Préfectures. Un jeu vicieux est joué à coups de pressions téléphoniques, d’invitation à reconsidérer tel ou tel événement sous prétexte d’ordre public, de drogues et autres raisons fallacieuses jouant sur les peurs basiques auprès de gens ignorants.

D’ailleurs, ces derniers mois on constate un fort retour en arrière et de nombreuses interdiction abusives de soirées électroniques, mêmes légales, dans les différentes régions où le triptyque : Mairie, Gendarmerie, Préfecture fonctionne à merveille ! Un coup la gendarmerie met la pression (officieuse, une sorte d’invitation sans traces, un coup de téléphone suffit) sur le lieu, un autre coup c’est la Mairie (le maire est maître à bord dans sa commune sauf à Paris) et des fois la Préfecture mais c’est rare car les gendarmes et les mairies font très bien leur travail de sape.

Défense, reconnaissance et promotion

Comment Technopol se place, aux côtés des autres acteurs (type syndicats ou autres associations), dans le paysage des instances de la nuit française ?

La mission première de Technopol est la défense, la reconnaissance et la promotion des cultures et musiques électroniques. De fait, notre intervention se fait sur les points relatifs à cette culture et sa place dans la nuit française. La musique électronique ayant une position de plus en plus importante dans le paysage de la nuit française, nous prenons une place de plus en plus importante dans les discussions. Une des illustrations est notre forte implication dans les Etats Généraux de la Nuit et les Nuits Capitales.

Du côté Syndicats et Sociétés Civiles nous commençons à explorer les possibilités de rapprochement avec la SPEDIDAM via le SAMUP ou la CGT Spectacles, notamment sur les questions de statuts du DJ, mais rien n’est acté ou décidé en ce sens. Technopol souhaite rester une structure associative militante indépendante et non politisée.

L’un de nos objectifs est de mettre en place des accords avec certains syndicats ou sociétés civiles afin de faire bénéficier nos membres d’avantages liés à ces organisations.

Nous allons également adhérer à la CSCAD et permettre à nos membres organisateurs d’y adhérer, ce qui leur permettra notamment de bénéficier de tarifs SACEM préférentiels.

Les discussions sont encore complexes, très émotionnelles entre ceux qui veulent dormir tranquille et ceux qui veulent faire la fête.

Est-ce que la connaissance qu’a Technopol de la nuit française lui permet de dégager des particularités régionales, en France ? Ou alors est-ce les questions qui se posent à la nuit sont les mêmes à Paris et à Vesoul ?

Un peu des deux je pense. Suite à la pétition que nous avons lancée « Paris : Quand la Nuit Meurt en Silence » nous avons eu des échos en région notamment à Lyon et Marseille. Partout en France on entend parler de fermetures de bars, de nuisances sonores, de fermetures administratives. Nous avons donc un souci commun aux grandes agglomérations avec l’éternel conflit entre riverains/police et lieux/organisateurs. De plus en plus de villes souhaitent développer ou upgrader leur offre festive nocturne mais les discussions sont encore complexes, très émotionnelles entre ceux qui veulent dormir tranquille et ceux qui veulent faire la fête.

Tommy Vaudecrane, Président de Technopol et passionné des musiques électroniques festives depuis 20 ans.

On constate des difficultés à Lyon par exemple, car les associations n’ont quasiment plus de subventions de la ville et la plupart des événements électroniques sont interdits ou fortement freinés.

On peut également dégager des tendances régionales en effet, avec le développement de la free party légale et parfaitement gérée notamment en Bretagne et dans le Sud de la France, régions qui disposent de magnifiques lieux extérieurs pouvant accueillir ce type de grand rassemblement. Le clubbing a toujours été très développé dans le Nord et l’Est du fait de la proximité de pays comme l’Allemagne, la Belgique, la Suisse et la Hollande avec leurs mégas clubs et rave parties.

Tu rappelles que Technopol travaille beaucoup avec la SPEDIDAM sur les statuts du DJ.  Cela veut-il donc dire qu’il y a un gouffre entre les DJ-dieux vivants à la Guetta, pour qui la musique est une business unit parmi d’autres, et les DJ qui vivent avant tout de leurs prestations ? Car en France en 2011, grâce ou à cause des Guetta, Sinclar et autres, la représentation collective du DJ est qu’il roule sur l’or…

Oui un gouffre, en tout cas sur les sommes touchées lors de représentations publiques par exemple. Un DJ comme ceux que tu viens de citer touche entre 35000 et 75000 euros (voire plus) pour une heure ou deux heures de « non-mix, lève les bras et te décoiffe pas trop ». On est ni dans le djing, ni dans la performance artistique et je trouve personnellement ces sommes démesurées et pas du tout en phase avec le spectacle fourni par ces gens. Sachant que Guetta n’est pas considéré comme DJ mais comme auteur compositeur.

DJ hardcore, drum and bass et autres sons durs

Ton arrivée à ce poste, c’est une des nouvelles expressions de ta passion pour la scène électronique ? Comment cette passion s’exprime-t-elle par ailleurs, depuis que tu es arrivé dans ce milieu ?

Multi-tâches (rires). Les musiques électroniques rythment ma vie et me font vibrer depuis bientôt 20 ans. Ma passion, ma dévotion se traduisent par de nombreuses implications personnelles qu’elles soient artistiques, événementielles ou militantes.

Je suis déjà passé chez Technopol entre 2002 et 2005 en tant qu’administrateur, j’y ai notamment créé l’observatoire de la fête pour recenser les incidents et venir en aide, dans la mesure du possible, aux organisateurs. J’ai également tenté un rapprochement avec la free party, mais ça s’est un peu moins bien passé, disons que notre main tendue n’a pas été si bien accueillie que ça… Et suite à cette main tendue, le premier collectif des sons s’est créé…

Aujourd’hui la scène doit se professionnaliser si elle veut exister comme dans nos pays voisins. J’ai donc de nouveau décidé de mettre mes compétences, mon expérience, ma sensibilité au service des musiques électroniques. C’est l’expression militante de ma passion.

Par ailleurs j’essaie de faire vibrer les gens en tant que DJ hardcore, drum and bass et autres sons durs, depuis près de 17 ans sous le pseudo DJ AK47, et je compose de la musique, notamment avec mon groupe BudBurNerZ (17 maxis et 6 albums). J’organise des soirées avec le collectif Party Uniq depuis 2005 et plus récemment avec la société Bass Nation qui a produit les deux événements Megarave France à l’Elyséee Montmartre.

Tommy Vaudecrane, sous le nom de DJ AK47, est également une des figures de la scène hardcore. Ses prestations foudroient les dancefloors de France et d'Europe depuis le milieu des Rugissantes Années Rave : les années 90.

Alors, question professionnalisation justement, quels sont les métiers qui doivent se développer dans le milieu de la nuit pour rendre celle-ci viable ? Et comment articuler cette professionnalisation avec une présence associative traditionnellement très forte sans qu’il y ait discorde ?

Il faudrait déjà une reconnaissance institutionnelle de certains statuts comme le DJ ou le VJ afin que ceux-ci puissent exercer leur métier en toute tranquillité sans être dans une situation de précarité entre cachets au noir, remboursement de frais et autres arrangements. Qu’ils puissent cotiser pour leur retraite, avoir des congés (sans obligatoirement avoir le statut d’intermittent).

Une ineptie parmi tant d’autres : prenons un DJ amateur passionné, qui exerce un métier la semaine et qui joue le week-end pour son plaisir mais qui est assez connu pour prétendre à une rémunération. Il assure donc un revenu complémentaire grâce au DJing (en plus d’assouvir une passion). Eh bien il a été décidé par le Ministère de la Culture et sous la pression des syndicats, que ce DJ ne pourrait utiliser le statut d’auto-entrepreneur pour facturer et être payé… Alors que ce statut a spécialement été créé pour permettre à des salariés d’avoir un revenu complémentaire… Belle logique n’est-ce pas !

Technopol dispose d’une forte crédibilité à tous les niveaux.

Technopol est une assocation, donc tu es bénévole. Oeuvrer dans les musiques électroniques en France, ça relève forcément de la dévotion ?

Souvent oui car pour la plupart des organisateurs, des artistes et autres acteurs de la scène c’est une passion dans laquelle ils investissent tout leur temps, leurs économies avec souvent de lourdes pertes à la clef. Mais l’associatif est aussi une arme de lobby puissante lorsqu’elle est reconnue et Technopol dispose d’une forte crédibilité à tous les niveaux ce qui permet d’engager des discussions sérieuses et de voir certaines avancées possible.

Et puis après près de 20 ans de plaisir intense apporté par les musiques électroniques, je peux bien donner un peu de mon temps pour que toutes les musiques et cultures soient entendues et représentées !

La Techno Parade est depuis 1998 la vitrine festive de l'action de Technopol.

Que peut-on espérer comme résultat concret et à court terme de l’action de Technopol ?

Nous avons de nombreux chantiers qui concernent les différentes composantes de « l’écosystème électronique ». Nous travaillons par exemple sur le statut du DJ et sa possible affiliation à un syndicat ou une société civile via Technopol. Ces projets font partie de nos « Polarités » qui sont des groupes de réflexion, d’action et de lobby autour des problématiques liées aux différents acteurs de la scène : Organisateurs, Artistes (DJ&VJ), Disquaires, Web Radios, Evénements Eco-Responsables, etc.

Nous avons bon espoir d’obtenir des avancées concrètes en 2011 sur plusieurs de ces points, notamment via notre affiliation avec la CSCAD qui va permettre aux promoteurs membres de Technopol d’y adhérer et de bénéficier de taux SACEM négociés pour les événements en salle et en clubs.

D’un point de vue événements nous allons lancer de nouveaux projets. Nous préparons une semaine de la Techno Parade avec en clôture une Nuit de la Techno digne de ce nom (comme on peut le voir en Suisse en Allemagne, en Hollande ou en Belgique) ! D’ici là, une fête de la musique au pied de la Tour Eiffel avec les Bateaux Parisiens est également prévue.

Expertises professionnelles et passionnées

Tous les projets que tu décris supposent un grand nombre d’expertises au sein de Technopol. Peux-tu préciser comment est structurée l’organisation ?

Technopol dispose de nombreuses expertises chevronnées. Nous avons un conseil d’administration de 15 personnes, toutes professionnelles et passionnées de musiques électroniques qui mettent leurs compétences à disposition de nos membres et de la scène pour mener à bien ces chantiers. Les polarités ont pour référent un membre du CA et nous impliquons également nos adhérents dans les réunions de réflexion. Les membres sont également les bienvenus pour participer à ces réflexions.

A la Techno Parade, on peut voir des bonnes soeurs du couvent de Saint-BPM dispenser la bonne parole au public en liesse.

La scène électronique française, c’est France terre de constrastes, entre les superstars à la Guetta/Sinclar/Garnier et l’apocalypse de la free-party. Une voie du milieu est-elle possible, autre que l’electro-bobo-lounge ?

On pourrait mettre Guetta et Sinclar dans une free et 69DB à la prochaine soirée Unighted pour voir ce que ça donnerait ? (Rires)

Chez Technopol nous avons bon espoir que les choses évoluent en France. Les 15 dernières années électroniques ont été riches et ont fait émerger de nouvelles musiques et surtout de nouvelles pratiques festives. La free party par exemple, a, pour la première fois, offert aux jeunes une réelle alternative au Macumba Night du coin ou aux boîtes select.

De nouveaux espaces festifs, de nouvelles musiques, de nouvelles pratiques de consommation ont émergé. De même que la sortie en boîte de nuit a évolué vers le clubbing et le public est parti découvrir les offres clubbing européennes induisant ainsi des pratiques dites de new clubbing. Tout ceci ayant pris en maturité nous réfléchissons, notamment dans le cadre de nos polarités, à de nouveaux types de fêtes, l’appropriation de nouveaux lieux, notamment en banlieue parisienne avec le Grand Paris. La nuit a toujours su se renouveler et nous espérons y participer !

Historiquement les prix des boissons ont toujours été élevés dans les clubs français.

Peux-tu donner quelques exemples de ce que vont chercher les français à l’étranger ?

On a vu se développer autour de nous en Europe une offre festive nouvelle, propre aux musiques électroniques. Au Nord comme au Sud les villes frontalières ont vu se développer très tôt l’offre festive électronique avec les méga clubs belges et espagnols, les énormes raves hollandaises et allemandes et ce dès le début des années 90. Avec l’arrivée d’Internet et des voyages low costs ces événements ont attiré un plus large public qui voulait rompre avec la monotonie de l’offre festive électronique française. On voit tous les mois plusieurs milliers de français prendre le train, l’avion ou le bus pour aller dans ces mégas événements qui n’ont encore aucun égal en France.

Qu’est-ce que Technopol peut répondre aux jeunes clubbers qui se demandent pourquoi à Paris ils payent leur bière 9 euros alors qu’à Amsterdam elle en coûte 2,50 ?

Historiquement les prix des boissons ont toujours été élevés dans les clubs français car c’est leur moyen de se faire une marge (paraît-il). Pari pas forcément intelligent car du coup, ceci a aussi été un des facteurs de désertion de ces clubs (en plus d’une programmation musicale pauvre et d’une sélection particulière à l’entrée) au bénéfice d’événements type free parties, squat parties, etc…

Amsterdam et la Hollande c’est particulier car c’est aussi le pays d’un des plus grands brasseurs au monde. Mais concrètement, nous sommes l’un des pays avec les prix de consommation les plus élevés en Europe alors que notre culture de l’alcool laisserait à penser le contraire…

Passion et culture de marque

Technopol travaille avec Ableton pour proposer des formations certifiées à des artistes débutants ou confirmés. Quel est le suivi artistique que vous proposez à ceux qui viennent se former chez vous ?

Nous ne proposons pas de suivi artistique, nous donnons les moyens aux artistes qui souhaitent exprimer leur créativité d’apprendre à maîtriser ces outils. Ensuite c’est à eux de créer et de s’intégrer dans le circuit artistique et le courant musical qu’ils souhaitent suivre. Nous donnons juste les moyens d’arriver à l’expression de sa créativité avec les outils modernes. Nous lançons des formations sur Usine, un logiciel de studio français et quasi gratuit et réfléchissons à des formations Cubase ou encore des modules courts sur Traktor, Serato et autres.

La Techno Parade révèle le potentiel festif des créatures de toutes obédiences. Ici : des filles.

