La scène suédoise sous l’oeil de Julien Bourgeois

Le 24 mars 2011

Julien Bourgeois, photographe français tombé amoureux de la Suède et de sa scène musicale, nous parle de ce pays atypique et riche d'une scène musicale foisonnante.

Julien Bourgeois a 30 ans. Photographe depuis 2004 il est tombé amoureux de la Suède et de ses musiciens. Fasciné par la variété et le nombre d’artistes passionnants venus de ce pays Scandinave, il a décidé d’aller rencontrer ces artistes dans leur pays natal, et de les photographier dans un lieu qui leur était cher, dans lequel s’inscrivait leur démarche artistique. Un projet un peu fou…

Mais voilà, tout autant fasciné que lui par la vivacité et la qualité de la scène suédoise, j’ai moi aussi décidé d’aller rencontrer, en plein milieu du rude hiver suédois, ces artistes qui donnent à la pop contemporaines quelques unes de ses lettres de noblesse. Avant de pouvoir lire ce reportage sur OWNImusic, il était normal d’aller poser à Julien quelques questions…

Peter, Björn & John (c) Julien Bourgeois

Est-ce que vous pouvez vous présenter, vous et votre parcours ?

J’ai commencé par faire de la peinture, j’ai fait deux ans de beaux arts après mon bac à Dunkerque. Très vite l’enseignement de l’art assez figuratif m’a frustré. Je n’ai pas trouvé la technique que j’aurais aimé qu’on m’enseigne. Mais j’y ai découvert la photo : j’ai préparé les concours pour aller à l’école nationale de photo à Arles. J’y ai passé trois ans, j’ai terminé en 2004 et depuis je vis à Paris. J’ai commencé presque directement à faire du portrait, j’ai contacté quelques musiciens…

Vous avez tout de suite été attiré par la musique ?

Oui j’ai toujours été fasciné par la musique. J’achète des disques et je pouvais passer des heures à écouter de la musique, mais toujours en regardant les pochettes.

Il y avait déjà ce lien entre le visuel et la musique ?

Oui il y avait vraiment ça. J’étais très mauvais musicien. Quand j’étais ado j’avais un groupe, mais c’était juste pour s’amuser, j’ai jamais eu vraiment l’envie ni la capacité d’écrire des mélodies, je vois plus des images que des sons.

Comment en êtes-vous arrivé à travailler sur la Suède ?

C’est arrivé depuis mon diplôme jusqu’à maintenant. En travaillant avec pas mal de musiciens j’en ai rencontré quelques uns qui étaient suédois. L’institut suédois, à l’époque le centre culture suédois, faisait beaucoup de concerts, beaucoup de musiciens y jouaient. J’ai commencé à avoir des liens avec eux parce qu’ils me voyaient souvent dans les parages et je travaillais souvent avec des musiciens qu’ils défendaient.

Ça s’est passé comment, comment ce projet a-t-il commencé ?

Je discutais avec un ami journaliste qui me disait « j’aimerais faire un livre avec tes photos ». Je suis trop jeune pour faire une rétrospective (rires), mais l’idée du livre c’est un espace qui m’intéresse beaucoup, bien plus que l’exposition par exemple. Je me suis dit que ce serait intéressant et j’ai commencé à faire des listes d’artistes qui m’intéressaient. Je me suis rendu compte qu’il y avait peut-être 50 % de suédois. Ce qui était très mystérieux. Ce livre est parti de là, je voulais comprendre pourquoi il y avait autant de suédois qui m’intéressaient alors que je connaissais pas grand chose de ce pays. Ça restait un peu mystérieux, un pays enneigé et vague et c’est tout. Le projet est parti de là.

Vous avez contacté l’Institut Suédois et vous leur avez dit : je veux faire ce projet ?

Même pas. J’ai décidé que je ferai ce projet, j’avais économisé un peu pour le faire, je suis parti une semaine, j’ai pris quelques contacts avec des musiciens là-bas. Je suis parti 5 jours en mars dernier et le projet a été super bien reçu, les musiciens étaient d’accord pour participer. Je connais les gens de l’Institut Suédois de Paris à qui j’en avais parlé quelques jours avant de partir. C’est de là que tout est parti. Le livre je suis à la moitié du boulot porur l’instant.

En deux mot, ça va consister en quoi ?