On le sait, le développement de la scène électronique passera par un renforcement du lien entre les promoteurs d’évènements et les marques qui en seront les sponsors. Comment Technopol envisage cela ? Comment concilier la passion associative à l’origine de Technopol et les contraintes du marché ?

Chez Technopol nous avons naturellement cette culture du fait de la Techno Parade et de la présence de marques sur cet événement. La cohabitation entre passion et culture de marque n’est pas incompatible à partir du moment où l’association sait jusqu’où elle veut aller en termes de visibilité offerte à une marque partenaire. Nous allons lancer une polarité « Marques et Musiques Electroniques » afin de partager les expériences existantes avec nos membres et de créer une sorte de « hub » pour les marques qui souhaiteraient entrer en contact avec des événements ou acteurs de la scène électronique.

Quelle culture techno peut-on espérer pour la France ?

Une culture électronique débridée, colorée, festive, éclectique et passionnée !

Article initialement publié sur le blog Culture DJ

Crédits photos : Hardlight, Sophie Party Uniq

Crédits photos Techno Parade : Colleen Curnutte, Ollografik, Philippe Leroyer

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Luz dessine le clubbing du plaisir http://owni.fr/2011/03/05/luz-dessine-le-clubbing-du-plaisir/ http://owni.fr/2011/03/05/luz-dessine-le-clubbing-du-plaisir/#comments Sat, 05 Mar 2011 08:00:06 +0000 Florian Pittion-Rossillon http://owni.fr/?p=30739 Florian Pittion-Rossillon nous propose une nouvelle interview passionnante d’un acteur de la scène clubbing française. Retrouvez ses autres papiers sur son excellent blog Culture DJ.

Luz est un des piliers de Charlie Hebdo. Dessinateur politique à l’humour acéré, c’est aussi un jouisseur pour qui le DJing est l’occasion de se vautrer dans une luxure d’esthète : celle de transmettre sa vision musicale en faisant danser les gens. Où quand un trentenaire humaniste à la culture rock est arrivé, en prenant les chemins du plaisir, à faire le lien avec les perspectives de l’electro. D’où le jouissif “King of Klub“, dernier recueil en date.

Et quand Luz le caricaturiste politique met son art de l’observation au service de la musique live, il en révèle les plus lointains et primaires soubassements. Et quant à la question ô combien récurrente de l’état du clubbing français, Luz apporte quelques réponses… basées sur le rythme, la basse, et … « une hystérie spatio-metal ». Luz + musique = voyage.

Vous avez une culture très rock. Comment êtes-vous devenu DJ, cette figure de musicien méprisée des rockers ?

Le lien s’est fait tout seul car je suis devenu DJ à une période où le DJ n’était plus méprisé des rockers. C’était la belle affaire des années 2000, après l’arrivée des 2 Many DJs, qui ont eu cette bonne inspiration de mélanger tous les styles musicaux, en passant du coq à l’âne. Je suis arrivé là-dedans par hasard. C’était par l’intermédiaire de l’équipe du magazine Magic. Ils m’ont fait mixer dans une soirée Blur. Ils se sont aperçus que je n’avais passé aucun titre de ce groupe, alors ils ont décrété que j’étais un très bon DJ et qu’il fallait que je recommence.

Ce qui m’a intéressé, c’est le fait de pouvoir transmettre des envies musicales, en établissant un lien de confiance avec le public en face de moi. Et cela sans être ennuyeux… C’est mon obsession depuis que je suis gamin : comment transmettre la musique à des gens qui ne la connaissent pas.

Luz et sa compagne Stéphanie Meylan, photographe

Avec votre expérience, quelle est aujourd’hui votre conception du DJing ?

Mon anti-conception plutôt, c’est ce que m’a dit un DJ rock un jour : « Il faut pouvoir être plus intelligent que ton public ». Je me suis demandé ce que ça pouvait bien signifier… Mais il avait un collier à boules en bois, et en général tu portes assez peu de crédit à quelqu’un qui porte ça. Et j’ai eu la conviction que je ne voulais pas ressembler à ce genre d’individu. Car quand tu mixes, tu amènes une partie de toi-même. Quand tu mixes chez les autres, il faut d’abord écouter les disques chez soi, dans l’intimité. Et la transmission de cette intimité passe aussi par ce que tu veux présenter de toi. Cela change tous les jours, toutes les semaines. Donc un DJ qui sait d’avance ce qu’il va passer, du premier au dernier morceau, ce n’est pas un DJ… OK il sait enchaîner mais sans plus. Tu dois construire une histoire en direct. Donc : improvisation, de telle sorte que, racontant ton histoire, les gens te racontent la leur. Si tout d’un coup il n’y a plus de réaction, ou si au contraire ça réagit sur un morceau, c’est une information, ça a un sens. Et cela change ta manière de raconter l’histoire.

Mise en danger

Très attentif au public donc ?

A mort. Surtout que le premier intérêt de tout cela, c’est cette mise en danger. C’est ce qui m’a tout de suite plu : le fait que les gens voient ton travail en direct, ce que tu n’as pas dans le dessin. Et aussi ce qui est bien, c’est d’accomplir ce rêve d’adolescent, d’arriver et de dire « Bonsoir Paris ! »… quand tu es à Paris. Ou « Bonsoir Dijon ! » quand tu es à Dijon. Donc ça caresse l’égo, à condition de mettre des choses qui viennent de toi. Si tu ne mets que des tubes du moment, OK les gens sont contents, mais qu’as-tu amené de toi ? Être DJ, c’est le meilleur moyen d’aller dans une soirée où il y a de la bonne musique puisque c’est la tienne qui passe. Donc si tu ne passes que ce que les gens attendent, tu finis par passer de la merde. Donc tu passes de la musique que tu défends. Ca m’est arrivé de jouer ce que les gens attendaient, car parfois on se cherche… Mais à quoi ça sert ? Cela dit il ne faut pas être non plus dans le plan ultra-autiste du mec qui ne fait pas attention à ce qu’il y a autour de lui.

Votre meilleur souvenir de mix ?

Le festival Benicassim quand j’ai joué dans la tente Pop. J’avais mixé tard, à 4h du matin. Je devais mixer une heure et demie. Avant ça, ambiance Benicassim, Espagne… J’avais fait Pac Man toute la journée. Tout y est passé. Tout. Les copains me disaient que je ne pouvais pas monter sur scène. Moi ça allait très bien, j’étais super conscient. J’étais dans un état de sur-stonerie et je voyais très bien ce que je voulais faire. J’ai pris les platines. Je me suis lancé dans un show bizarre. Je me suis dessiné sur le corps, des trucs comme ça… A un moment, j’ai passé un morceau des Breeders, et un deuxième, car j’ai raté mon enchaînement avec l’autre morceau que j’avais prévu. Mais personne ne s’en est aperçu tellement les gens étaient à bloc.

Je me suis dit que j’avais fait une connerie devant 2000 personnes.

Bref, tout roulait. A un moment, j’ai eu envie de silence, j’ai mis « Hallelujah » de Jeff Buckley, ça a scotché tout le monde, moi y compris. Je me suis dit que j’avais fait une connerie devant 2000 personnes. Mais les gens se tenaient par la main, s’embrassaient, pleuraient. Tout le monde a eu la même remontée de drogue au même moment. C’était LOVE ! J’en ai encore des frissons. Voilà, ça c’était très intime : on se sent bien ensemble, on teste un truc. Si les gens se sentent bien avec toi, on se sent beaucoup plus libre d’essayer.

Pacman la nuit, Pacman le jour : les deux visages d'un héros très populaire, entre lesquels la joie s'infiltre.

Y-a-t-il une spécificité du DJing à la française (par rapport à un style de DJing des autres pays) ? Si oui laquelle ?

Je n’ai pas l’impression. Ou alors c’est le fait de vouloir faire plus Ed Banger que Ed Banger. Alors ça c’est très français. Et ça c’est très très dur. Surtout quand tu as une soirée en France avec Ed Banger et les clones de Ed Banger réunis. Je me souviens d’une soirée au Rex, comme ça. C’était plus possible.

Justice sur NRJ, c’était comme  une grande victoire.

Mais je trouve ça bien, Ed Banger. Je trouve ça bien qu’il y ait une marque qui signifie à l’international qu’il se passe quelque chose en France, mais aussi qui signifie aux français qu’il se passe quelque chose chez eux. Et que cela traverse la barricade de la radio populaire. La première fois que j’ai entendu Justice sur NRJ, c’était comme  une grande victoire, même si c’est une radio mainstream. Normalement, quand tu es un groupe français qui fait de la musique instrumentale, tu n’es pas sur les ondes, ce que j’ai compris un jour où Jean-Michel Jarre pleurnichait, car il n’est pas considéré comme de la musique française. Donc il ne rentre pas dans les quotas. Alors si la musique française qui ne rentre pas dans les quotas arrive à percer les quotas et devenir mainstream, c’est intéressant. C’est un combat gagné, en tous cas une brèche.

La basse qui malaxe

Quel est le clubber qui est en vous ?

Le clubber en moi est multiple ! En tant que clubber j’aime être surpris. J’aime quand je suis au bar et me faire avoir par le DJ, de telle sorte que je suis attiré sur le dancefloor.

Avec quel genre de musique ?

N’importe laquelle. Cela dit il me faut de la basse. Une basse roulante, un drive. Qui me malaxe les couilles. De la basse physique. Et ça tu l’as dans presque toutes les musiques.

Luz, entre abandon de soi et sauvagerie festive.

Vous êtes très ami avec James Murphy de LCD Soundsystem…

Oui. Il a été étiqueté electro-rock, alors que c’est un discoboy. Il écoute de la disco. Sauf qu’il est passé par le grunge, plein d’autres choses… Mais il a une manière disco. LCD a été très important, car j’ai compris que ce que j’écoutais depuis des années pouvait être joyeux. La première fois que je suis tombé sur le EP « Losing My Edge », j’étais à fond dans le post-punk genre The Fall, du punk intellectuel… Et tout d’un coup j’entends ça, qui est du The Fall avec un truc dans le slip, jouissif, chaloupé. J’aime le chaloupement. C’est ce qui me fait aller sur le dancefloor comme attiré par le joueur de flûte qui attire les rats. Je veux être comme un rat qu’on conduit dans le ravin du dancefloor. Ca c’est vraiment excitant. Donc avec « Losing My Edge », j’ai compris que la musique n’était pas uniquement faite pour écouter chez soi. Il y a une transmission. Un besoin de se libérer de l’écoute intime pour la partager avec les autres sur le dancefloor.

Je veux être comme un rat qu’on conduit dans le ravin du dancefloor.

LCD, c’est la quintessence de ce que j’aime car c’est un passeur. Il assume de dire que sa musique, il ne la crée pas de rien. Il y a des influences Eno, Bowie, disco, punk, pop. C’est une musique qui te dit : « commence par moi, et vas chercher ailleurs ». Un de mes amis m’a dit : « Je suis très jaloux des jeunes gens qui ont découvert la musique avec LCD Soundsystem ». C’est magnifique. Je suis aussi très jaloux… J’ai découvert des choses avec LCD, mais j’en connaissais pas mal. Il a fait naître des auditeurs electro-rock. Ni electro ni rock… ni pop mais pop en même temps. Ni hip-hop mais hip-hop en même temps. Et donc ces auditeurs sont obligés d’aller voir ailleurs pour trouver encore mieux. Il a cette humilité de dire « Je ne suis pas le meilleur groupe du monde. Les meilleurs groupes du monde, je les ai écoutés et ils passent à travers moi ».

Prétention & détention

C’est quoi le problème du clubbing à la française ?

Quand tu es sur le dancefloor en France, il faut pouvoir exprimer au DJ qu’il doit te mériter. C’est insupportable, et c’est très français. Il y a un problème français tout court, le même dans tous les secteurs culturels. La prétention d’être détenteur d’un passé glorieux et de tout mesurer à l’aune de cette référence. On fait la morale à tout le monde et on a du mal à regarder ce qu’on fait nous-mêmes. On se targue de Hugo, de Balzac, d’être un grand pays de littérature alors qu’en la matière on ne fait plus rien depuis des années. En musique électronique, on peut dire qu’il y a eu Daft Punk. So what ? OK, il y a eu ce truc prestigieux car d’un coup l’international nous a regardés.

Luz, qui dessine souvent la Une de Charlie Hebdo, prouve qu'on peut être DJ et avoir de l'humour. Rare.

Les anglais ont quelque chose de très bien : le NME. Un journal où la musique populaire est traitée pour ce qu’elle est : superficielle. Et on en parle de manière superficielle. On assume cette idée. On ne fait pas semblant de croire que la musique, c’est de l’histoire. Les groupes qui sont présentés sont des kleenex, ils se bagarrent entre eux, on leur pose des questions vachardes et après on les jette. Comme les groupes ont conscience d’être des kleenex, ils sont plus libres que les autres. Ils savent qu’on peut les jeter au bout de trois ans, mais qu’au bout de dix ans ils peuvent réapparaître avec un autre projet. Chez  nous, les groupes sont des mouchoirs en soie, on se branle dedans et on les met sous un cadre avec des moulures.

Cette morgue, cette prétention très française se retrouve aussi dans le clubbing. Le clubbing, c’est sérieux.

Je constate ça dans la chanson française : il faut rentrer dans cette petite photo où il y a Brassens, Brel et Ferré, pour être le quatrième… En pop/rock, si c’est chanté en anglais, ça se voudra très sérieux. Cette morgue, cette prétention très française se retrouve aussi dans le clubbing. Le clubbing, c’est sérieux. La manière de prendre des drogues, c’est sérieux. La manière de boire, c’est sérieux.

Il y a des spécificités de culture. L’esprit français, ça existe. Cette petite prétention permanente. Les clubbers français attendent l’excellence. Ils veulent avoir le moment historique. Mais bon, ça suffit ! On est aussi là pour prendre du plaisir ! Alors maintenant qu’à Paris il y a très peu de clubs et qu’ils sont très chers, on va à l’étranger.

Alors il n’y a pas d’espoir pour le clubbing à la française ?

Je n’en sais rien… Un truc qui me fait marrer, c’est quand les gens disent qu’ils ne vont plus en club car les boissons sont trop chères. J’ai envie de leur dire « T’as qu’à danser, connard, et après tu bois un coca ! ». Si aller en club, c’est uniquement pour se saoûler la gueule, tant pis. Après, je ne sais pas vraiment où se situe la faille, en France. C’est moins fun.

Bande kilométrique sous Traktor

Donc vous concevez une scène musicale vouée à l’entertainment ?

Oui. C’est plus simple.