Des images et des textes mais plus images, ce sera avant tout un livre de photos. Je demande aux musiciens de me montrer un endroit qui les inspire, qu’ils aiment, qu’ils ont envie de me montrer, de partager, pour essayer de comprendre le lien qu’il y a entre la Suède et puis tous ces musiciens. Pourquoi autant de musiciens, pourquoi est-ce qu’il y a de la musique parfois aussi pointue, mais qui s’exporte aussi bien… C’est assez curieux et très intriguant.

Avant de partir en Suède en mars, vous n’y aviez jamais été ?

Pas du tout. Je connaissais pas grand chose de la Suède, à part ce que Peter avait pu me raconter. En plus, il a un rapport assez particulier avec son pays, puisqu’il n’y habite plus depuis plus de 10 ans. Ce qu’il m’en racontait, c’était quelque chose d’exotique même pour lui.

Qu’est-ce qui ressort principalement de votre travail ? Est-ce que vous avez déjà un début de réponse pour expliquer pourquoi autant de groupes suédois s’exportent ?

J’ai déjà des éléments de réponse, puisque c’est une question que je leur pose à tous ou presque. Chacun a à peu près sa réponse. Il y en a beaucoup qui se recoupent. Pour beaucoup, leur pouvoir d’exportation vient de leur maîtrise de l’anglais ce qui est le plus évident. Les Suédois sont également assez fondus de nouveautés, ils aiment ce qui vient de sortir. La musique est aussi dans cette idée-là depuis quelques années : on recherche toujours le nouveau groupe qui va sortir, du coup les suédois sont très attentifs, toujours à la recherche du nouveau groupe. Du coup, il y a beaucoup de nouveaux groupes qui sortent parce qu’ils espèrent profiter de cette dynamique. J’ai trouvé aussi une grande cohésion de la scène musicale suédoise, tous les musiciens se connaissent.

Pendant longtemps la scène suédoise a été une communauté qui a pensé par le « nous » et pas par le « je » du coup tout le monde s’entraide. Si on regarde les notes de pochettes, tout le monde joue sur les disques de tout le monde. Je l’ai ressenti aussi en les contactant : quand j’en photographie un, il me met en relation avec un autre, et ainsi de suite. La scène est très liée, d’abord parce que c’est un petit pays mais aussi parce que les gens ne se tirent pas dans les pattes.

Mai (c) Julien Bourgeois

Il y a une certaine émulation ?

Oui, vraiment, je le ressens comme ça. Bien sûr, il y a des gens qui ne s’aiment pas entre eux, mais je pense que cette solidarité est très spécifique à la Suède.

C’est peut-être du au fait que le pays est petit ?

En tout cas il y a une scène beaucoup plus importante quand on la compare au nombre d’habitants. C’est énorme ! Tout le monde a fait de la musique quand ils étaient petits, je pense qu’il y a plus de musiciens en Suède qu’en France par rapport à la population.

Il y a une vraie différence en termes d’éducation musicale ? Elle est plus présente ?

Oui. Presque tout le monde apprend un instrument quand ils sont jeunes. Même si c’est juste le chant, ils apprennent à maitriser la musique. Ne serait-ce que les chants de Noël, tout le monde chante il n’y a pas de pudeur à chanter. Ça n’a pas l’air d’être aussi fastidieux que notre approche de la musique, qui est de marteler du solfège. C’est une approche assez naturelle qui je pense les prédispose à monter des groupes. Beaucoup de musiciens me disent que quand ils étaient jeunes, c’était le sport ou la musique : soit on fait du foot soit on monte des groupes. Donc certains deviennent footballeurs, d’autres musiciens !

Est-ce que vous pensez qu’il y a des facilités, en termes pratiques, d’être musicien en Suède ? Davantage qu’en France ?

Il y en a eu. Je pense que ça changé. Il y a eu beaucoup d’aides aux groupes pour avoir des locaux, pour répéter, il y a 15-20 ans. Tiens, fais de la musique, tu peux aller t’acheter des instruments, monter ton groupe, tu as un local pour répéter. Je pense que ça a développé beaucoup puisque ça correspond à la scène actuelle, les gens qui ont bénéficié de ça correspondent à ceux qui émergent maintenant ou qui ont émergé il y a 5 ans.

Il n’y a plus cette politique ?

Ça a été restreint et je pense que ça va l’être un peu plus encore parce que politiquement ça se resserre.

Est-ce que le caractère lisse, codifié, très normé de la société suédoise pousse les gens à s’exprimer, à extérioriser différemment, avec la musique ?