Sachant qu’entertainment, c’est un gros mot, en France.

Ouh là oui, c’est un gros mot ! Moi j’assume la superficialité. En tant que DJ, j’ai le souci de transmettre des « valeurs musicales », une façon d’écouter la musique que j’aime, une sensibilité. Mais si les gens n’aiment pas et restent au bar, ce n’est pas grave. S’ils ne se barrent pas, c’est déjà une bonne soirée pour eux.

Il faut bien ça pour désamorcer l'insupportable charge béni oui-oui de la chanson française...

Mais si tu vas dans un petit club à Paris, tu auras un mec derrière son laptop, qui te regarde avec une condescendance d’insupportable connard. Tu t’en fous, tu es venu danser. Mais tu ne peux pas ! Car son truc, c’est de faire de la bande kilométrique sous Traktor. Et tu te dis, « Qu’est-ce que je fous là, je ne suis pas là pour la musique ?!? », justement d’ailleurs parce que le mec n’est pas là pour la musique. Si le DJ est là pour la musique, il est là pour transmettre quelque chose de la musique. Son petit set sous Traktor, on s’en branle.

Le problème avec Traktor, c’est le niveau de bpm qui est toujours le même.

Est-ce que Traktor est un des drames qui afflige l’art du DJing ?

A fond ! Bon, c’est super pour faire des enchaînements. Je suis désespéré de ne pas savoir faire de vrais mix, je ne serai toute ma vie qu’un selector mineur. Mais le problème avec Traktor, c’est le niveau de bpm qui est toujours le même. 124bpm. Fuck ! En tant que clubber, je veux me faire gifler ! Me faire fouetter ! J’ai envie qu’on m’embarque ailleurs, que ça ne soit pas monorythmique. Ce qui tue le clubbing, c’est le monorythme. Si c’est du très bas bpm, ça peut à la limite t’embarquer dans un truc un peu spatial, tout dépend de ce que tu as fait avant, pendant, et de ce que tu feras peut-être après. Mais si tu fais du Ed Banger ou de la minimale allemande et que tu as toujours le même rythme, finalement, c’est pas plus intéressant que la musique du Buddha Bar. Papier peint sonore. Pour moi le rythme est un élément essentiel du DJing. Jouer avec, pouvoir le casser, le ralentir, l’augmenter, le fracasser. C’est ça qui était intéressant dans les productions de Ed Banger à un certain moment, c’était le cassage de rythme. Du côté de chez Institubes il y a eu des choses pas mal de ce point de vue là aussi. Mais 4 ou 6 heures sur un rythme identique, c’est difficilement tenable.

J’ai dansé là-dessus, qui suis-je ?

C’est pour ça que j’aimais bien les sets de Jean Nippon. Il y a un lien entre le R&B et le hardcore sans que ce soit simplement juxtaposé ! Il m’a foutu en transe ! Comment il a réussi à me faire danser sur du zouk, alors que deux secondes j’étais à bloc sur une hystérie spatio-metal, je ne comprends pas. Il réussit à te faire te surprendre toi-même. Tu te dis, « J’ai dansé là-dessus, qu’est-ce qui s’est passé ? Qui suis-je (rires) ? ». Quand c’est toujours le même rythme, ça arrive difficilement.

La couverture du salvateur "King of Klub", qui démystifie les dieux vivants du DJing à la française.

Quel est votre rapport aux musiciens ? Avez-vous besoin de les idéaliser pour les dessiner comme vous le faites ?

Non, car idéaliser les gens les rend difficiles à dessiner. Par exemple, Philippe Katerine. Quand j’ai voulu le dessiner en concert pendant les premiers morceaux, ça ne marchait pas du tout. Parce que je l’avais déjà beaucoup vu à la télévision, il faisait partie de ma famille visuelle. Genre Sarkozy on le voit tellement à la télévision, on croit que c’est le voisin de palier. On ne remarque plus rien. Si je devais voir un concert de Bowie, ça serait difficile pour moi de le dessiner très vite. Par contre, ce qui est intéressant dans les dessins de concert, c’est de ne pas aller dans le portrait. Alors ça me change de mon travail de caricaturiste. C’est mon repos. Tu n’as pas besoin de faire quelque chose de ressemblant.

Dépassement du corps

Dessiner l’univers de la musique, c’est plus libre ?

Oui car on est dans le reportage. Et on peut mettre en scène du fantasme. C’est pour ça que j’aime bien le travail que je fais avec Stéphanie Meylan (sa compagne, NDA). En concert elle fait des portraits photo très rapprochés. C’est une fan qui voudrait lécher la joue de chaque musicien. Donc moi ça me dégage de l’obligation de faire un dessin ressemblant. Je m’attache donc à la justesse des mouvements, à la bonne représentation de la façon dont quelqu’un veut représenter sa musique sur scène. C’est ça que j’aime dans le live : la manière qu’ont les gens de s’auto-représenter et de représenter leur travail.

Une logique de spectacle pur, donc ?

Oui, parce que si je vais dessiner un concert folk, ça pourra être très joli, mais ça sera sans intérêt. Parce que je ne vais pas bouger… Sauf à de rares exceptions. Comme quand j’ai dessiné Antony and the Johnsons. Il y a un truc qui s’est passé entre moi et, euh… Antony (rires) ! Tout d’un coup il a dégagé un truc, alors qu’il ne fout rien. Il a une tronche, un corps bizarre, mais il est arrivé un dépassement de ce corps que j’ai pu essayer de traduire en dessin.

"Celui qui faire danser les filles saura, en feu le dancefloor mettra." (Tables de la Loi du DJ, verset 66)

Ce que vous dessinez, ce sont les impressions et les émotions liées à ces impressions, plus que du fantasme ?

Oui, plus que du fantasme. Il faut que le concert s’écrive sur moi, pour que je puisse le dessiner.

La réalité de l’énergie

Vous dessinez le passage de l’énergie live sur vous ?

Oui. C’est cette énergie qui est super excitante quand on dessine. Moi je dessine en apnée. A chaque trait, je ne respire pas. Quand tu dessines dans un concert, tu es obligé d’arrêter de danser, à un moment donné. Et c’est génial. Tout d’un coup, tu ressens juste la musique. Et donc le dessin est un moyen de se remplir de l’énergie de l’autre. Et puis je ne suis pas un bon portraitiste, donc je vais vers la caricature. Du coup, j’assume de ne pas traduire la réalité, mais l’énergie. Comme l’énergie ça n’existe pas, la réalité de l’énergie se réinvente en permanence.

En tant que dessinateur politique vous pouvez être très engagé. Mais côté musique, il n’y a pas d’engagement. Est-ce que c’est crédible, d’ailleurs, la musique engagée politiquement ? Avec le recul, on peut dire par exemple que les Clash et leurs agitations marxisantes, c’était petit-bourgeois et compagnie…

Je parlerais plutôt des Dead Kennedys. Il y a une démarche politique précise, et une démarche artistique qui s’assume en dehors de la politique, qui relève plutôt de la manière de chanter du chanteur Jello Biafra. Il montre qu’il a du recul sur son propre discours. Et il y a une manière de jouer en live avec la politique qui est unique. Il se drape toujours dans le discours du salaud, pour le rendre ridicule. Quand Biafra chante, ce n’est pas lui qui chante. Biafra chante les comportements d’une crapule. Sur scène, c’est un grand théâtre… Dans « California Über Alles » (chanson mythique des Dead Kennedys de 1979, portant sur la politique du gouverneur de Californie de l’époque, Jerry Brown – NDA), il imitait Jerry Brown, puis Schwarzenegger. Et il va réimiter Jerry Brown.

Pas besoin de mettre des paroles pour faire de la musique politique.

Bref, ici, la politique, elle est déjà dans la manière de jouer la musique. Pas besoin de mettre des paroles pour faire de la musique politique. La musique politique, ça a du sens. C’est la musique qui n’est pas circonscrite. La musique circonscrite, c’est de la musique fasciste. Genre les derniers albums de Madonna. Elle est dans un genre dont elle ne sort pas. Elle a vocation à drainer les foules non pas pour transmettre quelque chose de la musique mais pour gagner de l’argent. Elle ne donne rien, elle ne partage pas, ne pose pas de questions.

Jello Biafra, chanteur des Dead Kennedys, groupe légendaire du punk américain (ici dans ses jeunes années)

Donc la musique politique, c’est la musique qui questionne, même s’il n’y a pas de paroles qui appellent à la révolution ?

Oui… J’ai un ressenti très particulier quand j’entends certains morceaux, par exemple le premier album de Superpitcher, qui continue de me questionner en permanence. C’est pour moi de la véritable musique politique, parce que ça libère, ça fait avancer sur autre chose. Physiquement, tu peux ressentir de la mélancolie, et donc tu te demandes, « qu’est-ce que ça veut dire de moi ? », et donc on peut trouver des réponses qu’on ne trouvera pas dans un discours politique, et qui feront avancer aussi. Je préfère la musique politique aux chansons politiques.

Chercher les gens

Quel est votre regard sur le vieillissement de la culture rock, avec d’un côté Iggy inamovible et tout en muscles, et de l’autre côté la cohorte qui oscille entre épave et maquillage ? Est-ce que ça peut vieillir autrement qu’en étant un objet de musée ?

En fait Iggy n’est pas un objet de musée. Je l’ai revu il y a quelques mois. Ses concerts sont d’une générosité incroyable. Il donne beaucoup et va chercher le public, le provoque. Il ne fout plus sa bite à l’air, cela dit. C’était une marque de fabrique. Mais s’il foutait encore sa bite à l’air, ça poserait un problème. C’est peut-être plus très joli à voir (Iggy est né en 1947, NDA). Bref, c’était un concert à Paléo, un gros festival suisse. Des gens étaient déçus, car ils venaient voir l’icône, et ils demandaient, « mais comment un type de son âge peut-il faire des choses pareilles ? ». Et là, Iggy était venu chercher les gens, un peu comme Saint Sébastien, tout le temps à montrer son torse, façon de dire aux gens « Réagissez, je suis peut-être votre idole, je suis peut-être un vieux con, mais réagissez, je veux que vous ayez une réaction autre que celle que vous avez d’habitude ».

L'affiche d'une exposition dédiée à "Trois premiers morceaux sans flash", le livre de Stefmel et Luz mêlant photos de concert et dessins. Ici : Iggy, tout en peau.

Et tous les autres ? Ozzy (Ozzy Osbourne, NDA), par exemple.

Ozzy, premier album génial, mais Ozzy on s’en fout (rires) ! Par contre, Suicide, c’est intéressant. Ils vieillissent bien.

La mort la plus horrible, ça serait de tomber dans les tripes d’Alan Vega sans savoir comment en sortir.

Déjà ils vieillissent, c’est bien.

C’est un exploit… Musicalement, même le dernier album de Martin Rev (un des deux membres de Suicide – NDA), sur la mort de sa femme. Il a écrit une musique très symphonique… Le type propose un monde intérieur rare, alors même que c’est du pur rock’n roll. Ils ne se sont jamais demandé s’ils faisaient de la musique électronique. C’est beaucoup plus rock’n roll que les White Stripes. C’est une réinvention. L’album d’Alan Vega (le chanteur de Suicide – NDA) avec Marc Hurtado qui s’appelle « Sniper », c’est hyper bien, à part quelques poncifs. Ils te balancent dans les tréfonds. Vega t’embarque dans ses tripes. D’ailleurs, la mort la plus horrible, ça serait de tomber dans les tripes d’Alan Vega sans savoir comment en sortir. Mais ça serait l’expérience la plus géniale. Voilà, cet album est comme ça (rires). Eux, Suicide, vieillissent bien. Ils ont quelque chose à proposer tellement ils se mettent encore en danger. Le fait de mettre par terre devant les autres son intimité est éminemment politique. Le rock’n roll a été une forme de proposition. Qui, aujourd’hui, fait ce genre de proposition là ? Je ne sais pas si les White Stripes vont bien vieillir. D’ailleurs ils viennent de se séparer. Les Kills, peut-être. Mais c’est déjà vieux. En tous cas ça vieillira beaucoup mieux que les BB Brunes ! (Rires de fin).

Crédit photo “Luz et sa compagne Stéphanie Meylan, photographe” : Renaud Monfourny

Article initialement publié sur Culture DJ

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DJ… et producteur : une nécessité ? http://owni.fr/2011/01/27/dj-et-producteur-une-necessite/ http://owni.fr/2011/01/27/dj-et-producteur-une-necessite/#comments Thu, 27 Jan 2011 08:49:48 +0000 Florian Pittion-Rossillon http://owni.fr/?p=29924 Florian Pittion-Rossillon écrit avec brio sur le monde de la nuit, et propose des réflexions et interviews de grande qualité sur son blog Culture DJ. Il s’attaque aujourd’hui à la dérive qui oblige les DJ à produire pour pouvoir exister.

Depuis plusieurs années, un DJ qui se présente à un organisateur, un média, ou même dans un dîner mondain, doit répondre à une question aussi automatique que sentencieuse : « Tu produis ? ». Gare à lui s’il répond négativement. Le DJ est une figure d’artiste par qui la musique électronique festive devient une culture mondiale, pourtant il ne peut pas exister en tant que tel.

Pour mixer en soirée, il faut avoir produit des tubes

DJ tout seul, c’est la honte… DJ tout seul, ça ne devrait plus exister. Un DJ, donc quelqu’un qui mixe des morceaux de musique entre eux, doit être capable de créer des morceaux. Un DJ qui ne fait que jouer les morceaux des autres appartient à un lumpen prolétariat qu’un business techno tente de circonscrire aux fêtes d’appartement. Il est aujourd’hui admis que pour mixer en soirée, il faut avoir produit des tubes. Ah bon.

Un DJ sommé de produire pour exister, c’est un peu comme le pilote de F1 qui devrait savoir concevoir et construire la voiture qu’il conduit. En 2011, le DJ doit produire pour exister.

Speedy Gonzales vole vers la victoire

La musique électronique fait subir à ses acteurs-clés, les DJ, un sort que le rock, la pop et la chanson, genres pourtant taxés de toutes les tares liées à leur industrialisation, ne réservent pas à leurs interprètes. La musique électronique s’est inventé une tare propre. Comme s’il avait fallu remplacer par d’autres handicaps les stigmatisations ayant ponctué ses premiers pas.

Des producteurs venus enchaîner leurs morceaux

Cela induit des biais qui touchent toute la chaîne de la culture électronique festive, centrée sur le dancefloor et donc les évènements. Cela fait plusieurs années que les plateaux de toutes les soirées de tous les sous-genres de musique électronique (electro, house, techno, drum&bass, hardcore) sont remplis à 75% d’auteurs de tubes – ou vendus comme tels par un marketing à courte vue.

Chaque génération a ses propres habitudes, en matière de production industrialisée

Conséquence : bien des DJ se produisant en soirée sont avant tout des producteurs venus enchaîner leurs morceaux… Bien des DJ se produisant en soirée sont avant tout des ingénieurs/mécaniciens qui prennent le volant de la F1… La musique électronique festive, en intégrant une contrainte dictée par l’industrie, s’est tiré une balle dans le pied.

De plus en plus souvent on s’ennuie en soirée

A tout accepter pour faire tourner la billetterie, les producteurs d’évènements ont avalé la grosse pomme du serpent de la rentabilité à court terme.

Car le délire festif que savent amener les DJ s’est envolé de bien des évènements, soirées, raves, festivals. On attend des producteurs qu’ils jouent leurs tubes, quelques exclus, un ou deux remixes de collègues producteurs. Un DJ viable en 2011, c’est celui qui saura remplir au mieux un cahier des charges prédéfini par un organisateur d’évènements. Créativité, originalité, technique aux platines pendant la prestation publique… sont devenues des options.

Le problème, c’est l’obligation

Résultat : de plus en plus souvent, en soirée et sur évènement on s’ennuie.

Attention : un DJ est légitime à produire, un producteur est légitime à mixer. Question d’envie. Pas question ici de critiquer la légitime démarche créative d’artistes désirant développer leur champ d’action. Et depuis les débuts de la techno, il existe d’illustres figures de DJ-producteurs (Plastikman, Jeff Mills, Laurent Garnier pour citer les plus vénérables, Radium, TSX ou AK47 pour les potes).

Toute éternité

C’est plutôt que les exigences suicidaires d’un système dévoyé commencent à remplir le caniveau de bébés Guetta (qui a inventé le mix sans les mains puisqu’il est tout le temps les bras en l’air).

Le problème, ce n’est pas la production. Le problème, c’est l’obligation.

L’architecture industrielle moderne a conçu des lieux accueillants pour les travailleurs enthousiastes

Cette obligation de produire qui, posée en condition sine qua non pour les DJ, révèle de façon flagrante l’immaturité marketing de la musique électronique en tant que secteur économique. Celui-ci, pour développer ses marques d’évènements, a distordu un de ses préceptes de base : la liberté du DJ dans sa sélection musicale, paramètre fondateur et pourtant oublié.

Cette logique a eu pour aboutissement la facilité à laquelle se sont livrés moult promoteurs d’évènements : faire reposer toute leur communication sur le plateau. La somme des noms affichés sur un flyer valant garantie de réussite pour une soirée. Alors que de toute éternité (et plus certainement depuis 20 ans), la qualité d’un évènement techno se mesure à l’éclat de son nom en tant que marque festive, au-delà de l’empilage de têtes d’affiches abonnées à tous les festivals.

Promesse d’ambiance

La multiplication des évènements petits ou gros et la déconvenue de certains organisateurs entraîne toutefois que soit posée de plus en plus régulièrement la question du nouveau graal du marketing festif : et la promesse d’ambiance bordel ?

Tant il est vrai que pour la techno, tout se joue sur le dancefloor.

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Cet article à été initialement publié sous le titre de “Splendeur et misère du DJing : l’obligation de produire”

Crédits photos : Hadche, Pierre J, Nanard34

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Dj Radium, pilier de la scène hardcore française http://owni.fr/2010/12/15/dj-radium-pilier-de-la-scene-hardcore-francaise/ http://owni.fr/2010/12/15/dj-radium-pilier-de-la-scene-hardcore-francaise/#comments Wed, 15 Dec 2010 07:57:11 +0000 Florian Pittion-Rossillon http://owni.fr/?p=28837 La France compte des artistes glorieux portant haut le flambeau de sa tradition créative en matière de musiques électroniques. Si les succès de Air, Daft Punk ou David Guetta (ou autres Mustard Pimp et Don Rimini) sont réjouissants, les marges de la musique mainstream comptent aussi de brillants représentants de l’art de faire danser les foules. Ainsi, la rave hardcore française compte deux mythes : Manu le Malin et DJ Radium. Si le premier est depuis des années identifié par les mélomanes bobos, grâce à d’habiles mises en scène hors du ghetto hardcore, le deuxième est beaucoup moins connu.

Or, si l’electro comme genre musical attrape-tout estompe les origines dancefloor d’une musique devenue « un son », il reste que s’agiter sur de la musique de rave n’est jamais plus jouissif que lorsqu’un maitre-DJ s’empare des tracks (voir vidéo ci-dessous). Radium, par ailleurs membre du duo live Micropoint, est de ceux qui administrent des mix telluriquement orgiaques. La moins connue de nos stars internationales des platines retourne un public en quelques secondes et, puisqu’il s’agit de hardcore, il est question de beats puissants et de toucher précis. Et de la façon dont la rave a façonné la musique populaire selon des codes que le DJ parisien révèle.

DJ Radium, tu es professionnel de la musique depuis plus de 15 ans. Pourtant, à l’échelle de la France, le hardcore est une petite scène, presque confidentielle. Comment tout cela a commencé pour toi et comment un professionnel évolue-t-il au sein d’une scène quasi invisible du grand public ?

Cela a commencé sur un dancefloor en 1992, après que le fervent réfractaire à la culture rave que j’étais alors ait pris une claque frontale en découvrant le pendant le plus extrême de la techno ! Déjà musicien amateur à l’époque, il ne me fallut pas longtemps pour me mettre définitivement au hardcore.

Le manque de visibilité de cette scène ne m’a jamais trop dérangé en soi, je pense que tout fan de hardcore est à la base quelqu’un qui à tendance à rejeter la ‘culture mainstream’. Mais ce n’est pas parce que cette scène n’est pas médiatisée qu’elle est ou a toujours été confidentielle. Heureusement, il n’est pas encore indispensable pour un musicien de passer à la télé pour pouvoir vivre de son art !

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Il est vrai que les médias ont pu desservir la scène rave par les amalgames qu’ils ont créés et véhiculés, mais je pense que cela a finalement beaucoup plus influencé les pouvoirs publics que le public susceptible de s’intéresser à la rave, et on ne peut plus dire aujourd’hui que la techno ait encore cette ‘mauvaise réputation’…

Tu es, avec Manu le Malin, l’autre DJ mythique du hardcore français. Comment expliques-tu que vous soyez deux et pas 20 à avoir ce statut.. ? Comment expliquer que la scène française ne permette pas à plus de musiciens de hardcore de vivre de leur art (Alors qu’en Hollande par exemple les DJ professionnels sont bien plus nombreux) ?

C’est un peu réducteur de ramener l’importance ou la viabilité d’une scène au nombre de ‘figures mythiques’ qu’elle compte, le hardcore est encore une jeune scène par rapport à la majorité des autres.

Et je ne sais pas si on peut dire que cette scène ne permet foncièrement pas aux musiciens d’en vivre, ces derniers étant quand même déterminants dans le développement de la scène… Dans une certaine mesure, chaque nouvel artiste amène de nouvelles personnes à s’intéresser à cette musique, c’est en soi à la portée de chacun d’y apporter suffisamment pour pouvoir en vivre, quel que soit l’état de la scène à ce moment-là.

En Hollande, la scène hardcore est beaucoup plus développée qu’en France, donc beaucoup plus attractive pour de nouveaux artistes, c’est pour cela qu’il y en a plus qu’en France qui choisissent cette voie, mais cela ne veut pas dire que 20 DJ ne pourraient pas en vivre en France. Chaque éclosion d’une nouvelle génération d’artistes s’est toujours soldée par une recrudescence massive de la fréquentation des soirées et un développement conséquent de la scène dans son ensemble.

DJ Radium à la soirée Megarave France en 2009

La société infiltrée par les codes rave

Bien souvent, le grand public confond rave et free party. Quelle distinction fais-tu entre les deux ?

La rave est un peu le terme utilisé pour englober toute la scène techno et ses différents courants, parfois encore plus globalement dénommée ‘musiques électroniques’ en France et ‘house’ à l’étranger ! A la base, la rave est une grande fête techno dans un lieu insolite avec profusion de décibels et de lights, dans un esprit de pur délire et de tolérance…

La free party est son courant le plus alternatif et rebelle, dont les principes de bases sont le DIY et la (pseudo ?) gratuité… Les lieux sont le plus souvent squattés (d’où une prédisposition pour le plein air), la technique et la sécurité approximatives, et l’on y va surtout pour le fameux état d’esprit ‘free’ (tout est permis et f*** le system)! Il est indéniable qu’une certaine forme de hardcore est prépondérante dans les free-parties, mais il serait erroné de faire l’amalgame entre les deux scènes.

La rave a-t-elle encore un sens, en 2010 ? Ou est-ce que c’est une utopie des années 90 ?

Bien sûr, même si pour la génération actuelle, la rave n’est plus aussi novatrice qu’elle l’était pour les ravers d’il y a 20 ans… Il est vrai que de nombreux éléments ou codes rave ont infiltré la société dans son ensemble. La rave pourrait sembler avoir perdu de sa spécificité, mais aucun autre mouvement depuis n’a été aussi novateur et fédérateur en même temps…Il me semble donc bien que la rave soit encore à la pointe de l’underground !

Ce qui fait « techno » fait jeune et fait vendre

Quels sont les codes rave dont tu parles ? Musicaux, vestimentaires ou autres ? Cela est difficile à percevoir, tant la rave est encore mal connue.

Musicalement, depuis 10 ans, on peut dire que la techno a infiltré quasiment toutes les musiques estampillées ‘jeunes’ : l’utilisation de la TR909, de boucles acides ou d’effets de filtres s’est généralisée (seul le rock pur et dur y est peut-être encore globalement réfractaire…) , elle a posé de nouveaux standards en matière de précision qui font qu’aujourd’hui, même les grosses productions de variété ou de jazz sont le plus souvent recalées sur ProTools.

Globalement, une certaine esthétique techno s’est insinuée un peu partout, c’est presque devenu un cliché de dire que ce qui fait ‘techno’ fait jeune et fait vendre !

Si comme tu l’affirmes la rave « est encore à la pointe de l’underground », sur quel levier peut-elle compter pour se développer, maintenant qu’elle ne peut plus jouer sur l’effet « nouveauté » vu qu’elle a 25 ans ? Et au fait, c’est quoi, « l’underground » ?

Je ne prétendrai pas définir l’underground, terme dont chacun peut avoir sa définition ! Pour moi, cela peut désigner des scènes artistiques alternatives où le profit n’est pas une motivation première, privilégiant donc souvent la création. Ainsi, la création reste le levier de développement de la rave, si certaines de ses spécificités ont été récupérées partout ailleurs, à elle d’innover et de créer de nouveaux concepts… Qu’ils soient musicaux ou autres.

Le hardcore, laboratoire de la techno

Peux-tu expliquer les spécificités du hardcore par rapport à la techno ?

Le hardcore est à la base la forme extrême de la techno : plus rapide (en général à partir de 160bpm jusqu’à…), plus lourde et énergique (rythmiques saturées), rejetant le plus souvent la mélodie pour privilégier des sonorités âpres et synthétiques, et véhiculant souvent un message sombre ou provocateur. Au départ, le maître-mot était de prendre à rebrousse-poil tous les codes musicaux existants, sculpter le bruit et l’énergie, mais depuis ses balbutiements, le hardcore a connu des vagues successives qui le rendent aujourd’hui beaucoup plus codifié et formaté, mais aussi redoutablement plus efficace pour ce qui est de faire bouger un dancefloor !

Si on considère la techno comme étant à la pointe de l’innovation des techniques sonores des 20 dernières années, et le hardcore comme son ‘labo expérimental’, on pourrait presque dire que quasiment chaque nouvelle sonorité depuis 20 ans a d’abord été utilisée en hardcore…

Audiogenic, dont DJ Radium est le co-fondateur et le Directeur artistique, est la plus grosse société de production discographique indépendante de France, dans le registre de la techno hardcore

Tu es considéré comme l’inventeur d’une variété de hardcore, le « frenchcore ». D’où vient ce terme et comment expliquerais-tu les caractéristiques du frenchcore à un non-connaisseur ?

On me l’attribue, mais je n’ai ni inventé ce terme, ni fait ma musique dans l’optique de créer un style à part entière ! On définit en général le frenchcore comme un hardcore rapide, clair, festif, coloré, souvent basé sur des samples, et appelant au pogo !

Ce terme de « pogo » vient de la culture punk et metal. Or tu viens d’univers musicaux complètement différents, voire opposés, comme le rock progressif… Quels sont tes premiers goûts musicaux et comment tu investis ton bagage musical dans ton travail de compositeur ?

Ma passion pour la musique a débuté enfant avec de la pop anglaise 60’s (Beatles en tête), puis avec du rock progressif 70’s (Pink Floyd, Genesis…). Ado dans les années 80, je n’ai pas coupé à la new-wave de l’époque et aux bons vieux Depeche Mode, Cure, etc… avec une petite préférence pour New Order et les pionniers Kraftwerk, d’autres artistes de l’époque (Prince), des artistes plus inclassables (Bowie, Zappa), du rock (Queen) et du punk aussi (Sex Pistols), même si j’ai longtemps été réfractaire au metal et que l’on ne puisse pas dire que je sois un fan de rock pur et dur selon les critères actuels… Au final, pas mal de trucs grand public.

Ce bagage et d’autres choses que j’ai pu écouter depuis que je fais du hardcore (big beat, electro, rock ‘moderne’, etc…) sont évidement une grande source d’inspiration pour moi, je pense qu’une bonne idée musicale peut s’affranchir des barrières du style ou de l’époque.

L’arrêt de mort du vinyle

Est-ce que tu pourrais travailler avec des musiciens oeuvrant dans d’autres genres musicaux, et si oui lesquels ?

Bien sûr, j’ai toujours été très attiré par les expériences hybrides ! Chaque univers musical a beaucoup à apporter aux autres, c’est toujours une expérience mutuellement enrichissante. Je suis a priori ouvert à tous les styles, même si j’aurai forcément plus d’attirance pour des collaborations avec des styles proches, au moins en énergie.

Certains acteurs-clés de la musique en général et de la techno en particulier, à savoir les labels et les distributeurs, ont beaucoup souffert ces dernières années. En tant que DA d’Audiogenic, la plus grosse structure professionnelle indépendante dédiée au hardcore en France, comment as-tu accompagné les changements de ces dernières années ?