C’est vrai que vouloir sortir du carcan est un aspect qui doit susciter des vocations d’artistes. Je connais un peu le Japon, qui est encore plus fermé que ça, et qui du coup favorise des trucs complètement fous. La Suède a ce côté là, à une moindre échelle parce que ce n’est pas aussi fermé. Mais à mon avis ça pousse les gens à s’exprimer aussi. Ça a poussé aussi l’apparition d’Internet, de l’individualité, pouvoir se mettre un peu plus en avant.

Ils sont un peu tiraillés depuis quelques années. Est-ce que c’est la société qui prime sur la personne, alors que le monde fait que j’ai envie d’exister en tant que personne ?

Ce tiraillement se ressent, les gens ont vraiment envie de l’exprimer.

Est-ce que cet ancrage dans le territoire au sens physique du terme, même la situation géographique, le fait qu’il fasse très froid en hiver a une vraie influence sur la musique ?

Certains me disent que oui, que la Suède, comme depuis quelques années tous les pays nordiques, développe beaucoup de musique, d’art, parce qu’ils n’ont que ça à faire pendant 6 mois de l’année. D’autant plus qu’ils ont une culture musicale, c’est naturel pour eux d’aller vers la musique. Du coup, ça les amènerait dans cette direction, certains me l’ont dit en tout cas. Ça se confirme dans d’autres pays comme l’Islande, le Danemark ou la Norvège.

Pour certains ça ne joue pas du tout ?

Certains m’en ont jamais parlé, certains composent aussi bien l’été que l’hiver, d’autres voyagent beaucoup donc composent en voyageant.

Est-ce que le fait qu’ils aient de plus en plus de succès, qu’ils exportent, qu’ils tournent dans le monde entier, tout ça ne les éloigne-t-il pas un peu de la Suède ?

Jens Lekman ne vit plus en Suède depuis quelques années maintenant, presque 5 ou 6 ans. Un moment il en a eu marre de la scène suédoise, d’être estampillé suédois. Il est parti à New York, maintenant il vit en Australie, mais il revient en Suède ne serait-ce que pour enregistrer ses disques.

Il y a quand même ce lien…

C’est un lien un peu étrange, entre la répulsion et l’attraction. En tout cas il y revient. C’est un peu comme revenir chez soi, dans sa famille : on a la famille qu’on a on choisit pas, comme un pays. Parfois on a besoin d’y revenir, ne serait-ce que pour se dire : ‘je suis bien où je suis’ ou plutôt ‘ça me fait du bien de revenir aux sources’. Il y a plusieurs cas de figures, mais je pense que ceux qui se sont exportés reviennent quand même régulièrement.

C’est aussi un trait suédois que de vouloir partir…

C’est ce que Jens Lekman me disait : ce qui a pas mal changé en Suède c’est que les musiciens n’avaient pas honte, mais ils ne criaient pas sur les toits qu’ils étaient suédois. Leurs références étaient essentiellement américaines et anglo-saxonnes, être suédois n’était pas quelque chose dont il étaient spécialement fiers. Ils se sont mis à faire de la musique sans avoir honte et sans revendiquer spécialement des influences outre-Atlantique, et petit à petit ils ont commencé à se dire : ‘c’est chouette d’être suédois’, ça leur va bien finalement.

Ils ont toujours eu, même historiquement, cette impression d’être tout petit à côté de grands. Ça se ressent aussi dans l’art, dans la peinture, ils ont une culture artistique très tardive. La musique est assez révélatrice de ça aussi, le fait qu’ils s’exportent beaucoup depuis quelques années, ça montre qu’ils commencent à vouloir montrer leur « suéditude ». Je crois que ça a été un gros changement à ce niveau depuis quelques années.

Vous dites suéditude… Est-ce qu’il y a un son suédois ?

Je dirais que c’est la place que prennent les arrangements, en tout cas dans la scène pop indie : c’est à la fois très produit, je ne dirais pas lisse, mais presque. On recherche de la beauté, quelque chose de très proche du sentiment.

La Suède a eu très vite un accès très important à internet, qui s’est propagé très vite, est-ce que ça a eu un impact sur la musique ?

C’est certain. Ça a eu un impact sur la musique, surtout pour la faire connaître en dehors des frontières. J’ai l’impression qu’à un moment donné la reconnaissance musicale est venue presque plus de l’étranger que de la Suède, ce qui a fait que la scène a pu s’exporter dans le monde et « s’auto-apprécier » après ça. Je pense qu’ils ont eu besoin de la reconnaissance de l’étranger, ce qui est venu par l’Internet.

On parle beaucoup de la fin du modèle suédois. Est-ce que ça a un impact, ce changement sociétal ? Vous n’avez peut-être pas assez de recul puisqu’il faudrait être là depuis 15 ans… Mais est-ce que les artistes en parlent ?