Il est clair que la crise du disque est particulièrement dure pour les producteurs indépendants et bien plus encore pour la scène hardcore (au public jeune féru d’internet et peu enclin ou habitué à acheter de la musique…) De plus l’abandon progressif du vinyle par les DJ est sur le point de signer l’arrêt de mort de ce support… Mais même pour la scène hardcore, il y a un regain net de fréquentation des évènements.

Affûté, prêt à bondir, tendu comme un tigre... et beau dans l'effort.

Est-ce que ça veut dire que toutes les structures qui vivaient de la production de vinyles vont se reconvertir dans l’organisation d’évènements pour survivre ?

Oui et non… Si l’on ne parle que des producteurs de vinyles indépendants, ces structures étant en grande majorité gérées par des artistes, ceux-ci bénéficient directement du regain des soirées en multipliant les dates, sans pour autant devoir changer l’activité de leur structure.

Pour les producteurs de CD ou ceux qui ne sont pas par ailleurs artistes, la situation est plus délicate, l’organisation d’évènements est effectivement un moyen de survie, mais est loin de pallier à l’effondrement du marché du disque. Il est clair que, vu l’état des choses, la musique seule ne se vend plus, il faut proposer des ‘produits’ proposant plus que de la musique pour espérer faire des ventes.

Les platines CD ont été conçues pour être très proche des platines vinyle dans leur utilisation

En tant que DJ tu as bien évidemment commencé à mixer sur vinyle. Aujourd’hui tu mixes aussi bien sur vinyle que sur CD. Peux-tu expliquer les principales différences entre les deux supports, en termes de prise en main par le DJ, et en termes de rendu à la sortie des enceintes ?

Vouées à séduire les DJ habitués au vinyle, les platines CD ont été conçues pour être très proche des platines vinyle dans leur utilisation : on fait défiler le morceau en avant et en arrière à la main, scratches, spinback, quasiment tous les effets possibles sur vinyle le sont aussi sur CD (le numérique en offrant bien évidemment de nombreux autres). Le toucher est par contre beaucoup plus lourd que sur du vinyle, ce qui demande donc moins de précision et permet donc à un DJ habitué aux vinyles une prise en main quasi directe du CD. De plus, évidemment, sur CD, pas de problème (ou très rarement) de disques qui sautent…

Le son des 2 supports est différent, sur vinyle c’est plus chaud et rond dans les basses, pour le CD les aigus sont plus précis et les basses plus sèches. En sortie de façade, cela dépend le plus souvent du support sur lequel le son a été réglé, si il a été réglé sur du CD (ce qui est le plus souvent le cas), le vinyle ressortira plus étouffé et il y aura sûrement du rumble… Dans le cas contraire, le CD manquera de puissance et sera plus criard que du vinyle.

Ton top 5 des tracks hardcore de tous les temps ? Wow, c’est dur de n’en garder que 5… sans ordre de préférence : DOA – “Wanna Be A Gangster” / Caution Acid – “100% Acidiferous” / Euromasters – “Alles Naar De Kloote” / Original Gabber – “Pump That Pussy” / Hardsequencer – “Mindcrash”

Ton top 5 des albums de tous les temps ? Là aussi, c’est dur… The Beatles – «Abbey Road» / Pink Floyd – «The Wall» / New Order – «Substance 1987» (même si ce n’est pas réellement un album !) / The Prodigy «The Fat Of The Land» / Kraftwerk – “Electric Café” … Mais j’ai vraiment l’impression d’en oublier plein !

N’est-il pas paradoxal que certains DJ qui ont des labels vinyle ne se produisent plus en soirée qu’en mixant des CD ? Ils ne rendent pas service à leur business ?

C’est le paradoxe du DJ également producteur ! En tant que producteur, il faut vendre du vinyle, mais même si en tant que DJ, on préfère le vinyle, les standards ont changé et comme je l’ai dit, si dans les soirées, la sono est calée sur du CD, ça peut-être difficile de bien faire sonner du vinyle… Il arrive même qu’il n’y ait pas de platines vinyle où qu’elles ne soient tout bonnement pas en état de marche. Mais il reste encore des gens qui s’en servent, alors il faut bien continuer à en faire… Vive la schizo !

La scène et les modes

Tu as commencé à te produire en soirée il y a 15 ans. A l’époque, le public techno venait des autres musiques. Aujourd’hui, le public des soirées est né dans la techno. Quelles sont les différences que tu as perçues dans les générations successives ?

Au début, ce ‘melting-pot’ musical donnait vraiment lieu à un débordement de créativité, chaque culture apportant ses références à l’édifice, ce qui donnait une scène qui se renouvelait à une vitesse folle. Depuis, les différentes générations de ravers ont cristallisé certains codes, la scène évolue donc moins vite, au gré d’’effets de modes’ qui durent 3 ou 5 ans, la où, au début, la musique se renouvelait tous les 6 mois.

Tu es considéré comme un des meilleurs DJ hardcore au monde, avec un feeling très énergique et communicatif, ainsi qu’une grande technique. Quels sont les 5 conseils que tu donnerais à un DJ débutant ?

Merci ! Je dirais que le choix de la musique est essentiel, bien plus que la technique… Il faut être réceptif au public sur le dancefloor, c’est avant tout pour lui que l’on est là… Avoir un son propre, évidement… Se reposer les oreilles après chaque soirée… Et un cinquième ? Garder son sang froid en toutes circonstances !

Tu recommandes d’être réceptif au public, mais souvent la timidité est un gros frein… Quels sont tes trucs pour être réceptif et bien capter la vibration du public ?

L’alcool ? Non, sérieusement, c’est dur à dire, chacun à ses façons de gérer son stress et son trac… Mais j’ai tendance à dire que plus on a le trac, mieux on joue une fois qu’on y est…

Es-tu sensible au débat sur les nuits parisiennes ? Est-ce que tu te sens concerné ? Plus largement, est-ce que tu suis l’évolution du débat entre les organisateurs et l’Etat ?

Ah, il y a un débat sur les nuits parisiennes ? Je joue assez rarement à Paris, n’y étant quasi aucun weekend, j’ai un peu de mal à suivre ce qui s’y passe… Je ne suis pas trop l’évolution du débat entre les organisateurs et l’Etat, il me semble un peu figé depuis quelques temps, mais on ne peut pas dire que l’Etat ait une attitude aussi répressive que par le passé.

Plus on a le trac, mieux on joue

Qu’est-ce qui te fait continuer, près de 20 ans après tes débuts ?

La passion de la musique, encore et toujours !

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Comment parleras-tu de ces années quand tu auras 100 ans ?

Si j’y arrive ! Je ne sais pas trop, je ne pense pas trop à mes années de vieillesse à venir… Je parlerai surement de cette période comme d’années de fêtes et d’insouciance.

As-tu conscience d’être, pour plusieurs générations de ravers, un mythe ?

C’est un bien grand mot ! J’essaye de vivre ma passion de la musique et du travail bien fait, si cela en a inspiré certains, je ne peux que m’en sentir flatté.

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Cet article a été initialement publié sur Culture DJ
Photos : Florian Pittion-Rossillon

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Journalisme et techno : la copulation est-elle possible ? http://owni.fr/2010/12/03/journalisme-et-techno-la-copulation-est-elle-possible/ http://owni.fr/2010/12/03/journalisme-et-techno-la-copulation-est-elle-possible/#comments Fri, 03 Dec 2010 14:56:02 +0000 Florian Pittion-Rossillon http://owni.fr/?p=28615 Précaution liminaire : ne pas confondre journalisme techno et journalisme sur la techno. Ce dernier existe depuis les articles sur les premières raves françaises. En France, la presse gay fut aux avant-postes (Didier Lestrade en tête), comme la presse branchée (Actuel). La presse spécialisée à suivi (Trax, Tsugi), et a vécu (DJ Mix, DJ News, Coda). Et Libération doit à Eric Dahan d’avoir rempli ses pages de beats bien raides. A l’étranger, on peut lire Core Mag (papier + web) ou Resident Advisor (web).

Il est plutôt ici question de journalisme techno en tant qu’écriture façonnée par les spécificités musicales et culturelles du genre en question. Bien entendu, des plumes se sont exprimées, les plus brillantes d’entre elles restant confinées aux fiévreuses 90’s (Michel Thévenin ou Liza N Eliaz dans le Coda des débuts) ou à quelques successeur en forme de webzines ou blogs (l’inégalé Dr Venkman sur Signal-Zero). Et force est de constater que cette pratique reste confidentielle.

La cause en est simple : aujourd’hui l’écriture musicale doit illustrer des guides de consommation. D’où ce format répandu de chroniques de disques proportionnellement bien garnies du chapelet des titres composant l’album, ainsi que leurs particularités. Il faut des accroches, des ancres commerciales, un rappel du titre du single. A lire dans n’importe quel hebdo culturel.

L’exécution idéale des partitions électroniques

Or les formats techno ne donnent pas prise à cette écriture. La techno, ce sont des milliers de morceaux produits chaque année par des producteurs généralement pas connus, joués par des DJ généralement pas connus, dans une multitude d’évènements généralement pas connus. Alors ça ne passe ni sur RTL, ni sur Oui FM, ni même chez Bernard Lenoir sur France Inter. Difficile à panéliser, tout ça.
Dans la techno, tout vient du dancefloor et tout y est voué. Cette musique est centrée sur l’évènement et pas sur sa diffusion media, car seul l’évènement réunit les conditions d’exécution idéale des partitions électroniques. Même si, logiquement, l’industrie a exercé ses pressions pour façonner l’écosystème techno. Exemple.

En soirée, jouer le CD d’un mix préenregistré assorti d’une bonne gestuelle dite des « bras levés » peut faire l’affaire.

La techno pose plusieurs problèmes à un business musical industrialisé, en premier chef le postulat d’une distinction entre l’auteur d’une œuvre (le compositeur/producteur) et son interprète public (DJ). Qui est la star à exposer le dimanche après-midi chez Michel Drucker ? Choix difficile ayant entraîné une simplification extrême, d’où le syndrome du « producteur-qui-mixe » : l’exposition au public de l’auteur d’un tube. Auteur parfois judicieusement initié aux bases du mix, voire pas initié du tout : en soirée, jouer le CD d’un mix préenregistré assorti d’une bonne gestuelle dite des « bras levés » peut faire l’affaire. Ce qui compte est moins les qualités de DJ que l’effet d’annonce de la présence sur tel évènement de l’auteur d’un tube. La plupart des DJ stars sont des producteurs qui mixent, dont les singles se vendent (un peu) et se diffusent individuellement, sans avoir à être enchâssés dans des mix joués à 4h du matin loin des pantoufles.

La foudre née du mix

Plus largement, ce qui est montré en matière d’évènement techno relève de formats adaptés à un entertainment passé à l’équarrissage mainstream : montrer des DJ stars bisant des VIP… Hors la vraie star d’un évènement techno, c’est le dancefloor. Donc le journalisme techno, c’est raconter le dancefloor, où tout prend sa source. Le journaliste techno est un reporter sur le théâtre des opérations festives. Argh, comment faire…
A la base d’un dancefloor dynamique, vivant, coloré, dansant, sexy, bref, festif : la confrontation chaleureuse des énergies émulées. D’un côté, un DJ propulsant la foudre née du mix de deux morceaux dans un système de sonorisation orienté vers le dancefloor en tant qu’espace. De l’autre, des groupes d’individus s’agglomérant pour une minute ou pour une nuit pour composer le dancefloor en tant qu’être collectif. Au milieu, la fête techno comme succession de fugacités ordonnées, agencées et orientées vers un pic. Fugacité des tracks, des DJ, des rencontres. Le journalisme techno, c’est raconter des fêtes du point de vue du dancefloor, en distinguant certaines fulgurances sans les starifier.

Facile de comprendre que la marchandisation des éclats atomisés d’un tout éphémère n’est pas intéressant pour un système avide de codes-barres. Alors pas besoin d’exposer cela à un grand public choyé selon les méthodes romaines du panem & circenses (du pain et des jeux).
Difficulté supplémentaire : déjà incompatible avec les logiques industrielles de l’amusement des masses, la techno n’a, de plus, jamais produit de culture propre, identifiable et facilement reproductible. Ce qui tient lieu de culture techno a récemment pris une nouvelle tournure avec les réseaux sociaux, royaumes de l’expression fugace d’émotions éphémères. Le journalisme techno peut donc émerger grâce à des supports véhiculant au mieux une des spécificités d’une fête techno : le transport instantané des fragments d’une pensée devenue liquide, puis énergie.

La fête techno est un Facebook-de-la-vraie-vie où les individus glorifiés s’entrechoquent et se fondent dans un tout kaléidoscopique. A ceci près qu’aucun réseau social n’emmène son audience comme un seul bloc vers un pic orgasmique.

PARTY TIIIIIIIIME !

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Cet article a été initialement publié sur Culture DJ

Photos CC Flickr : CairoCarol, Roadsidepictures, from the field

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Le salut du clubbing parisien est en banlieue ! http://owni.fr/2010/11/25/le-salut-du-clubbing-parisien-est-en-banlieue/ http://owni.fr/2010/11/25/le-salut-du-clubbing-parisien-est-en-banlieue/#comments Thu, 25 Nov 2010 12:08:39 +0000 Florian Pittion-Rossillon http://owni.fr/?p=28343 Florian Pittion-Rossillon écrit avec brio sur le monde de la nuit, et propose des réflexions et interviews de grande qualité sur son blog Culture DJ

Le clubbing parisien vient de finir son auto-auscultation. Il a fallu pas moins que des Etats généraux de la Nuit Parisienne côté Mairie de Paris les 12 et 13 novembre, et la première édition des Nuits Capitales du 17 au 21 novembre, pour que de nombreux spécialistes s’enhardissent à réaffirmer l’espoir d’un clubbing heureux à Paris.

En précisant qu’en 2010 et la décennie qui arrive, c’est un secteur économique qui pèse lourd dans les villes où il est dynamique. On ne parle donc pas d’un caprice de bobos geignards. Il s’agit en fait de se donner les moyens de mettre Paris au niveau de Londres, Berlin, Rotterdam, Barcelone, Milan, où le New Clubbing en tant que culture épanouie bénéficie au tourisme en tant qu’industrie.

Et justement, à observer les raisons du succès de ces métropoles, on peut tenter une idée folle : l’avenir du clubbing parisien est en banlieue. Toutes les Nuits Capitales ne règleront pas la question centrale du manque d’espace intra-muros. Alors que la petite couronne (92-93-94) est couverte de grues, de friches – et d’entrepôts qui il y a 15 ans ont pu faire le bonheur de quelques free parties. En banlieue il y a de la place, en banlieue on peut faire du bruit, le voisinage sourcilleux de l’acouphène y est moins vif.

Précisions sur ce que recouvre le terme fantasmatique de banlieue, avant que ne s’élève le chœur des pleureuses pour qui la vie se passe dans les arrondissements à un chiffre. Donc, en l’espèce : la banlieue est l’espace géographique entourant Paris (selon Wikipédia, le site préféré de Michel Houellebecq : « La banlieue désigne la zone urbanisée située autour de la ville-centre, cela comprend aussi bien des quartiers pavillonnaires que des quartiers plus populaires. La notion est donc socialement neutre et correspond à une réalité physique. »). La banlieue ne se définit pas par ses mythes : voitures brûlées, combats de chiens, trafics à ciel ouvert. Et à vrai dire, la banlieue, seuls ceux qui en viennent savent de quoi il est question.

Début de solution

La banlieue qui nous intéresse est celle qui est accessible par le métro, donc rapidement et pour pas cher. Issy-les-Moulineaux (ligne 12), Boulogne (lignes 9 et 10), Courbevoie (ligne 1), Asnières (ligne 13), Gennevilliers (ligne 13), Saint-Ouen (ligne 13), Saint-Denis (ligne 13), Aubervilliers (ligne 7), Pantin (ligne 5), Montreuil (ligne 9), Maisons-Alfort (ligne 8), Ivry (ligne 7), Villejuif (ligne 7), Malakoff (ligne 4), Montrouge (ligne 4). Le STIF (Syndicat des Transports d’Ile de France) travaille à un métro circulant toute la nuit entre le samedi soir et le dimanche matin.

Ami parisien, fais-toi violence, vainc tes atavistiques réflexes anti-banlieue et calcule le temps de trajet entre un club, dont tu sors à 6h le dimanche matin, et ton domicile, selon deux hypothèses : 1 : le club est situé en centre ville. 2 : le club est situé près du terminus d’une ligne de métro. Un début de solution fraye alors son chemin entre toutes les couches sédimentées de snobisme anti-banlieue.

La banlieue, seuls ceux qui en viennent savent de quoi il est question.

La banlieue n’est pas loin. Elle est toujours moins éloignée que Londres et les autres. Le chœur des pleureuses se fait toujours entendre ? Le problème ne serait donc pas la distance ? Eh bien non… Le problème, c’est l’offre. Personne n’ira en banlieue pour une offre clubbing similaire à celle qui existe déjà intra-muros. On ne parle pas de délocalisation de l’existant, mais bien de nouvelles promesses festives, correspondant à un nouvel espace.
Pour résumer l’équation du clubbing en banlieue : nouvel espace = nouvelle offre.

Confusion entre rareté et prestige

Du point de vue du public : il s’agit d’une nouvelle offre de prestations, à tous les étages. Artistique, son, confort, accueil, le tout bien mis au carré par une saine équation de rapport qualité-prix. Le public New Clubbing est éduqué, il est prêt à payer, mais il en veut pour son argent. Les limiteurs de son et les prix du bar exacerbés, non merci.

Du point de vue des organisateurs : il est question de nouveaux modèles de contrats avec les lieux. Modèles inspirés de ce qui fonctionne dans le reste de l’Europe, et reconnaissant l’expertise de l’organisateur. Par exemple, le lieu peut fournir un budget à l’organisateur pour la direction artistique et une partie de la promotion. Modèle rôdé… partout ailleurs. Car à Paris les lieux confondent parfois l’intérêt que suscite leur rareté avec leur prestige. Ils fonctionnent parfois encore sur le mode « les lieux se remplissent automatiquement car ils sont rares » + « les organisateurs peuvent subir toutes les pressions car il y en aura toujours pour accepter toutes les conditions même les pires » = « la nuit rapporte ».

Quels plaisirs ?

Un public capable d’aller clubber à 1000 kilomètres pourra aller clubber à 5 kilomètres, mais pas pour retrouver en zone 2 SNCF la même chose que dans les arrondissements à un chiffre.

Reste à définir ce qu’est un organisateur de soirées. Entre expert de la logistique évènementielle et pourvoyeur de fantasmes, le champ est vaste, les réponses sont multiples, les candidats nombreux.

D’où la question : « Nuits parisiennes : quels organisateurs pour quels plaisirs ? ».

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Article initialement publié sur Culture DJ

Crédits photos : FlickR CC jean-fabien

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[ITW] Dj Plague, speedcore et dématérialisation http://owni.fr/2010/11/08/itw-dj-plague-speedcore-et-dematerialisation/ http://owni.fr/2010/11/08/itw-dj-plague-speedcore-et-dematerialisation/#comments Mon, 08 Nov 2010 09:57:32 +0000 Florian Pittion-Rossillon http://owni.fr/?p=27585 Florian nous  rapporte régulièrement des interview de personnalités peu connues de la sphère “mainstream”. Ces dragons de nuits ont pourtant une expérience inégalable en ce qui concerne la scène, la production électronique, le marché…

Le jour, Ian Wright est un garçon poli et courtois qui compose de la musique et qui monte des vidéos. La nuit, portant un masque de monstre ou une cagoule de terroriste, il devient DJ Plague et terrasse les dancefloors avec la forme la plus extrême de la techno : le speedcore. Et il réalise des afterfilms de soirées. La rencontre avec cette éminence bruitiste a révélé un formidable conteur, donnant sa version des faits suite à la dématérialisation de la musique, la conséquence de l’informatisation de la société, ou la légitimité de porter un masque pour jouer en public. Ah oui, il est canadien, et vient de se faire virer de la Hollande où il habitait depuis six ans. Elle est belle l’Europe, tiens.

Avant de parler de ta musique et ton parcours d’artiste, peux-tu expliquer ce qui t’es arrivé quand tu as quitté la Hollande pour aller au Canada (dont tu es originaire), et ta situation actuelle ?

Eh bien après être allé et venu sans problèmes pendant 6 ans, ils ont dit que j’étais resté trop longtemps et m’ont expliqué que je devais rester hors d’Europe pendant 3 mois, et qu’il y avait une possibilité d’une exclusion de 5 ans avant de pouvoir revenir. Je ne sais pas si c’est vraiment si sérieux, vu que ça n’a jamais été un problème avant, mais en tous les cas, le système d’immigration en Europe est un ratage.

J’ai déjà attendu 6 ans de recevoir mes autorisations de travail, donc ça et une douzaine d’autres facteurs, incluant la fin du vinyle et la scène qui rétrécit encore et encore, ça a entraîné ma décision de rentrer au Canada. Peut-être retournerai-je en Europe occasionnellement pour des tournées courtes, mais il n’y a aucun avenir pour moi à vivre ici toute ma vie comme un immigré clandestin.

Tu parles de “la fin du vinyle”. Penses-tu que tous les DJs de tous les styles auront bientôt à mixer sur CD ? Qu’en est-il des milliers de morceaux qui n’ont pas été sortis sur des netlabels ?

Oui, il semble que ça prenne cette direction de plus en plus. Il était établi que les platines vinyle étaient le dispositif principal de la régie son. Maintenant elles sont le plus souvent poussées sur le côté et les platines CD sont le standard. Peut-être que dans 5 ans, voire moins, les platines vinyle auront complètement disparu [Depuis cette interview, Panasonic a annoncé la fin de la production de ses légendaires platines Technics SL1200].

Je ne comprends pas du tout le principe du « net label ». Puisqu’il n’y a aucun coût lié à la sortie des morceaux, il n’y a plus aucun besoin pour des labels.

N’importe qui peut mettre ses morceaux en téléchargement sur internet. C’est devenu vraiment compliqué de chercher de la bonne musique puisque les labels agissaient comme des filtres exposant les meilleurs morceaux. Mais ça donne une chance aux gens qui veulent sortir leurs morceaux. Le seul problème est qu’il y a un océan de morceaux amateurs à passer au crible, donc ce qui relevait de la recherche de vinyles relève maintenant de la recherche dans les forums et les sites de téléchargement pour trouver de bons morceaux.

L’arme secrète du DJ

Penses-tu qu’il y ait une différence entre les DJ sur vinyle et les DJ sur CD ? Si oui, peux-tu expliquer?

De mon expérience, le feeling n’est pas le même. Quand j’ai commencé à aller en rave j’avais l’habitude de regarder le DJ de près, de scruter le label sur le disque qui tournait, et de voir le morceau qui allait suivre. De regarder le graphisme sur les pochettes. Le sac à disques était comme la pochette surprise du DJ. Son arme secrète.

Maintenant, regarder un DJ consulter son range-CD est aussi intéressant que de le regarder consulter un annuaire téléphonique. Ou regarder un DJ sur ordinateur portable est comme regarder quelqu’un consulter ses emails.

C’est pareil pour le mix, bien qu’il y ait beaucoup d’effets particuliers. Et s’il n’y a plus ce problème de diamant qui saute, mixer sur CD est un peu trop technique. Il n’y a plus cette sensation merveilleuse de claquer un bon gros vinyle sur la platine et toucher la musique avec ses mains. Mais c’est la voie que suit la société en général. Mettre des ordinateurs entre les humains et l’expérience réelle, tout ça au nom du « progrès ».

OK mais cette musique (techno, hardcore, terror, speedcore…) est née des ordinateurs. Ne devrait-on pas considérer ce progrès comme une chance plutôt qu’une menace ?

Eh bien ce n’est certainement pas sans bénéfices. Tu peux plus facilement appliquer des effets pendant le mix. Mais les gens doivent être avertis du côté négatif de tout ce « progrès ». Quand tout est facilement accessible, la valeur de chaque chose décroît. Et avec la musique en général, avec l’invention de l’iPod et la capacité de transporter avec soi des milliers de chansons, celles-ci ne sont plus aussi précieuses que quand elles étaient sur un album complet avec sa pochette et son livret. De même que tous les magasins de disques font faillite parce que la musique migre sur internet.

Cela revient à enlever l’interaction humaine de l’équation. C’est un gros changement, qui contient de bonnes choses, et des mauvaises. C’est juste qu’il est important de ne pas sauter aveuglément dans ce qu’on pense être un progrès sans comprendre les coûts cachés d’abord.

Quels sont tes 5 disques favoris de tous les temps ?

En vinyle : GFB vs Rotello – “One In Seven” / Sonic Overkill – “Born In Hell” (Speedcore) / Kenny Gee – “Full Scale Riot” / Canadian Speedcore Resistance 6. En CD : “Yatsuzaki Hardcore”. Et quasiment tout de Sonic Overkill, Mutante ou Speed Freak (c’est vraiment une liste au hasard de ce qui me vient à l’esprit là tout de suite).

Qu’est-ce qui pourrait faire que la scène redevienne plus grosse ? Est-ce que ce n’est pas une question de cycles de naissance-mort-renaissance ?

La scène évolue par cycles. Les grosses organisations se construisent sur une scène fertile, libre d’interventions policières et de restrictions gouvernementales, une fois qu’elles deviennent suffisamment grosses des organisations plus petites grandissent autour d’elles. Il finit par y avoir trop de soirées et il n’y a pas de quoi les faire tourner, alors la scène décline et seules les grosses organisations ont suffisamment d’assises financière pour continuer. Alors la scène rétrécit et si la base est toujours fertile, alors la même chose se reproduira. La difficulté maintenant avec la mort du vinyle et la facilité de téléchargement des MP3, c’est que beaucoup de grosses organisations souffrent que ce qui constituait une importante source de revenus ait disparu. Alors pour la première fois on voit des sociétés comme Midtown fermer leurs portes [Midtown existe toujours, ce sont d’autres qui ferment, NDA], et ce n’est pas bon signe, puisque si les grosses organisations coulent, ça sera très dur pour les petites de démarrer dans le futur puisqu’il n’y aura pas de scène sur laquelle se reposer.

Comment est-ce que Ian est devenu DJ Plague ? Quelle est l’histoire derrière le masque ? Comment tout cela a commencé ?

En 1996 il y avait un seul DJ à Toronto qui mixait hardcore, DJ Dominik. J’allais à chaque soirée où il jouait et j’attendais son set à 7 heures du matin. Il jouait toujours à la fin ou au début.

Mais j’ai fini par apprendre qu’il y avait bien plus de styles de hardcore, et après en avoir eu assez d’attendre qu’il sorte de nouvelles mixtapes j’ai décidé de mixer moi-même. Cependant une fois que j’ai commencé à acheter des disques, le hardcore est soudainement devenu lent et ennuyeux. Alors j’ai découvert Shockwave et des labels anglais comme Area 51 et plus tard Deathchant. C’est là que j’ai décidé de jouer du hardcore rapide, ou du speedcore, comme on dit.

Alors j’ai rencontré Interrupt Vector qui produisait du speedcore, and nous avons décidé de créer notre propre label, Canadian Speedcore Resistance (CSR). Grâce à des soirées organisées par Terrorist Kriss en ce temps-là (vers 2001), les choses ont bien évolué, jusqu’à ce qu’après quelques tournées j’ai déménagé en Europe pour me consacrer entièrement à CSR.

Quant au masque, j’ai compris qu’on ne peut pas avoir se montrer en ayant l’air normal, dans cette musique. Tu dois ressembler à ce dont la musique sonne, alors tu dois avoir un masque. A moins que tu sois The Vizitor qui a suffisamment l’air dur comme ça [The Vizitor est un DJ hollandais fervent pratiquant du body-building, NDA].

Le death metal de la techno

Serait-il possible que tu travailles avec un cirque qui ferait un spectacle avec des clowns qui feraient leur numéro sur fond de speedcore ?

Bien sûr que c’est possible. Regarde Insane Clown Posse, Slipknot, ou même Marilyn Manson. Tu as déjà vu Marilyn Manson sans maquillage ? Le mec a l’air complètement banal.

Tu es un des artistes terror/speedcore les plus importants. Pour ceux qui ne font pas la différence, que sont le terror et le speedcore, comparés au hardcore ?

Eh bien ce sont tous des termes inventés dans différents pays. Au Canada nous avions seulement le hardcore (Neophyte, Paul, RTC etc..) et le speedcore (DOA, Deathchant, Shockwave etc…)

Quand je suis allé en Hollande, tout le monde a commencé à appeler ce que je jouais “terror”, donc je me suis dit, OK, c’est du terror.