Certains en parlent. J’en ai vu beaucoup très choqués par les résultats des dernières élections [qui ont amenées, une vingtaines de députés xénophobes au Parlement, ndlr.], je pense qu’ils ont du mal à comprendre. En étant des artistes dans un pays historiquement de gauche je pense qu’ils ont vraiment eu du mal à comprendre ça. Mais je ne sais pas quelle influence ça a sur la musique. Globalement ce ne sont pas des gens très engagés dans leur musique, ce qui ressort surtout c’est les sentiments, c’est d’exprimer ce qu’ils ressentent. Politiquement, je ne ressens pas beaucoup d’engagement politique dans la musique.

Il n’y a pas cet engagement politique de la musique comme il peut exister en France ?

Exactement. J’ai pas vraiment trouvé, bon peut-être que depuis quelques années tout allait assez bien en Suède, il n’y avait pas besoin de monter au créneau. Peut-être que ça va changer, c’est intéressant de voir les évolutions dans quelques années, si ça se retrouve dans la musique.

Nina Kinert (c) Julien Bourgeois

Est-ce que vous avez eu l’impression que les musiciens suédois utilisaient comme influence des choses suédoises et pas seulement anglo-saxonnes ?

Ils utilisent quelques trucs suédois, justement ce côté chorale qui apporte beaucoup aux arrangements, soutenir la mélodie avec beaucoup d’instruments, construire vraiment quelque chose autour de la mélodie. J’en parlais avec Peter Van Poehl qui me disait qu’il essayait souvent de trouver des arrangements proches des chœurs de l’armée du salut, des chants de Noël qui sont pour lui une grand inspiration, qui ne se retrouvent pas tels quels dans sa musique mais qui sont pour lui une base de travail.

Est-ce que vous pensez qu’il y a une mode de la pop suédoise ?

Oui je pense qu’il y en a une. Je pense que dans quelques mois ce sera le climax. On en entend de plus en plus parler et du coup c’est l’effet boule de neige, les gens s’y intéressent et commence à y trouver une pépinière d’artistes incroyable. Il y a même des labels qui vont chercher leur musique là-bas. La Suède est devenue un pays où trouver des talents. Un label français comme Fargo va chercher des artistes suédois pour signer du folk, comme ils signeraient des américains, pour à peu près la même musique d’ailleurs.

A propos des labels, il y en a beaucoup ? Qu’est-ce que vous pensez du travail de labels suédois comme Sincerely Yours ou Labrador ?

Ils sont assez bons, ce qui est intéressant aussi c’est que depuis quelques temps chaque artiste monte pratiquement son label pour sortir leur album, leur propre album. C’est assez symptomatique de la musique en Suède actuellement : beaucoup d’artistes ont trouvé un moyen de faire vivre leur musique en faisant des petits labels, en s’aidant beaucoup pour enregistrer les disques de chacun et en se refilant des plans pour exporter leur musique. Par exemple Almost Music, une boîte de promo française qui a aussi un volet label, a sorti beaucoup de suédois, soit qu’elle représente en tant que label soit juste en promo, grâce au bouche à oreille, les artistes suédois se disent ‘tu veux sortir ton disque en France ? Va parler à untel et ça ça marche très bien’.

Ils ont de bons relais en France ?

Oui, et entre eux il n’y a pas le côté ’si je lui donne le plan, ça va me passer sous le nez’. Ils sont assez partageurs malgré tout, ce qui apparemment est une force puisque ça a l’air de marcher comme ça.

En sortant un petit peu de l’indie, il se trouve que beaucoup de popstars mondiales ont recours à des suédois. Des gens comme Red One, Max Martin ont écrit une bonne partie des chansons de Lady Gaga ou de Britney Spears. C’est un volet complètement différent mais ça a peut-être les mêmes racines ?

Ça a les mêmes racines, ça vient aussi du fait qu’ils sont à fond dans les nouvelles technologies, à la pointe de tout ! Du coup même pour tout ce qui est de la pop variété ils vont savoir quel arrangement faire pour être au top. Du coup, les américains vont chercher leurs producteurs en Suède. On a eu la « French Touch » à un moment donné…

Est-ce qu’il y aurait une Swedish touch ?

Apparemment il y en a une, mais elle est peut-être moins évidente…

Moins incarnée aussi ?

Voilà. Ce qui est intéressant c’est que la Suède est le troisième pays exportateur de musique mais si on demande à quelqu’un dans la rue de citer un groupe suédois, il ne saura pas !