Je pense que le terror est dur et rapide, souvent avec des guitars et des cris, et tourne dans les 230 à 290 bpm. Je dis aux gens que c’est comme le death metal de la techno. (Le frenchcore étant quelque part de 190 à 230, le hardcore généralement de 150 à 190 bpm et le plus souvent basé sur un gros kick et des synthés, et le speedcore étant censé être plus rapide que tout et concentré essentiellement sur des rythmes rapides. Certains parlent de « splitter », qui fait penser à des mitrailleuses). Mais tous ces noms sont un peu vagues, et les gens vont en débattre pendant des jours sur les forums du web.

Est-ce que tu fais partie des gens qui pensent que le hardcore doit se réinventer du fait que le style “tout-pour-le-kick” a atteint ses limites ?

OUI ! Cela aurait dû commencer il y a très longtemps déjà. C’est la même chose depuis 10 ans ou presque. Quand ça a ralenti je pensais que cette tendance durerait 2 ans, mais ça continue encore 10 ans après.

Quels sont tes 5 morceaux préférés, en hardcore/terror/speedcore, de tous les temps ?

Difficile là encore… Et là encore, au hasard… Rotello vs GFB – “The Berzerk Manolo Macchetta” / Sonic Overkill – “Raise Ya Fist” / Mutante – “Money” / m1dy vs M-Project – “Squid vs Pantyhose” / D.O.A. – “New York City Speedcore” (un ultra-classique, NDA). La liste change tout le temps ! Il y a tellement de bons trucs…

Terror et speedcore partagent une particularité : c’est de la musique de soirée, et en même temps ils sont appréciés d’un public branché sur l’expérimental. Alors, en tant qu’artiste et manager d’un label, est-ce que tu te sens plus du côté soirée ou du côté expérimental ?

Je ne considère pas du tout que CSR soit expérimental. L’idée était de combler le vide entre le hardcore trop lent, et le speedcore trop rapide et extrême. De rester rapide, mais de rester écoutable également. A Toronto il y avait toujours des frictions entre le breakcore et le speedcore. Le breakcore essayait d’être plus expérimental et intellectuel, alors que le speedcore était juste une question de dire fuck tout.

Mon idée du speedcore est plutôt d’éprouver des émotions brutes et de laisser tes frustrations s’extérioriser par la musique. Honnêtement il n’y a pas beaucoup de place pour l’expérimentation dans ce genre musical. Ca se limite à des kicks et des samples et comment ils peuvent être découpés, arrangés et masterisés. Je sais qu’il y a pas mal de gens qui se targuent d’être expérimentaux et branchés. Mais je veux juste une musique très énergique avec un bon rythme qui te fait bouger. Si tu es trop expérimental alors ça ne se passe pas bien sur le dancefloor, alors que si tu es un DJ tu fais justement en sorte de le faire bouger.

Une fois j’ai vu un type dans une soirée avec un t-shirt qui disait « Fuck art, let’s dance » (« L’art va se faire foutre, dansons »). Tout est dit en peu de mots.

Filmer le plus de filles

Comment décrirais-tu l’évolution de la scène terror/speedcore depuis que tu es arrivé en Europe?

Difficile de dire ce qui a évolué. Je pense que c’est devenu un style à part entière plutôt que d’être dans la petite salle d’une soirée hardcore. Mais ça reste quand même encore pas mal confiné là-bas. J’ai vu récemment une vidéo de 1998 et la salle terror avait déjà exactement l’air de ce que c’est maintenant. L’énergie que la musique génère tendra à attirer les mêmes personnes, quels que soient l’époque ou l’endroit.

Donc plus les choses changent, plus elles demeurent.

Tu es aussi réalisateur. Quels conseils techniques donnerais-tu à quelqu’un qui filme les soirées ? Parce que les conditions sont difficiles pour une caméra (les lumières, le son…).

Haha ! Loue une bonne caméra, ne filme pas un dancefloor vide, filme beaucoup de lasers, bouge avec la caméra, et filme le plus de filles possible.

Est-ce que tu aimerais travailler avec un réalisateur de films pour composer la musique d’un long-métrage ? Est-ce que tu penses devenir réalisateur toi-même ?

Oui c’est possible. J’ai étudié les beaux-arts, et la réalisation de films en faisait partie. J’aime faire plein de choses, alors que faire juste du son ou du montage vidéo est limité. Je préfère faire toute la production, et créer tout un concept en ayant la main sur chaque étape du projet.

Imagine que tu as à organiser l’équivalent de Megarave au Canada. Quel serait ton line-up de rêve ?

Vraiment au hasard, et plein de gens diront “Oh, il a oublié lui et lui !”… Mais bon…

Salle Hardcore / Terror / Speedcore : Sonic Overkill – The Speed Freak – Mutante – Smurf – Fishead – Micropoint – Ron D Core – Drokz & Akira – Noisekick – The Vizitor – Moshpit – The Berzerker – m1dy – Ozigiri – RoughSketch – Speedloader ;) – et moi…

Salle Early Rave (tous jouent le style qu’ils jouaient en 1997) : Ruffneck – Neophyte – Rotterdam Terror Corps – Predator – Masochist – Scott Brown – Dj Dominik (Le DJ de Toronto qui a lancé le hardcore au Canada) – Brisk – Clarkee – SOS.

Quelles activités auras-tu une fois retourné au Canada ? Quel est le futur de Canadian Speedcore Resistance ?

En ce moment je travaille avec DJ Mutante sur un nouvel album. On a déjà quelques tracks et il en reste pas mal à faire. Pour le futur de CSR j’ai pensé à des façons de l’emmener un pas plus loin. Peut-être le transformer en bande dessinée ou même un dessin animé. Quelque chose qui puisse utiliser la musique comme une partie de toute une histoire. Une manière de lui donner une nouvelle dimension, comme ça elle n’est plus seulement confinée dans la petite salle d’une soirée hardcore. Il y aura toujours des gens qui voudront évacuer leurs émotions avec cette musique, alors cela est un moyen de toucher un public plus large. Ce qui est sûr, c’est que je travaillerai de plus en plus avec la scène japonaise. Ils ont plus d’un style qui m’intéresse. Une scène très éclectique, et un hardcore plein de variations, qui ne se repose pas seulement sur le niveau de dureté d’un kick. Ils ont plein de producteurs différents et ils ont plein de potentiel.

Nous verrons bien. Il n’y a pas de mort, juste des nouveaux départs.

Peux-tu présenter quelques musiciens japonais que tu aimes ? Vu d’Europe, le Japon est très loin et on ne connaît pas bien cette scène.

Il y en a plein, mais ça dépend de tes goûts car il y a une grande variété de styles. Il y a Sharpnel, m1dy, RoughSketch, M-Project, Ozigiri, Chucky, C-Type, Shimamura, Akira Death et plein d’autres. Ca va du speedcore extrême au happy hardcore, mais tout est bien fait.

Le show de DJ Plague, tous les jeudis soirs sur Hardcore Radio

Quid de la scène au Canada et aux Etats-Unis ? Vu d’Europe elle semble petite mais dynamique. Qu’en est-il des soirées, et du public ?

A Toronto il y a une scène très éclectique. Faite de plein de gens différents, de pays et de cultures différents. Il est impossible de faire une grosse soirée hardcore comme en Hollande. Il y a plein de clubs, tu ne peux pas demander plus de 5$ à l’entrée, alors c’est difficile de rentrer dans ses frais. Il est plutôt question de rassembler ses amis et de décider d’organiser une soirée. L’avantage de ça et que tu as plein de styles différents, et le public est généralement composé de gens qui aiment la musique. Puisqu’ils ont à rechercher ce genre de soirées, ça signifie qu’ils connaissent bien la musique et qu’ils viennent l’esprit ouvert.

Vas-tu toujours aux soirées en tant que public, pour t’éclater et boire un coup ? Ou vas-tu aux soirées seulement quand tu es booké en tant que DJ ou liver ?

De moins en moins. J’aime la musique et l’aimerai toujours, mais plus tu vieillis, moins tu as d’énergie pour faire la fête et boire des coups. C’est un autre facteur de ma décision de repartir au Canada. Je ne vais jamais totalement abandonner la musique, puisque je l’aime, et sans doute reviendrai-je pour des bookings particuliers. Mais ça ne doit jamais devenir un job que je fais seulement pour l’argent. Si tu le fais seulement pour l’argent et pas par amour de la musique, tu dois arrêter. Tu dois toujours être passionné par ce que tu fais.

Cet article a été initialement publié sur culture DJ

Crédit photo flickr CC: Christiano Betta; Roberto; Amandabhstater, miss_blackbutterfly

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[ITW] Davy, fondateur de Rewind : la nuit lui appartient http://owni.fr/2010/10/29/itw-davy-fondateur-de-rewind-la-nuit-lui-appartient/ http://owni.fr/2010/10/29/itw-davy-fondateur-de-rewind-la-nuit-lui-appartient/#comments Fri, 29 Oct 2010 10:02:31 +0000 Florian Pittion-Rossillon http://owni.fr/?p=27489 Florian Pittion-Rossillon tient le blog Culture DJ, sur lequel il parle de la vie nocturne de manière décalée et rafraichissante. Il collabore à OWNImusic de manière régulière.

La prophétie annonce que 2010 sera la décennie de la Gloire Nouvelle de la nuit française. Pendant que certains valeureux s’activent côté institutionnel et médiatique, d’autres agissent sur le terrain et proposent enfin des évènements pour la génération New Clubbing. Rencontre avec Davy, tout feu tout flamme, oeil coquin et moue boudeuse en sus.

Davy, tu as créé Rewind (organisation de soirées, booking) et tu es une des figures du clubbing parisien, avec des évènements qui animent des clubs de plus en plus nombreux. Batofar, Nouveau Casino, GlazArt et bientôt La Machine du Moulin Rouge. Peux-tu présenter précisément ces soirées ?

Nous avons trois concepts de soirées très distincts. Il y a les All Naked que l’on retrouve maintenant exclusivement au Batofar avec un style plutôt dirty, fidget (le côté sale de l’electro) avec des artistes tel que Gigi Barocco, Mightyfools, Toxic Avenger… et avec un coté booty puisque de nombreux groupes de Hip Hop participent à ces soirées (Da Krew, Comic strip, Gerard Baste, Panpan Master…).

Les soirées I Wanna Lick It ont lieu au Nouveau Casino. Le style est plus dutch / break / tropicale avec de grand producteurs de la scène electro mondiale tel que Miles Dyson, Sound of Stereo ou Will Bailey, des line-ups plus pointilleux pour une musique qui regroupe aussi tout le style underground du clubbing parisien.

Nous avons aussi les soirées Trash’n’Dirty qui se déroulent notamment à GlazArt. Nous privilégions plus la scène sur ces soirées, avec des groupes tel que Silvouplay ou Dick Lorentz, avec souvent des performances au rendez-vous et un gros spectacle live.

Concernant la soirée de La Machine c’est un projet totalement différent. Nous sommes trois associations réunies : Rewind, Bang Gang et Bass Society. Nous regroupons l’ensemble de la bass music sur 3 dancefloors avec les différents style de l’électro du moment, associés à la drum’n'bass et au dubstep !

Qu’est-ce que tu promets au public qui viendra à La Machine ? Tu vas faire quoi pour que cette soirée soit mortelle et déchiratoire ?

Je lui promets une soirée pleine ! Un programme choux, jambon, pommes de terres, poitrine de porc : une vraie choucroute de l’electro !

Du beat en veux tu en voilà sur tout les styles de la bass music, qui fera trembler les murs et pas mal de surprises. Notamment visuellement sur le mainstage avec une installation scénographique de Mosquito Massala et surtout Mightyfools qui nous reviennent de la Hollande avec leur énergie (l’autre pays du fromage et sûrement un des premiers de l’electro). Aussi en dubstep les talentueux anglais Kromestar et Sukh Night ! Une salle de la chaufferie qui va faire transpirer la drum’n'bass avec notamment Ez-Rollers et DJ Panik. Et le bar à bulles Booty, Trash et Fidget en haut avec tout le gratin parisien de différentes organisations, notamment Captain Cadillac des Booty Call, Nostromo des Rewind, Hybu des Bass Society et nombreuses surprises ! C’est une soirée qui va tacher !

Essentiel que les gens s’amusent

Tu travailles hors de Paris également. Où précisément et comment vas-tu étendre ton activité dans les mois qui viennent ?

En effet, nous avons déjà eu plusieurs expériences notamment dans le sud de la France, dans l’est et un peu partout en fait. Pas mal de projets sont en cours sur différentes villes et salles. Nous avons déjà fait pas mal de soirées sur Toulouse, Perpignan, Dijon. Pour le reste vous le saurez très bientôt !

Nous partons aussi sur plusieurs soirées en Belgique notamment à Liège le 20 novembre. Nous avons à grand coeur de souvent travailler avec les belges, très actifs sur la scène électronique, souvent invités dans nos soirées !

Ton top 5 albums, tous genres confondus ?
Rage Against The Machine – “Evil Empire” ; Phoenix – “Wolfgang Amadeus” ; Mano Negra – “Casa Babylon” ; Bérurier Noir – « Viva Bertaga » ; Svinkels – « Tapis Rouge »

Quel est ton rêve d’organisateur d’évènements ? Ta soirée idéale ?

Mon rêve est déjà de pouvoir en vivre et surtout de durer, et ce n’est pas forcément chose facile de nos jours avec toutes les contraintes que l’on nous met dans les pieds. Il est pourtant essentiel dans une société que les gens s’amusent, se défoulent et puisse jouir de la musique et de la fête. On nous parque et canalise dans certains lieux qui eux-mêmes sont souvent menacés… La France à réellement un cran de retard sur d’autres pays comme la Hollande, la Belgique ou l’Allemagne … et ça se ressent aussi sur les soirées …

Sinon la soirée idéale … Je pense qu’elle n’existe pas ou si elle existe tu dois vite te faire chier, c’est souvent emmerdant quand c’est trop parfait ! Ou alors il faut beaucoup d’alcool !

Tu expliques : “Mon rêve est déjà de pouvoir en vivre et surtout de durer, et ce n’est pas forcément chose facile de nos jours avec toutes les contraintes que l’on nous met dans les pieds”. Est-ce que tu peux donner des détails à ce sujet ?