Alors qu’il y a des choses extrêmement connues…

Tout à fait, c’est assez symptomatique qu’ils n’aient pas de stars énormes. Il y a Robyn, qui explose depuis quelques temps, mais je pense qu’il y a plein de gens qui ne savent pas qu’elle est suédoise. C’est quand même énorme de se dire qu’ils exportent autant de musique sans avoir de gros vendeurs.

Il y a aussi pas mal d’artistes qui vont enregistrer leur album en Suède… Est-ce qu’il y a de très bons ingénieurs du son, de très bons studios ?

Oui, je pense que tout va de pair aussi. Comme leur scène s’est développée d’abord en Suède avant de s’exporter, ils sont pas allés à l’étranger pour enregistrer leur musique donc les ingés sons ont suivi. Il leur en fallait donc il y avait aussi une niche pour répondre au besoin de tous ces groupes qui sortaient.

En France, quand on fait du rock chanté en français on pense tout de suite à Noir Désir, Est-ce qu’il y a le même type de poids, par exemple ABBA? La sensation que j’ai eue c’est que les Suédois en ont un peu marre de cet héritage.

Oui, surtout que justement leur scène commence à être tellement foisonnante que pour eux c’est un peu étrange de la résumer à ABBA, Europe ou Roxettes. Ils citent souvent les Roxettes qui sont moins connus par ailleurs…

Abba, c’était quand même le coming-out suédois sur la scène musicale, qui existait pas vraiment avant…

En effet, je pense que ça a marqué un démarrage de la Suède comme pouvant être musicalement importante.

Est-ce que les artistes suédois ont l’impression d’être un pays exportateur, où il y a beaucoup de choses qui se passent ou est-ce qu’ils sont, comme beaucoup de Suédois, en retrait, très modestes ?

Il y a beaucoup d’humilité de ce côté là, et je pense que ce n’est pas feint. Ils le ressente vraiment comme ça : pendant des siècles ils se sont sentis petits et même si ça change, ils ont quand même ce côté humble qui reste prédominant.

Quand je leur dis que je fais un livre sur la musique suédoise, ça les intrigue, ils ne comprennent pas qui ça peut intéresser en dehors de Suède.

Votre souvenir le plus marquant relatif à la Suède ?

Pour l’instant c’est ma rencontre avec Jens Lekman. Ça s’est fait un peu comme ça, par chance. Comme il vit en Australie, il était de retour chez lui pour midsommar, un mois en juin / juillet, et il m’a invité chez lui dans sa famille à fêter midsommar. On a fait les photos ce jour là.

Il y avait un côté ancré dans la tradition…

Voilà, et puis les souvenirs que j’en ai, de découvrir la Suède de cette façon là, les traditions et puis tous les paysages… C’était un peu en dessous de Göteborg, dans la maison où il allait enfant. C’était la maison de son grand-père et toute la famille se réunissait là tous les ans pour midsommar, et là cette année encore, même si son grand-père est décédé. Il m’a emmené sur la tombe de son grand père, sur les falaises qui dominent l’océan, on a passé deux heures là, à attendre la bonne lumière. Ça reste encore pour moi un des meilleurs souvenirs jusqu’à maintenant. Avoir vraiment pu prendre le temps… Après une journée comme cela, je me suis dit que le projet valait le coup.

Il y a une double filiation : l’histoire personnelle et la tradition…

Exactement, alors que je pensais que c’était quelqu’un qui voudrait pas spécialement partager son côté suédois ni s’appesantir dessus. Apparemment il refuse pas mal de projets, on lui propose beaucoup de choses… Il avait envie de répondre positivement à ce projet parce qu’il avait carte blanche pour me montrer ce qu’il voulait et partager avec moi quelque chose qu’il avait envie de partager. Ça m’a vraiment touché ce rapport là, c’était très généreux.

C’est quelque chose que je retiens de mon voyage en Suède, c’est la générosité. Il y a une réserve, mais derrière… je trouve que c’est ça c’est souvent en deux temps. Quand on peut passer un peu de temps avec eux qu’on peut dépasser cette réserve ça devient énorme.

Sur la thématique de la scène musicale suédoise, vous pouvez également lire :

- L’interview de Lykke Li réalisée par OWNImusic

L’interview de Nina Kinert réalisée par Anastasia Lévy

Retrouvez une sélection de photos de Julien Bourgeois sur son site officiel

Photos : portraits (c) Julien Bourgeois, image de clé CC FlickR Copocchione

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