Ca va de la petite soirée en bar à la soirée en club ou Zénith … Je prendrai d’abord l’exemple des bars avec l’interdiction de fumer , les gens fument dehors , ça fait du bruit , ça dérange et ça compromet ce genre de soirées … En club il y a beaucoup de deals non équitables au vu du travail fait par les associations, certaines combines pas toujours honnêtes , des points de détail qui se durcissent et qui coûtent cher à l’organisateur alors que cela ne coûterait presque rien au club … Et pour les grosses soirées des soucis type sécurité dérisoire et prix exorbitants qui souvent empêchent les autorisations pour organiser… L’electro reste encore le vilain petit canard de la scène française et nombreux sont ceux qui voient la musique et le public d’un très mauvais œil, ce qui n’aide rien à la développer. Que ce soit venant des professionnels, les politiques ou le public.

Le problème #1 de la France

Sur quels points la France est-elle en retard et quelles sont les conséquences ? Quelles sont les solutions ?

La France est en retard sur le professionnalisme, la fréquence et surtout la fréquentation des événements. On peut voir de nombreux français partir régulièrement tous les weekends dans ces pays pour faire la fête … On voit peu d’allemands ou hollandais venir faire la fête en France. C’est dommage car une ville comme Paris à les capacités et les moyens, ainsi que les lieux pour devenir une réelle capitale de l’electro mais hélas les problèmes dont j’ai parlé empêche notamment ce développement … Je ne sais pas si il y a des solutions à part faire évoluer les mentalités mais notre pays est très conservateur et n’aime pas trop les changements … Donner plus de moyens, plus d’ouverture et faire confiance à plusieurs organisations très compétentes pourrait déjà permettre des événements plus intéressants et originaux qui attireraient le public étranger (je pense a des festivals comme on voit en Hollande type Ground Zero, Q-Base, Dance Valley, etc … ). Des collaborations avec des pays étrangers genre bus/pack voyage… sur des soirées et une communication plus basée sur l’Europe que notre pays aussi … même si je pense que certains le font déjà.

Finalement, le problème #1 de la France, c’est les clubs pas gentils, le voisinage pas gentil, les politiques pas gentils, les prix pas gentils ?

Non ça c’est partout c’est le jeu ou le business comme on dit… Mais les pires pas gentils c’est en France !

Dans l’idéal, tu te professionnaliserais en devenant producteur d’évènements ? Comment souhaites-tu pérenniser ton activité ?

Oui, produire des événements notamment. Mais je travaille aussi beaucoup sur les bookings avec mon agence Rewind Bookings afin de développer notre terrain de jeu et nos DJ sur d’autres soirées et essayer au maximum de bouger de Paris aussi. Car je suis de province comme la plus part des personnes qui travaillent avec moi dans Rewind. Nous avons à grand coeur de faire partager notre musique et notre énergie dans les contrées les plus lointaines du pays, et même de l’Europe et l’agence de booking nous permet de pas mal voyager.

En pour durer je pense qu’il faut continuellement se renouveler et garder le fil comme un DJ doit toujours être à la page de la musique. Les soirées, les projets doivent évidemment rentrer aussi dans ce contexte ! Monter en puissance aussi en proposant des événements et des concepts toujours plus novateurs car le public se lasse vite de nos jours et surtout encore et toujours garder la pêche !

Beaucoup de sous-genres electro sont apparus ces dernières années. Fidget, dirty, booty,… Selon toi, quelle tendance faut-il suivre ?

C’est plus des tendances que des styles, tout évolue tellement vite. C’est un courant musical du moment et je pense qu’on peut tout regrouper dans l’electro . On peut ajouter à ça le grime, le trash, la dutch, la tropicale, etc … Et dans un an on trouvera d’autres noms et d’autres styles. Ils se mélangent même des fois dans un seul morceau… Les gens viennent pour faire la fête et danser quel que soit le style, c’est dancefloor donc ça marche ! Mais personnellement je suis plus electro-rock et dirty !

Ton top 5 des tracks de musique électronique de tous les temps ?
Rolando – “Jaguar” ; Daft Punk – “Aerodynamic” ; Vitalic – “Poney Part 1” ; Bloody Beetroots – “Cornelius” ; Paul Kallbrenner – “Sky And Sand”

Tu as commencé dans le hardcore. Est-ce que le string de l’electro sent meilleur que le treillis du hardcore ? Autrement dit, qu’est-ce qui explique cette évolution ?

En fait j’ai commencé dans le rock bien avant le hardcore … Mais concernant le string il est aussi mouillé qu’un bon treillis dans le hardcore. Il sent peut être un peu moins fort, c’est tout.

En fait ce n’est pas une évolution c’est juste une histoire différente … Je pense avoir fait le tour dans le hardcore, trop de soirées, trop de projets, peu de considération et surtout très peu de salles en France dans lesquelles développer cette musique. Le style fait peur … Les soirées devenaient toutes les mêmes et en général j’aime aller en soirée pour faire la fête plutôt que voir des gens faire la gueule, ce n’est pas une généralité mais c’est ce que je retrouvais le plus souvent. Et heureusement ce n’est pas le cas partout. C’est pour ça que j’aimais aller retrouver ce coté hardcore dans d’autres pays comme la Hollande ou les gens savent faire la fête … Or ce coté festif que j’avais perdu avec le hardcore je l’ai retrouvé dans l’electro. Mais quelque part le hardcore c’est de l’electro. C’est juste une branche du grand arbre tout comme la branche dans laquelle je suis en ce moment … J’avais juste besoin de changer d’air en fait, la boucle était bouclée !

Après on peut retrouver dans la fidget les nappes du gabber type PCP avec un coté dance et house, dans le dirty on retrouve le sale du hardcore, avec dans chaque style un coté très dancefloor. C’est un peu pour ça aussi que le hardcore m’a naturellement amené à l’electro, comme pas mal de DJ en fait aujourd’hui.

Incroyable festival en plein Paris

Comment expliques-tu l’importance du public féminin dans les soirées ? Tu fais quoi pour attirer les filles dans tes soirées ?

C’est simple qui dit fille dit mecs… Personnellement ça m’est complètement égal du moment que les gens s’amusent. Mais hélas pour un club il est vrai que pour son image et l’ambiance il faut un équilibre des sexes, même si les filles peuvent rentrer souvent sans mecs … le contraire c’est plus rare…

Mais elles sont souvent plus expressives sur un dancefloor, souvent décadentes et sexy. Ca chauffe l’ambiance et la soirée. Et même si elles sont ridicules au moins on se marre et c’est toujours ça de pris ! Un strip-tease d’un mec par exemple complètement bourré avec la raie du cul et les poils qui dépassent, ça fait tout de suite moins vendeur, même si moi ça me fait bien marrer aussi ! Et pour attirer les filles … Je mets du Axe…

Imagine ton festival de musique électronique parisien rêvé…

Une “Dance Valley” parisienne du coté de Vincennes, le Parc de la Villette ou le Parc de Saint-Cloud sur une semaine avec différentes salles et scènes regroupant tout les styles du moment de l’underground avec spectacles de rue… Le Parc de la Villette serait génial pour ça, avec toute les salles et l’espace vert il y aurait vraiment moyen de faire un incroyable festival en plein Paris, avec de la nature en plus de ça ! En plus c’est à coté de chez moi … ça fait rêver !

Ton top 5 de DJs favoris ?

En hip hop / electro je suis un gros fan de DJ Pone depuis toujours par sa technique, son originalité et son jeu de scène, son coté rock aussi. C’est pour moi l’un des meilleurs depuis l’âge d’or des Svinkels…

J’ai toujours aussi été très impressionné aussi par AK47, il a souvent osé et innové mêlant différents styles dans le hardcore en passant par la jungle, le hip hop, etc…

Sinon j’adore beaucoup aussi Elite Force aka Zodiac Cartel qui joue plutôt breakbeat, qui a vraiment une puissance incomparable. Je l’ai découvert il y a pas longtemps sur un mix 3 platines mêlant beaucoup de genres et j’ai vraiment pris une grosse claque !

Et forcément il y va y avoir 2 DJ de mon crew. DJ Ecarat car c’est réellement un véritable boulimique de tracks, un des seuls sûrement qui est autant à la pointe de l’actualité musicale en France sur un style electro allant de la dutch à la fidget et bien d’autre styles.

Le deuxième serait DJ Nostromo qui a une technique hors pair, pour moi l’un des plus confirmés et efficace sur un dancefloor à l’heure actuelle, que se soit sur un style minimal/techno ou fidget/dirty. Il a un grand pouvoir sur la scène, bref dj c’est un métier et ces deux là savent travailler !

Article initialement publié sur le blog Culture DJ

Crédits photos : Rewind.

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Qui a encore peur de la musique techno ? http://owni.fr/2010/10/19/qui-a-encore-peur-de-la-musique-techno/ http://owni.fr/2010/10/19/qui-a-encore-peur-de-la-musique-techno/#comments Tue, 19 Oct 2010 13:20:33 +0000 Florian Pittion-Rossillon http://owni.fr/?p=27144 Florian officie la nuit sous le nom de Dj Speedloader, et écrit sur le blog Culture Dj.

Le rock en tant que culture, c’était du prêt-à-penser pour les baby-boomers de la génération consommation. La Techno en tant que musique, c’est l’étendard du fun dans une société post-triste. On aimerait s’y rallier dans une ferveur prophylactique. Mais voilà, on ne peut pas.

A la fin des années 80, il est de bon ton d’en rire après l’avoir affublée d’un « musique de pédés » sans appel. Au milieu des années 90, s’inscrivant dans le temps et s’arrogeant une popularité croissante, elle fait peur. Au début des années 2000, la Techno, devenu réservoir à fantasmes, voit les édiles organiser promptement sa cérémonie funèbre : le « retour du rock ». Parce que le format groupe / couplet-refrain / album / concert-qui-se-termine-tôt, c’est forcément mieux.

Le DJ est devenu une figure populaire, trop bien pour les meufs.

Est-ce que les BB Brunes, The Gossip et les Libertines ont libéré la France de l’angoisse qui poigne ses entrailles à chaque évocation du Mot ? La Techno fait-elle (encore et toujours) peur ?
Moins ! Car elle s’est banalisée.

- Après 25 ans dans le paysage, elle profite de l’effet « on-s’habitue-à-tout ».
- Le DJ est devenu une figure populaire, généralement affublée des valeurs de sympathie, fun, mode, trop bien pour les meufs.
- Les sonorités électroniques dansantes sont partout, de la musique de publicité à la pop de jeune fille à frange.
- La Techno a libéré les danseurs occasionnels de la honte d’avoir à effectuer des pas de danse imités d’un film ou d’un clip.

Les sonorités électroniques dansantes – boucles, beats – sont utilisées partout : pop, R&B, hip-hop

Mais toujours trop ! Car la France a peur.
- Après 25 ans dans le paysage, la Techno pâtit de l’effet « free party », dont l’ampleur en France la distingue de ses voisins européens
- Le DJ est devenu une figure populaire, souvent raillée, car bien peu de gens savent ce qu’il fait vraiment quand il n’a pas les bras en l’air.
- Les sonorités électroniques dansantes – boucles, beats – sont utilisées partout : Pop, R&B, Hip-Hop, mais signalées nulle part. Moderne ingratitude.
En France, Techno rime toujours avec malentendu. La réunion de conditions propices à son développement, grâce à l’expansion de la culture New Clubbing, n’y suffit pas : subsiste un goulet d’étranglement. Tentative de détection.

La Techno peine à faire reconnaître sa viabilité économique

Dans l’écosystème Techno, tout se joue sur le dancefloor. Tout s’y passe, tout en vient. A la base de la pyramide : les DJ bars. Puis, en montant : les clubs (le cœur de l’offre), les raves/events, et les festivals.

En France, la Techno peine à faire reconnaître sa viabilité économique car son circuit de diffusion physique est déséquilibré et rachitique. Il y a très peu d’évènements et de festivals, et les clubs qui tournent, au cœur de l’offre, sont peu nombreux. Par conséquent, les dernières années ont vu une scène Techno essayant de se développer par le point d’entrée le plus accessible, les bars.

Or, quel que soit leur équipement et leur communication, ils ne pourront jamais prétendre proposer un niveau d’ambiance équivalent à celui des clubs, et a fortiori des évènements. Les bars, c’est bien pour les before, et pour que les DJ débutants se fassent la main. Jamais ils ne rendront la nuit magique. Les bars sont une fausse piste.

Les angoisses gauloises, nourries de récits apocalyptiques de free parties saccageuses de pâturages.

Alors, lestée d’énormes contraintes, anémiée par la rareté des fondamentaux, la scène française est fertile en épiphénomènes et en figures extra-Techno (David Guetta, Justice, Daft Punk, à la Techno ce que les Beatles étaient au rock : une gentille initiation) constituant la marge d’un épicentre que l’on aimerait voir croître enfin.

Les associations, cœur et poumon de la scène Techno française.

L’éco-système Techno français, dynamique mais peu structuré, peinant à se doter d’évènements très visibles, souffre par suite d’un déficit de représentation médiatique. D’où la persistance des angoisses gauloises, nourries de récits apocalyptiques de free parties saccageuses de pâturages.
Les observations qui précèdent ne diminuent en rien le travail héroïque des associations, cœur et poumon de la scène Techno française.

Associations qui, malgré le coût exorbitant des lieux, les pressions subies pour tapage nocturne (accentuées par la législation sur la cigarette imposant au public de fumer dans la rue si le lieu n’a pas de fumoir), et la concurrence des DJ bars ayant reconverti leurs caves en piste de danse, continuent d’animer nos nuits.
Les observations qui précèdent ne diminuent en rien le travail courageux des clubs et lieux qui maintiennent des programmations audacieuses, drôles, innovantes, ou alors simplement distrayantes. L’entertainment n’est pas honteux.

L’arrivée de professionnels de la communication et du spectacle

Il reste que pour que la France arrive à vaincre sa peur de la Techno, il faudra que celle-ci réussisse son intégration économique à grande échelle. Celle-ci passe par la viabilisation d’une économie des clubs, raves/events et festivals. Et donc par un afflux massif de professionnels de la communication et du spectacle dans la conception et la promotion d’évènements Techno. La décennie 2010 sera celle de la rencontre entre son potentiel mal connu et une économie des clubs basée sur des modèles à renouveler. Espoir !
A suivre donc :
- La Techno, quel potentiel pour quel bénéfices ?
- Les clubs, quels modèles pour quel avenir ?

En gardant en tête que pour la Techno, tout se joue sur le dancefloor.

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Cet article a été initialement publié sur Culture DJ

Crédits photo Flickr CC : iamdonte, little_fella_dynamics

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